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Propriété intellectuelle

Les majors contre le droit de copier

Le piratage devient un véritable casse-tête pour les majors du disque. Leur seul rempart reste celui du droit. Un avant-projet de loi dont l’objectif est d’éradiquer la contrefaçon numérique, suscite un vif débat. Un dossier aux enjeux importants, notamment dans le domaine de la protection des droits d’auteurs dans la société de l’information.
Graver ses propres compilations à partir de ses CD ou télécharger un fichier musical via Internet représente-t-il une menace pour l’industrie de la musique ? Oui, répondent les professionnels du secteur réunis cette semaine à Cannes à l’occasion de la 37ème édition du Midem (Marché international du disque et de l’édition musicale). Ils demandent aux pouvoirs publics les moyens de lutter efficacement contre le piratage. Les chiffres sont éloquents. Les éditeurs phonographiques évaluent à 5 milliards le nombre d’enregistrements qui ont été téléchargés en 2001. Tandis que les trois premiers marchés mondiaux (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni) ont enregistré des reculs en 2002 de leurs marchés respectivement 9%, 10% et 3%.

Objectif avoué : mettre en place la législation qui convient pour limiter la copie privée. Autrement dit l’avant-projet de loi du gouvernement Raffarin relatif au droit d’auteur dans la société de l’information qui va transposer en droit français une directive européenne du 22 mai 2001. Si l’on en croit les premières informations de ce document évoquées dans la presse en décembre dernier, ce projet de loi devrait légaliser les protections de CD et de DVD contre la copie. Les professionnels du disque présents au Midem semblent convaincus de l’utilité d’une telle législation. Reste à formaliser sa mise en œuvre le plus rapidement possible. «Nous sommes d’accord pour la copie privée mais à condition qu’elle soit limitée par des dispositifs techniques : une seule copie au maximum», le leitmotiv du SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) sonne comme un avertissement.

230 millions de disques vierges enregistrables

Les professionnels de la musique ont également exprimé leurs préoccupations vis-à-vis des fournisseurs d’accès à Internet accusés d’encourager le téléchargement de fichiers musicaux sur Internet via les réseaux d’échange peer-to-peer. Les éditeurs phonographiques évaluent à 5 milliards le nombre d’enregistrements qui ont été téléchargés dans le monde en 2001. A titre d’exemple, il s’est vendu l’an dernier en France quelques 230 millions de disques vierges enregistrables (CD-R destinés à la reproduction) pour 171 millions de supports enregistrés (dont 126 millions d’albums et 39,4 millions de singles), selon les producteurs de disque.

Avec ce projet de loi, la notion de droit à la copie privée risque de perdre une bonne partie de sa signification. Propriété artistique contre droit à la copie privée: le combat est mondial. John Perry Barlow, le co-fondateur de l'Electronic Frontier Foundation (EFF), une association qui défend les libertés individuelles, met la France en garde contre les menaces d'une législation interdisant la copie privée. «Voila quatre ans que nous subissons aux États-Unis les effets pervers du DMCA (Digital Millenium Copyright Act). Comme l'avant-projet de loi proposé par le ministère de la culture français ne diffère guère de notre DMCA, il est à craindre qu'il ne puisse pas protéger les intérêts des auteurs ou des titulaires de droits mais serve, au contraire, à asseoir une domination durable des majors et des éditeurs», explique-t-il.

En France, cet avant-projet de loi qui contredit la loi de 1985 sur la reproduction privée, fait l’objet de nombreuses critiques. Des spécialistes de la propriété intellectuelle, des artistes-interprètes, des auteurs compositeurs se déclarent «hostiles à l’instauration sur les appareils d’enregistrement de musique de tout dispositif visant à restreindre la copie privée». Ils ont été rejoints dans ce combat par différentes associations, l’Union fédérale des consommateurs-Que Choisir(UFC) et la Fondation pour le logiciel libre (FSF France). Très déterminés, les membres de la FSF France ont créé l’initiative EUCD.INFO (European union copyright directive) afin d’alerter le gouvernement des dangers qu’il fait peser sur la copie privée en mettant en place un tel projet de loi. Une contestation qui n'a pas l'air, pour l'instant, d'inquiéter le ministère de la Culture et de la Communication, sourd aux protestations. Le ministre en personne, Jean-Jacques Aillagon a déclaré récemment «qu’il n’était pas hostile à l’instauration d’une technique permettant de dégrader progressivement la qualité d’un support copié».



par Myriam  Berber

Article publié le 22/01/2003