Maroc
Affaire Ben Barka: un petit pas vers la vérité ?
Après ses révélations fracassantes sur la disparition de Mehdi Ben Barka, Ahmed Boukhari, l’ancien agent marocain de la police politique, a été entendu à Rabat, dans le cadre d’une commission rogatoire diligentée par la France.
De notre correspondante à Casablanca
«Le contenu du témoignage d’Ahmed Boukhari reste secret, mais le juge français qui en prendra connaissance peut demander que le procédé se poursuive. C’est cet aspect qui est le plus intéressant aujourd’hui, parce que l’enquête dans l’affaire Ben Barka n’est pas close, on peut désormais envisager que soient entendus d’autres témoins.» Maître Abderahim Jamaï, l’avocat de l’ancien agent du « Cab 1 » (la police politique marocaine des débuts du règne de Hassan II) résume ainsi le poids du témoignage de Boukhari au Maroc: une étape vers l’établissement de la vérité concernant la disparition de Ben Barka, en octobre 1965, à Paris.
Ahmed Boukhari a été entendu, le 15 janvier, par le juge Abdelkader Chentouf, en présence d’un greffier qui a recueilli sa déposition. Le procès-verbal sera ensuite remis au juge français en charge du dossier, Claude Choquet, qui a pris la succession de Jean-Baptiste Parlos, en octobre 2002. Soumis au secret de l’instruction, le témoin Boukhari n’a rien révélé de ce qui lui a été demandé, mais les cinq ou six questions qui lui ont été posées, vraisemblablement d’ordre général, doivent être considérées comme un nouveau point de départ pour l’enquête.
Maurice Buttin, l’avocat français de la famille de Mehdi Ben Barka, avouait, en juin dernier, qu’une commission rogatoire ne pouvait donner que des résultats limités, voire «partiaux». Aujourd’hui, cet homme qui, depuis trente-sept ans, cherche à découvrir la vérité, dit attendre beaucoup plus de la seconde commission rogatoire, celle qui concerne les quatre truands français impliqués dans la disparition du leader de la gauche marocaine: «S’il est enfin établi que Boucheseiche, Le Ny, Palisse et Dubail ont bel et bien trouvé refuge au Maroc, on ne pourra plus nier que les services secrets français et marocains ont collaboré dans cette affaire. Or, on a fait, à ce sujet, diverses découvertes significatives, on a par exemple localisé plusieurs établissements ayant appartenu à ces truands, comme le Grand Hôtel de Casablanca».
Une enquête qui embarrasse Français et Marocains
En attendant que d’autres commissions rogatoires permettent d’ajouter à ce dossier difficile les dépositions de témoins encore en vie, le BNPJ (Bureau National de la Police Judiciaire) marocain mène une discrète enquête sur la présence des truands français au Maroc. Seraient ainsi épluchés des titres de propriété et autres factures d’électricité, attestant que les quatre hommes ayant participé à l’enlèvement et à la séquestration de Ben Barka se seraient établis au Maroc juste après les faits, pour y disparaître une dizaine d’années plus tard. Et c’est bien là tout l’intérêt de la déposition de Boukhari. Si l’on ne peut manquer de s’interroger sur les motivations des révélations fracassantes, consignées aujourd’hui dans son livre-confession «Le secret», il n’en demeure pas moins que son témoignage donne de nouvelles pistes pour l’enquête en cours. A condition de faire vite, à condition également que la France et le Maroc collaborent au plan judiciaire.
Parmi les trois anciens agents du «Cab 1» mis en cause par Boukhari, et qui ont nié avoir été impliqués dans cette sombre affaire de liquidation, l’un, Mohamed Achaâchi, est récemment décédé. Maurice Buttin, constitué dans l’affaire le 31 octobre 1965, alors qu’il était avocat à la cour d’appel de Rabat, rappelle volontiers que tous ses confrères de la partie civile d’alors sont morts à l’heure actuelle. Il faut donc faire vite pour rattraper les derniers témoins, indirects, de l’affaire, d’autant plus que certains se cacheraient encore sous des pseudonymes. L’enquête embarrasse, en fait, autant le Maroc que la France, dont les services spéciaux auraient participé conjointement à une élimination éminemment politique. Ainsi les Français refusent toujours de lever le secret défense qui frappe certaines pièces précédemment réclamées par le juge Parlos, tandis que Rabat n’a toujours pas délivré de passeport à Ahmed Boukhari, dans l’impossibilité de répondre aux convocations de la Justice française. Sa déposition du 15 janvier, aussi limitée soit-elle, peut alors être interprétée comme une avancée pour le dossier Mehdi Ben Barka, si elle sert d’accélérateur pour l’enquête.
«Le contenu du témoignage d’Ahmed Boukhari reste secret, mais le juge français qui en prendra connaissance peut demander que le procédé se poursuive. C’est cet aspect qui est le plus intéressant aujourd’hui, parce que l’enquête dans l’affaire Ben Barka n’est pas close, on peut désormais envisager que soient entendus d’autres témoins.» Maître Abderahim Jamaï, l’avocat de l’ancien agent du « Cab 1 » (la police politique marocaine des débuts du règne de Hassan II) résume ainsi le poids du témoignage de Boukhari au Maroc: une étape vers l’établissement de la vérité concernant la disparition de Ben Barka, en octobre 1965, à Paris.
Ahmed Boukhari a été entendu, le 15 janvier, par le juge Abdelkader Chentouf, en présence d’un greffier qui a recueilli sa déposition. Le procès-verbal sera ensuite remis au juge français en charge du dossier, Claude Choquet, qui a pris la succession de Jean-Baptiste Parlos, en octobre 2002. Soumis au secret de l’instruction, le témoin Boukhari n’a rien révélé de ce qui lui a été demandé, mais les cinq ou six questions qui lui ont été posées, vraisemblablement d’ordre général, doivent être considérées comme un nouveau point de départ pour l’enquête.
Maurice Buttin, l’avocat français de la famille de Mehdi Ben Barka, avouait, en juin dernier, qu’une commission rogatoire ne pouvait donner que des résultats limités, voire «partiaux». Aujourd’hui, cet homme qui, depuis trente-sept ans, cherche à découvrir la vérité, dit attendre beaucoup plus de la seconde commission rogatoire, celle qui concerne les quatre truands français impliqués dans la disparition du leader de la gauche marocaine: «S’il est enfin établi que Boucheseiche, Le Ny, Palisse et Dubail ont bel et bien trouvé refuge au Maroc, on ne pourra plus nier que les services secrets français et marocains ont collaboré dans cette affaire. Or, on a fait, à ce sujet, diverses découvertes significatives, on a par exemple localisé plusieurs établissements ayant appartenu à ces truands, comme le Grand Hôtel de Casablanca».
Une enquête qui embarrasse Français et Marocains
En attendant que d’autres commissions rogatoires permettent d’ajouter à ce dossier difficile les dépositions de témoins encore en vie, le BNPJ (Bureau National de la Police Judiciaire) marocain mène une discrète enquête sur la présence des truands français au Maroc. Seraient ainsi épluchés des titres de propriété et autres factures d’électricité, attestant que les quatre hommes ayant participé à l’enlèvement et à la séquestration de Ben Barka se seraient établis au Maroc juste après les faits, pour y disparaître une dizaine d’années plus tard. Et c’est bien là tout l’intérêt de la déposition de Boukhari. Si l’on ne peut manquer de s’interroger sur les motivations des révélations fracassantes, consignées aujourd’hui dans son livre-confession «Le secret», il n’en demeure pas moins que son témoignage donne de nouvelles pistes pour l’enquête en cours. A condition de faire vite, à condition également que la France et le Maroc collaborent au plan judiciaire.
Parmi les trois anciens agents du «Cab 1» mis en cause par Boukhari, et qui ont nié avoir été impliqués dans cette sombre affaire de liquidation, l’un, Mohamed Achaâchi, est récemment décédé. Maurice Buttin, constitué dans l’affaire le 31 octobre 1965, alors qu’il était avocat à la cour d’appel de Rabat, rappelle volontiers que tous ses confrères de la partie civile d’alors sont morts à l’heure actuelle. Il faut donc faire vite pour rattraper les derniers témoins, indirects, de l’affaire, d’autant plus que certains se cacheraient encore sous des pseudonymes. L’enquête embarrasse, en fait, autant le Maroc que la France, dont les services spéciaux auraient participé conjointement à une élimination éminemment politique. Ainsi les Français refusent toujours de lever le secret défense qui frappe certaines pièces précédemment réclamées par le juge Parlos, tandis que Rabat n’a toujours pas délivré de passeport à Ahmed Boukhari, dans l’impossibilité de répondre aux convocations de la Justice française. Sa déposition du 15 janvier, aussi limitée soit-elle, peut alors être interprétée comme une avancée pour le dossier Mehdi Ben Barka, si elle sert d’accélérateur pour l’enquête.
par Isabelle Broz
Article publié le 19/01/2003