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Côte d''Ivoire

Premier rapport sur les droits de l'homme

Le premier rapport des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire décrit tous les symptômes d’un pays livré à la guerre civile. Du lundi 23 décembre au dimanche 29 décembre, la mission conduite par le commissaire adjoint, Bertrand Ramcharan a enquêté et elle vient de publier un premier bilan très préoccupant des trois premiers mois de conflits. Les enquêteurs ont parcouru le pays et interrogé toutes les sources disponibles. Ils parviennent en tout premier lieu à la conclusion que «plusieurs questions relatives aux droits de l’homme sont à l’origine du conflit».
«La mission a recueilli des informations faisant état de violations du droit à la vie, de détentions et d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées, d’actes de torture et autres traitements inhumains et dégradants, de traitements d’enfants, d’actes d’incitation à la haine et à la xénophobie, d’atteintes à la liberté d’expression et d’atteintes aux biens privés et publics». Le rapport pointe en particulier l’ampleur des exécutions sommaires, extrajudiciaires et arbitraires. Ces exécutions ont été commises dès les premières heures du conflit à Abidjan, Bouaké et Korhogo et perpétrées par les deux parties. Elles se traduisent également par l’existence de charniers à Daloa, Bouaké et Monoko Zohi. Selon le document, le bilan des victimes se situe entre 1000 à 2000 morts.

Pour les rapporteurs, nombre de crimes politiques commis en zone sous contrôle gouvernementale sont le fait d’escadrons de la mort ou de milices privées, proches du gouvernement, de la garde présidentielle et d’une milice tribale de l’ethnie du président. Lors du déclenchement des hostilités, les forces de l’ordre ont par ailleurs été les premières victimes d’assassinats liés à la progression des hommes du MPCI, dont plusieurs douzaines de gendarmes exécutés à Bouaké au début de la guerre.

La mission a déterminé que toutes les parties en conflit détiennent des prisonniers dont le nombre est difficile à déterminer. Des cas de disparitions sont également signalés. Quant aux tortures, bien qu’«aucun élément de preuve n’indiquait que ces actes étaient généralisés» la mission a recueilli des informations selon lesquelles des supplices avaient été infligées par toutes les parties. «Des cas de viols ont souvent été mentionnés, notamment des viols collectifs», accompagnés (ou non) du meurtre des victimes, «parfois devant leurs enfants». Ces enfants, otages des guerres, ne sont guère mieux traités dans ce conflit ivoirien que lors des conflits qui ont traversé la région au cours de ces dernières années. Outre les violences sexuelles dont les jeunes filles (essentiellement) sont les proies faciles, le document fait état de cas d’enrôlement de force de jeunes hommes de 14 à 15 ans, en zones rebelles.

L’ONU, seule capable de rétablir la paix

Liberté d’expression en danger, atteinte à l’expression du pluralisme, la presse ivoirienne, publiée à Abidjan, n'est pas épargnée. Au chapitre des actes d'incitation à la haine ethnique et à la xénophobie, «le National est reconnu pour ses prises de positions radicales et ses articles à caractère xénophobe. Ce journal véhicule des propos racistes contre la communauté musulmane (…). Des quotidiens tels que Fraternité-Matin et Notre Voie qui sont proches du parti politique le Front populaire ivoirien (au pourvoir, NDLR) publient des messages nationalistes et incitent à une guerre totale». Le document relève également la complexité du travail des journalistes dans ce contexte où ils «font l’objet de violences, pressions et menaces de mort», «surtout ceux proches des partis de l’opposition», note les enquêteurs.

Concernant les atteintes aux biens, les enquêteurs soulignent notamment que les forces de l’ordre se sont attelés le 20 septembre à la destruction des bidonvilles d’Abidjan, conformément à la demande des autorités gouvernementales. Au cours des opérations des cas de vols, violences, rackets, pillages, ont été enregistrées. Ces destructions se poursuive malgré l’appel à les arrêter lancé par le président Gbagbo, en octobre. 20 000 personnes en ont été victimes, essentiellement des immigrés originaires d’Afrique de l’Ouest.

Dans l’analyse qu’elle fait de la situation ivoirienne, la mission pressent que «si des mesures n’étaient pas rapidement prises par le gouvernement afin de traduire en justice les individus responsables de ces excès (…), la situation pouvait rapidement plonger dans l’abîme des violations des droits de l’homme». Elle précise que, «l’Organisation des Nations unies est perçue par la société ivoirienne et les deux parties au conflit comme la seule organisation pouvant rétablir la paix». Dans ses recommandations, elle plaide pour qu’il n’y ait pas d’impunité et que toutes les victimes reçoivent une indemnisation «pleine et suffisante».

L’intégralité du rapport de l’ONU (Lire)



par Georges  Abou

Article publié le 31/01/2003