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Mondialisation

Davos : l’Amérique latine demande des relations plus équilibrées

Cinq présidents latino-américains sont venus plaider la cause de leur pays au Forum économique mondial. Dans des registres différents, mais avec un point commun : la dénonciation du protectionnisme des nations industrialisées.
Avec le Brésilien Luis Inácio Lula da Silva, le plus attendu et le dernier arrivé, dimanche 26 janvier, pour fermer la marche, l’édition 2003 du Forum économique mondial de Davos aura compté avec une présence significative de l’Amérique latine : outre Lula, les présidents mexicain Vicente Fox, argentin Eduardo Duhalde, colombien Alvaro Uribe et péruvien Alejandro Toledo ont tenu à se rendre dans les Alpes suisses cette année. Dans des registres différents, ils sont tous venus demander une meilleure compréhension de la part des pays industrialisés. Ce qui ne veut pas dire plus d’aides mais des relations commerciales plus équilibrées.

Alejandro Toledo a été particulièrement incisif sur le sujet, dénonçant notamment le protectionnisme de l’Union européenne (UE) «qui dépense, a-t-il rappelé, 1 milliard de dollars par jour pour subventionner ses agriculteurs». Une plus grande ouverture des marchés des nations industrialisées serait également bénéfique pour la Colombie, pays auquel la communauté internationale ne prête pas une attention suffisante, compte tenu des ravages causés par la drogue dans le monde entier, a estimé pour sa part Alvaro Uribe.

Si l’Argentine, dont les produits agricoles sont les plus directement en concurrence avec ceux de l’UE, est sans doute le pays le plus lésé par les droits de douane élevés imposés par Bruxelles, Eduardo Duhalde n’aura pas été très virulent sur la question. Tout en rappelant, au nom du Mercosur (Marché commun du Sud, qui regroupe également le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay), que des négociations étaient en cours avec l’Union, il a surtout cherché à gagner la confiance des investisseurs. Sur ce plan, l’accord signé une semaine plus tôt avec le Fonds monétaire international (FMI) et entériné par le conseil d’administration de l’institution le 24, est venu à point nommé : même s’il est limité dans le temps (huit mois) et ne porte que sur le rééchelonnement de 11 milliards de dollars de dettes, il implique une reconnaissance de l’amélioration de la situation économique du pays.

Le Mexique est le «bon élève»

«Le redressement est amorcé, l’Argentine est de retour» : tel est le message que Duhalde a voulu faire passer à Davos. Malgré sa rencontre avec Anne Krueger, la numéro deux du Fonds, samedi 25, il faudra sans doute d’autres signes témoignant de la normalisation de l’activité économique pour que les chefs d’entreprise occidentaux reprennent le chemin de Buenos Aires. Et quand Krueger rappelle au président argentin que le FMI considère qu’il serait nécessaire d’augmenter d’au moins 50 % les tarifs des services publics, privatisés et concédés à des filiales de groupes étrangers, elle lui fait savoir que son gouvernement demeure sous surveillance.

Vicente Fox n’aura pas suscité de semblables réactions, bien au contraire : seul parmi ses pairs à être déjà venu à Davos, très à l’aise dans cette enceinte libérale, le chef de l’Etat mexicain est le «bon élève» de la classe latino-américaine. Avec le Chili, son pays est l’un des rares de la région à maintenir une croissance soutenue. Courant 2002, aidé par l’appréciation du peso face au dollar tandis que le real se dévaluait, le Produit intérieur brut (PIB) du Mexique a même dépassé celui du Brésil. Associé aux Etats-Unis (et au Canada) dans le cadre de l’Accord de libre échange nord-américain (Alena), il a fait l’objet de mesures discriminatoires de la part de son puissant partenaire depuis le 11 septembre 2001. Les secteurs industriels américains, traditionnellement hostiles à l’intégration avec un voisin dont les coûts salariaux sont plus faibles, ayant évidemment tiré parti de cette nouvelle donne, Fox devait dénoncer le raidissement de Washington.

Passé par Porto Alegre avant de venir à Davos, afin de rappeler que ses sympathies idéologiques étaient plutôt du côté des militants anti-globalisation participant au Forum social mondial, Lula a cependant pris des risques en acceptant de côtoyer le gotha du capitalisme international. Déçue par le pragmatisme du nouveau président brésilien, l’aile gauche de son parti n’aura pas manqué d’y voir une sorte de trahison. Même si Lula dénonce à son tour, par-delà les déséquilibres du système économique actuel, les discriminations commerciales dont est victime son pays. Car pour lui aussi, l’exercice ne manquera pas d’être difficile : comme les autres présidents latino-américains, il n’ignore pas que le maintien de bonnes relations avec les nations industrialisées lui sera indispensable.



par Jean-Louis  Buchet

Article publié le 25/01/2003