Côte d''Ivoire
Abidjan rejette Marcoussis
Le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin a annoncé mercredi que la France avait envoyé en Côte d’Ivoire «des renforts de gendarmerie», en ajoutant: «Nous sommes mobilisés en permanence et nous sommes prêts à faire face à toute éventualité». Au même moment la métropole d’Abidjan semblait reprendre un visage plus normal, après quatre jours consécutifs de manifestations parfois très violentes contre la France. Le gouvernement français a également annoncé qu’il allait prendre des dispositions nécessaires pour aider les Français d’Abidjan «qui veulent accélérer leur départ en vacances», les établissements scolaires français étant fermés à la suite des déprédations des derniers jours.
Quelques jours à peine après la conclusion des négociations de Marcoussis et de Paris sur la crise ivoirienne, le compromis signé par les différentes parties et avalisé ensuite par le sommet de l’avenue Kléber semble plus que jamais difficile à mettre en musique. Le ministre ivoirien de l’Intérieur Paul Yao N’dré a estimé mardi soir que cet accord est «nul et non avenu», avant de préciser: «Ces accords disent que le Premier ministre partage le pouvoir avec le président de la République, ce qui est inadmissible. Nous sommes dans un régime présidentiel et du point de vue constitutionnel, ce régime ne fait pas de partage de pouvoir entre le président démocratiquement élu et un Premier ministre dénommé ou désigné outre-mer». Selon Yao N’dré «on fait une prime à la rébellion, ce que n’admet pas le peuple ivoirien, et n’acceptent pas les forces armées nationales».
Celles-ci refusent en effet catégoriquement l’arrivée des rebelles à la tête des ministères de la Défense et de l’Intérieur, ce que le MPCI continue de réclamer. Armée, gendarmerie, police, agents des eaux et forêts et douanes ont fait parvenir un document en ce sens au président Gbagbo, qui continue à consulter les différents corps de l’Etat, avant de s’adresser à la nation. Dans ce mémorandum les forces armées refusent d’être placées sur le même pied que les rebelles et surtout d’être désarmées et cantonnées, à l’instar des rebelles qui ont déclenché la mutinerie du 19 septembre.
De leur côté les partis ivoiriens majoritaires au parlement ont été encore plus explicites: "C'est le sommet des chefs d'Etat qui a d'autorité désigné le Premier ministre, réparti les ministères et attribué d'office les deux postes de la Défense et de l'Intérieur au MPCI. Cette décision a été prise contre la lettre et l'esprit de l'accord de Marcoussis qui prévoyait la désignation du Premier ministre par consensus, après une large consultation de tous les partis de la table ronde par le Président de la République, de même que l'attribution des ministères de manière équilibrée entre les parties".
Cette prise de position très ferme a été élaborée, dans un hôtel parisien, entre toutes les formations politiques ivoiriennes représentées au parlement (FPI, PDCI, UDCI, PIT et MFA), en l'absence du RDR, dont les positions sont proches de celles des rebelles. Ces partis "réaffirment que l'accord de Marcoussis n'est pas en cause. Ce qui est en cause c'est son application, telle qu'engagée par le sommet des chefs d'Etat de Paris", organisé et présidé par le président Jacques Chirac.
Pour le conseiller de Laurent Gbagbo, Toussaint Alain, l’accord de Marcoussis «ressemble à un pansement sur une jambe de bois. On ne peut pas accepter que ceux qui ont pris les armes soient appelés à diriger les militaires».
Ce «front du refus» avait déjà enregistré le renfort quelque peu inattendu du président du parti historique du pays: Henri Konan Bédié, leader du PDCI, a en effet déclaré au quotidien français le Parisien que l’attribution des portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense aux rebelles «pose problème». Pour le successeur d’Houphouët-Boigny, les accords de Marcoussis restent «pertinents» mais ne doivent pas être confondus avec les décisions prises lors de la réunion des chefs d’Etat de Paris, qui l’ont visiblement choqué, parce que «les partis ivoiriens n’ont pas eu leur mot à dire», en ce qui concerne la composition du gouvernement, contrairement à ce qui a été annoncé officiellement. Pour lui il s’agit de «décisions prises au niveau des chefs d’Etat, au niveau des grandes puissances, pour être plus précis». «La question qu’il faut se poser, a-t-il poursuivi, est de savoir pourquoi il y a ces manifestations» anti-françaises à Abidjan.
«Il faut tirer les conséquences de la défaite militaire»
De son côté le président Laurent Gbagbo, lors d’une rencontre avec des «femmes patriotes», a répété qu’il ne démissionnera pas, pour ne pas livrer le pays à la guerre civile. «Je suis élu pour cinq ans, je gouverne et je reste, a-t-il dit. Ce que beaucoup ne comprenne pas, c’est que l’enjeu du pouvoir en Côte d’Ivoire aujourd’hui, c’est un enjeu qui dépasse la personne de Gbagbo. C’est «comment est-ce qu’on accède au pouvoir et comment on reste au pouvoir», en Côte d’Ivoire et dans toute l’Afrique. C’est trop facile de prendre un fusil, de se rebeller et de dire «qu’il démissionne !». Ce n’est pas acceptable pour notre pays, et ce n’est pas acceptable pour nos pays» africains. Des propos largement partagés, mais qui ne remettent pas en cause l’ensemble des accords de Marcoussis, même s’ils soulignent que leur application concrète, telle qu’elle avait été présentée -ou imposée- lors du sommet des chefs d’Etat, reste très aléatoire.
Car, en dépit des manifestations violentes de quelque milliers d’Abidjanais contre la politique et la présence française en Côte d’Ivoire, une partie de la presse abidjanaise a adopté mercredi un ton plutôt mesuré et réaliste vis-à-vis de ces accords, et met en cause les défaillances des forces armées, avant de souligner l’attitude de Gbagbo qui a choisi de «sauver le peuple». Pour Soir Info «il est évident que les rapports de forces sur le terrain n’ont laissé aucune autre alternative au chef suprême des armées que de signer sa capitulation et ce de façon élégante. Les anti-marcoussistes devraient froidement voir la réalité et tirer avec le chef d’Etat les conséquences de la défaite militaire de nos troupes».
Pour Le Nouveau Réveil (PDCI) «le mouvement de colère dit patriotique pourrait à terme desservir (Gbagbo). Aucun parti politique (présent à Marcoussis) n’a trahi. La loi des négociations reste les concessions mutuelles. A quoi rimerait le refus catégorique des accords de Marcoussis ? A la reprise de la guerre ?».
Ce n’est pas l’avis du quotidien Notre Voie (proche du FPI), qui écrit: «Il n’y a rien à expliquer (au peuple, comme le réclamait Dominique de Villepin), parce que tout est clair: la France veut offrir la Côte d’Ivoire aux rebelles, via une table ronde truquée dont les résolutions font la part belle aux assaillants».
Celles-ci refusent en effet catégoriquement l’arrivée des rebelles à la tête des ministères de la Défense et de l’Intérieur, ce que le MPCI continue de réclamer. Armée, gendarmerie, police, agents des eaux et forêts et douanes ont fait parvenir un document en ce sens au président Gbagbo, qui continue à consulter les différents corps de l’Etat, avant de s’adresser à la nation. Dans ce mémorandum les forces armées refusent d’être placées sur le même pied que les rebelles et surtout d’être désarmées et cantonnées, à l’instar des rebelles qui ont déclenché la mutinerie du 19 septembre.
De leur côté les partis ivoiriens majoritaires au parlement ont été encore plus explicites: "C'est le sommet des chefs d'Etat qui a d'autorité désigné le Premier ministre, réparti les ministères et attribué d'office les deux postes de la Défense et de l'Intérieur au MPCI. Cette décision a été prise contre la lettre et l'esprit de l'accord de Marcoussis qui prévoyait la désignation du Premier ministre par consensus, après une large consultation de tous les partis de la table ronde par le Président de la République, de même que l'attribution des ministères de manière équilibrée entre les parties".
Cette prise de position très ferme a été élaborée, dans un hôtel parisien, entre toutes les formations politiques ivoiriennes représentées au parlement (FPI, PDCI, UDCI, PIT et MFA), en l'absence du RDR, dont les positions sont proches de celles des rebelles. Ces partis "réaffirment que l'accord de Marcoussis n'est pas en cause. Ce qui est en cause c'est son application, telle qu'engagée par le sommet des chefs d'Etat de Paris", organisé et présidé par le président Jacques Chirac.
Pour le conseiller de Laurent Gbagbo, Toussaint Alain, l’accord de Marcoussis «ressemble à un pansement sur une jambe de bois. On ne peut pas accepter que ceux qui ont pris les armes soient appelés à diriger les militaires».
Ce «front du refus» avait déjà enregistré le renfort quelque peu inattendu du président du parti historique du pays: Henri Konan Bédié, leader du PDCI, a en effet déclaré au quotidien français le Parisien que l’attribution des portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense aux rebelles «pose problème». Pour le successeur d’Houphouët-Boigny, les accords de Marcoussis restent «pertinents» mais ne doivent pas être confondus avec les décisions prises lors de la réunion des chefs d’Etat de Paris, qui l’ont visiblement choqué, parce que «les partis ivoiriens n’ont pas eu leur mot à dire», en ce qui concerne la composition du gouvernement, contrairement à ce qui a été annoncé officiellement. Pour lui il s’agit de «décisions prises au niveau des chefs d’Etat, au niveau des grandes puissances, pour être plus précis». «La question qu’il faut se poser, a-t-il poursuivi, est de savoir pourquoi il y a ces manifestations» anti-françaises à Abidjan.
«Il faut tirer les conséquences de la défaite militaire»
De son côté le président Laurent Gbagbo, lors d’une rencontre avec des «femmes patriotes», a répété qu’il ne démissionnera pas, pour ne pas livrer le pays à la guerre civile. «Je suis élu pour cinq ans, je gouverne et je reste, a-t-il dit. Ce que beaucoup ne comprenne pas, c’est que l’enjeu du pouvoir en Côte d’Ivoire aujourd’hui, c’est un enjeu qui dépasse la personne de Gbagbo. C’est «comment est-ce qu’on accède au pouvoir et comment on reste au pouvoir», en Côte d’Ivoire et dans toute l’Afrique. C’est trop facile de prendre un fusil, de se rebeller et de dire «qu’il démissionne !». Ce n’est pas acceptable pour notre pays, et ce n’est pas acceptable pour nos pays» africains. Des propos largement partagés, mais qui ne remettent pas en cause l’ensemble des accords de Marcoussis, même s’ils soulignent que leur application concrète, telle qu’elle avait été présentée -ou imposée- lors du sommet des chefs d’Etat, reste très aléatoire.
Car, en dépit des manifestations violentes de quelque milliers d’Abidjanais contre la politique et la présence française en Côte d’Ivoire, une partie de la presse abidjanaise a adopté mercredi un ton plutôt mesuré et réaliste vis-à-vis de ces accords, et met en cause les défaillances des forces armées, avant de souligner l’attitude de Gbagbo qui a choisi de «sauver le peuple». Pour Soir Info «il est évident que les rapports de forces sur le terrain n’ont laissé aucune autre alternative au chef suprême des armées que de signer sa capitulation et ce de façon élégante. Les anti-marcoussistes devraient froidement voir la réalité et tirer avec le chef d’Etat les conséquences de la défaite militaire de nos troupes».
Pour Le Nouveau Réveil (PDCI) «le mouvement de colère dit patriotique pourrait à terme desservir (Gbagbo). Aucun parti politique (présent à Marcoussis) n’a trahi. La loi des négociations reste les concessions mutuelles. A quoi rimerait le refus catégorique des accords de Marcoussis ? A la reprise de la guerre ?».
Ce n’est pas l’avis du quotidien Notre Voie (proche du FPI), qui écrit: «Il n’y a rien à expliquer (au peuple, comme le réclamait Dominique de Villepin), parce que tout est clair: la France veut offrir la Côte d’Ivoire aux rebelles, via une table ronde truquée dont les résolutions font la part belle aux assaillants».
par Elio Comarin
Article publié le 29/01/2003