Côte d''Ivoire
Marcoussis… c’est pas fini !
Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, a retrouvé jeudi matin son visage presque habituel, après quatre jours de violentes manifestations anti-françaises et un «sommet de la discorde et de la confrontation» entre Paris et Abidjan. Alors que la diplomatie française commence à être ouvertement critiquée, à Paris, pour avoir pêché par «précipitation», manqué de «sens de l’anticipation» et affiché une certaine «attitude contradictoire». Le bras de fer continue entre l’ancienne métropole et la perle de l’Afrique occidentale.
Les «humiliations» subies à Paris par le président Gbagbo le week-end dernier, comme les «blessures» reçues à Abidjan par Dominique de Villepin lors de son dernier voyage ne sont pas encore complètement oubliées. Mais l’heure de la désescalade verbale semble bel et bien avoir sonné.
D’un côté la diplomatie française, souvent «interventionniste» voire «bonapartiste», semble désormais astreinte plus que dans le récent passé aux obligations liées à son rôle d’arbitre et de médiateur que Paris a voulu assumer à la suite de l’échec des négociations de Lomé. Un choix qui n’a guère été apprécié par le président Eyadéma - pourtant un fidèle parmi les fidèles de la majorité au pouvoir à Paris. De l’autre le nationalisme ivoirien et les réactions de la rue abidjanaise ne peuvent faire oublier aux dirigeants que la situation ne leur est guère favorable sur le plan militaire. Ce que n’ignore pas Laurent Gbagbo, qui préfère visiblement jouer la montre et consulter tout le monde, avant d’aboutir à une autre, longue et fragile négociation. Nécessairement à l’ivoirienne.
«Une situation qui lui a été imposée»
Le gouvernement français, en choisissant «d’exfiltrer» sur Paris la recherche du compromis auquel les Ivoiriens sont contraints d’aboutir en toute hypothèse, a d’abord présumé de ses forces et pêché par oubli de l’histoire tumultueuse des relations franco-ivoiriennes. Ce qui était encore possible dans années 70 ne l’est plus trente années plus tard, et notamment depuis la fin de la «guerre froide», la tragédie rwandaise et le début du multipartisme. De plus, toutes les crises vecues par la Côte d’Ivoire depuis le putsch de Noël 1999 ne peuvent être effacées, presque à la hussarde, par quelques embrassades, même si celles-ci sont utiles voire incontournables, comme l’a démontré le «processus de Marcoussis».
En voulant imposer une «paix des braves» beaucoup trop tôt - ainsi que des «amis» aux postes clé du futur gouvernement - alors que la méfiance continuait de régner entre les belligérants, Paris a pris le risque d’apparaître du côté des rebelles. De plus, ceux-ci n’ont visiblement pas beaucoup d’expérience diplomatique. Guillaume Soro lui-même ne facilite guère la tâche de Dominique de Villepin, lorsqu’il déclare : «Il faut de la fermeté dans l’application de l’accord. C’est une question de dignité et de respectabilité». Car, il importe surtout de mettre sur pied une transition nécessairement fragile, qui se concrétise par le partage du pouvoir, mais qui ne peut qu’être basée sur la légalité et les institutions existantes. C’est ce à quoi devrait s’atteler désormais le «comité de suivi» mis sur pied à Paris.
Les divisions inquiétantes qui persistent au sein de la CEDEAO, comme l’impuissance de l’Union africaine, sont des données suffisamment graves pour que, de l’extérieur, on puisse encore songer à les exploiter ou à les exacerber. Le week-end dernier, en l’absence d’Eyadéma, le président sénégalais (et de la CEDEAO) Abdoulaye Wade a permis à Paris de sauver la face, en participant au sommet de Paris. Mais la même personne, une fois rentrée sur le continent africain, a donné indirectement raison à Gbagbo, en déclarant que les chefs d’Etat africains «n’ont pas été consultés sur la constitution du gouvernement ivoirien». «M. Gbagbo n’a jamais approuvé de document qui attribue les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur au MPCI ? a dit de son côté le conseiller du président ivoirien, Toussaint Alain. Il a pris acte d’une situation qui lui a été présentée, voire imposée». Par qui, au juste ?
Plus de quatre mois après le début de la guerre civile ivoirienne, Paris se retrouve plus que jamais au cœur du problème. Les autres médiateurs plus ou moins autoproclamés - africains ou européens - n’ont visiblement aucune chance d’aboutir à un compromis véritablement acceptable pour toutes les parties en présence.
Par chance, si de nombreuses voix se sont levées pour dénoncer les «pressions» du sommet de Paris, tous les protagonistes ont néanmoins confirmé leur attachement aux accords de Marcoussis. Désormais il importe de démarrer sans plus tarder et sur des bases plus claires et plus saines une négociation qui aurait dû commencer le week-end dernier.
Autant dire que les négociations sur l’avenir de la Côte d’Ivoire ne font que débuter. Alors que Gbagbo et ses «alliés» sont déjà rentrés à Abidjan, tandis que Guillaume Soro et les siens sont en route pour Bouaké. De son côté le premier ministre désigné Seydou Diarra doit arriver à son tour à Abidjan (via Dakar). Mais, nul ne peut dire quand tout ce monde se rencontrera à Yamoussoukro.
D’un côté la diplomatie française, souvent «interventionniste» voire «bonapartiste», semble désormais astreinte plus que dans le récent passé aux obligations liées à son rôle d’arbitre et de médiateur que Paris a voulu assumer à la suite de l’échec des négociations de Lomé. Un choix qui n’a guère été apprécié par le président Eyadéma - pourtant un fidèle parmi les fidèles de la majorité au pouvoir à Paris. De l’autre le nationalisme ivoirien et les réactions de la rue abidjanaise ne peuvent faire oublier aux dirigeants que la situation ne leur est guère favorable sur le plan militaire. Ce que n’ignore pas Laurent Gbagbo, qui préfère visiblement jouer la montre et consulter tout le monde, avant d’aboutir à une autre, longue et fragile négociation. Nécessairement à l’ivoirienne.
«Une situation qui lui a été imposée»
Le gouvernement français, en choisissant «d’exfiltrer» sur Paris la recherche du compromis auquel les Ivoiriens sont contraints d’aboutir en toute hypothèse, a d’abord présumé de ses forces et pêché par oubli de l’histoire tumultueuse des relations franco-ivoiriennes. Ce qui était encore possible dans années 70 ne l’est plus trente années plus tard, et notamment depuis la fin de la «guerre froide», la tragédie rwandaise et le début du multipartisme. De plus, toutes les crises vecues par la Côte d’Ivoire depuis le putsch de Noël 1999 ne peuvent être effacées, presque à la hussarde, par quelques embrassades, même si celles-ci sont utiles voire incontournables, comme l’a démontré le «processus de Marcoussis».
En voulant imposer une «paix des braves» beaucoup trop tôt - ainsi que des «amis» aux postes clé du futur gouvernement - alors que la méfiance continuait de régner entre les belligérants, Paris a pris le risque d’apparaître du côté des rebelles. De plus, ceux-ci n’ont visiblement pas beaucoup d’expérience diplomatique. Guillaume Soro lui-même ne facilite guère la tâche de Dominique de Villepin, lorsqu’il déclare : «Il faut de la fermeté dans l’application de l’accord. C’est une question de dignité et de respectabilité». Car, il importe surtout de mettre sur pied une transition nécessairement fragile, qui se concrétise par le partage du pouvoir, mais qui ne peut qu’être basée sur la légalité et les institutions existantes. C’est ce à quoi devrait s’atteler désormais le «comité de suivi» mis sur pied à Paris.
Les divisions inquiétantes qui persistent au sein de la CEDEAO, comme l’impuissance de l’Union africaine, sont des données suffisamment graves pour que, de l’extérieur, on puisse encore songer à les exploiter ou à les exacerber. Le week-end dernier, en l’absence d’Eyadéma, le président sénégalais (et de la CEDEAO) Abdoulaye Wade a permis à Paris de sauver la face, en participant au sommet de Paris. Mais la même personne, une fois rentrée sur le continent africain, a donné indirectement raison à Gbagbo, en déclarant que les chefs d’Etat africains «n’ont pas été consultés sur la constitution du gouvernement ivoirien». «M. Gbagbo n’a jamais approuvé de document qui attribue les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur au MPCI ? a dit de son côté le conseiller du président ivoirien, Toussaint Alain. Il a pris acte d’une situation qui lui a été présentée, voire imposée». Par qui, au juste ?
Plus de quatre mois après le début de la guerre civile ivoirienne, Paris se retrouve plus que jamais au cœur du problème. Les autres médiateurs plus ou moins autoproclamés - africains ou européens - n’ont visiblement aucune chance d’aboutir à un compromis véritablement acceptable pour toutes les parties en présence.
Par chance, si de nombreuses voix se sont levées pour dénoncer les «pressions» du sommet de Paris, tous les protagonistes ont néanmoins confirmé leur attachement aux accords de Marcoussis. Désormais il importe de démarrer sans plus tarder et sur des bases plus claires et plus saines une négociation qui aurait dû commencer le week-end dernier.
Autant dire que les négociations sur l’avenir de la Côte d’Ivoire ne font que débuter. Alors que Gbagbo et ses «alliés» sont déjà rentrés à Abidjan, tandis que Guillaume Soro et les siens sont en route pour Bouaké. De son côté le premier ministre désigné Seydou Diarra doit arriver à son tour à Abidjan (via Dakar). Mais, nul ne peut dire quand tout ce monde se rencontrera à Yamoussoukro.
par Elio Comarin
Article publié le 30/01/2003 Dernière mise à jour le 29/01/2003 à 23:00 TU