Côte d''Ivoire
L'Ouest, sans foi ni loi
L'ouest de la Côte d'Ivoire est devenu le théâtre de toutes sortes d'atrocités perpétrées par les différentes parties de la crise ivoirienne. La présence de mercenaires libériens dans les deux camps complique davantage la situation. La population civile en souffre énormément. Ils sont plusieurs milliers à s'être réfugiés a Toe’s Town au Liberia. Reportage.
De notre envoyé spécial
Toe’s Town est une ville libérienne située a seulement 45 km de Toulepleu (Côte d'Ivoire), où les combats n'ont pas du tout cessé en dépit du cessez-le-feu signé entre les différents belligérants. La raison en est simple. Dans la région de Toulepleu, il n'y a que des Libériens qui se battent soit du côté rebelle, soit du côté gouvernemental. Pour ces mercenaires le pillage est de mise. Donc, il faut continuer à combattre pour pouvoir piller.
Cette intensification des combats a obligé les civils de la localité de Toulepleu, à venir se réfugier au Liberia. Précisément à Toe’s Town qui est la plus proche ville libérienne. Il y a au moins 15 000 réfugiés à Toe’s Town. Leur camp est situé à deux kilomètres de la ville. Un vieux bâtiment réhabilité pour la circonstance, autour duquel cinq tentes ont été dressées. Dans ces conditions-là, moins de la moitié des réfugiés dorment sous un toit. C'est donc à la belle étoile que la majorité de ces gens dorment. Des vieux, des femmes, des enfants, même des nourrices passent la nuit couchés dehors. Les mères veillent sur leurs enfants qui, ayant du mal à s'adapter aux nouvelles conditions de vie, ne font que pleurer.
Un autre problème des réfugiés, et non des moindres, est celui de la nourriture. Ce qu'ils reçoivent, il n'y ont jamais goûté auparavant. C'est une sorte de couscous de blé qui les rend malade. Surtout les enfants qui ne cessent d’avoir des diarrhées accompagnées de fortes fièvres. Pour ne rien arranger, au moins une centaine de personnes viennent grossir chaque jour le contingent des réfugiés. C'est la conséquence des événements du 19 janvier. Ce jour-là, la ville de Bin située a 15 kilomètres de Toe’s Town, a été l'objet d'une attaque des forces du LURD (Liberians United for Reconciliation and Democracy), mouvement rebelle qui jusqu'ici, n'attaquait que le nord du Liberia. Cette fois, les forces du LURD sont venues de la Côte d'Ivoire. De nombreuses troupes libériennes (forces régulières et miliciens appelés Malatias) ont été mobilisées et la ville de Bin a été reprise le 21 janvier. Le gouvernement libérien a annonce le même jour que les forces du LURD qui avaient attaque Bin portaient des treillis des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire. Les autorités de Monrovia ont même indiqué qu'il y a eu des accrochages entre l'armée régulière du Liberia et celle de la Côte d'Ivoire à Bin.
Depuis lors, les activités militaires se sont multipliées dans la région. Cela a suscité une forte appréhension au sein des réfugiés qui ont, pendant les deux jours de combats à Bin, entendu les même bruits qui les avaient obligés de quitter la Côte d'Ivoire. Leur souhait aujourd'hui est de quitter le Liberia pour aller à Abidjan pour certains et dans les zones contrôlées par le MPCI pour d'autres. Le HCR a commence à les déplacer vers d'autres zones beaucoup plus sécurisées.
Le summum de l'animosité
Les réfugiés venus de la Côte d'Ivoire ne sont pas uniquement des Ivoiriens. On compte parmi eux des Maliens, des Mauritaniens, des Guinéens, mais aussi et surtout des Burkinabés. Deux cadres de Toulepleu, Boue Botro Maurice (instituteur) et Pehe Maurice (conseiller à l'éducation extra-scolaire), m'ont confié que la violence à l'ouest de la Côte d'Ivoire est devenue infernale. «Quand il n'y avait plus rien à piller dans les bâtiments publics, ils se sont acharnés sur nous. Des accusations hasardeuses étaient suivies d'exécutions sommaires», a indiqué M. Pehe Maurice. Et Boue Maurice d'ajouter qu'au départ ils ne s'attaquaient pas à la population civile. «Tout ce qu'ils nous demandaient était de ne pas nous mêler aux combats. Ces rebelles-là étaient
majoritairement ivoiriens. Plus précisément des Yacouba», a souligné Maurice. Les différents témoignages font état d'un déferlement de combattants libériens sur la région de Toulepleu dans la première semaine du mois de janvier. «C'est dès lors que la région de Toulepleu est devenue un enfer pour les civils», a souligné Salif Ouedraogo qui était conducteur de gros camion à Toulepleu.
La petite Sonia, 14 ans, victime d’un viol, raconte son calvaire: «Quand les rebelles sont arrivés, je venais du puit avec ma petite sœur. Arrivées à la maison, nos parents avaient déjà pris la fuite. Les rebelles m'ont demandée de déposer le seau. Un d'entre eux a cassé le seau. Ils nous ont intimé l'ordre de prendre nos bagages. Nous nous sommes exécutées. Ils nous ont obligées à les suivre pour aller préparer pour eux (s'occuper des tâches domestiques, NDLR). La nuit, ils venaient nous violer. Quand le premier avec lequel je dormais voyageait, on m'a dit d'aller dormir avec un autre. Quand le premier est revenu, leur chef m'a dit de retourner chez lui. c'est quand les combats devenaient intenses qu'ils nous ont demandé de venir au Liberia. Lorsque nous sommes arrivées ici, les Blancs nous ont envoyées a l'hôpital».
Mawa Bamba, elle, a été témoin d'atrocités perpétrées par des soldats loyalistes ne parlant que le Krahn (langue libérienne) et l'anglais: «Ils ont tué le correspondant de l'AIP (Agence Ivoirienne de Presse) en ma présence. Quand ils te parlent le guere (Krahn) et que tu réponds en français, ils t'abattent. Comme je suis née a Toulepleu, je parle le guere. C'est ce qui m'a sauvée. Mais ils m'ont dépouillée. Mes frères qui ne parlaient que le dioula et le français, ont été abattus».
Plusieurs personnes victimes d'atrocités sont dans le camp de réfugiés à Toe’s Town. C'est le cas de Poho Dominique qui a eu une oreille coupée et le corps taillé à la lame. Ahmed Keita lui, ne peut pas s'asseoir. Ses fesses ont été brûlées avec un fer à repasser par un soldat loyaliste. Natacha, qui a fait un enfant avec un Libanais, a dû accepter de prendre de la drogue pour qu'on ne tue pas sa fille. Après quoi, elle a été violée.
Les Burkinabé sont confrontés à un sérieux problème. Ils ont à maintes reprises tenté, avec l'aide du HCR, de passer par la Guinée pour retourner au bercail comme les autres le font, mais ils ont toujours été rejetés par les autorités militaires guinéennes. Bien que le lieutenant Jean Pierre Kinkin, commandant des forces guinéennes à la frontière ait nié les faits, les responsables du HCR et des autres ONG, ainsi que la sécurité libérienne, ont confirmé que les soldats guinéens ont toujours refoulé les Ivoiriens et les Burkinabè.
Toe’s Town est une ville libérienne située a seulement 45 km de Toulepleu (Côte d'Ivoire), où les combats n'ont pas du tout cessé en dépit du cessez-le-feu signé entre les différents belligérants. La raison en est simple. Dans la région de Toulepleu, il n'y a que des Libériens qui se battent soit du côté rebelle, soit du côté gouvernemental. Pour ces mercenaires le pillage est de mise. Donc, il faut continuer à combattre pour pouvoir piller.
Cette intensification des combats a obligé les civils de la localité de Toulepleu, à venir se réfugier au Liberia. Précisément à Toe’s Town qui est la plus proche ville libérienne. Il y a au moins 15 000 réfugiés à Toe’s Town. Leur camp est situé à deux kilomètres de la ville. Un vieux bâtiment réhabilité pour la circonstance, autour duquel cinq tentes ont été dressées. Dans ces conditions-là, moins de la moitié des réfugiés dorment sous un toit. C'est donc à la belle étoile que la majorité de ces gens dorment. Des vieux, des femmes, des enfants, même des nourrices passent la nuit couchés dehors. Les mères veillent sur leurs enfants qui, ayant du mal à s'adapter aux nouvelles conditions de vie, ne font que pleurer.
Un autre problème des réfugiés, et non des moindres, est celui de la nourriture. Ce qu'ils reçoivent, il n'y ont jamais goûté auparavant. C'est une sorte de couscous de blé qui les rend malade. Surtout les enfants qui ne cessent d’avoir des diarrhées accompagnées de fortes fièvres. Pour ne rien arranger, au moins une centaine de personnes viennent grossir chaque jour le contingent des réfugiés. C'est la conséquence des événements du 19 janvier. Ce jour-là, la ville de Bin située a 15 kilomètres de Toe’s Town, a été l'objet d'une attaque des forces du LURD (Liberians United for Reconciliation and Democracy), mouvement rebelle qui jusqu'ici, n'attaquait que le nord du Liberia. Cette fois, les forces du LURD sont venues de la Côte d'Ivoire. De nombreuses troupes libériennes (forces régulières et miliciens appelés Malatias) ont été mobilisées et la ville de Bin a été reprise le 21 janvier. Le gouvernement libérien a annonce le même jour que les forces du LURD qui avaient attaque Bin portaient des treillis des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire. Les autorités de Monrovia ont même indiqué qu'il y a eu des accrochages entre l'armée régulière du Liberia et celle de la Côte d'Ivoire à Bin.
Depuis lors, les activités militaires se sont multipliées dans la région. Cela a suscité une forte appréhension au sein des réfugiés qui ont, pendant les deux jours de combats à Bin, entendu les même bruits qui les avaient obligés de quitter la Côte d'Ivoire. Leur souhait aujourd'hui est de quitter le Liberia pour aller à Abidjan pour certains et dans les zones contrôlées par le MPCI pour d'autres. Le HCR a commence à les déplacer vers d'autres zones beaucoup plus sécurisées.
Le summum de l'animosité
Les réfugiés venus de la Côte d'Ivoire ne sont pas uniquement des Ivoiriens. On compte parmi eux des Maliens, des Mauritaniens, des Guinéens, mais aussi et surtout des Burkinabés. Deux cadres de Toulepleu, Boue Botro Maurice (instituteur) et Pehe Maurice (conseiller à l'éducation extra-scolaire), m'ont confié que la violence à l'ouest de la Côte d'Ivoire est devenue infernale. «Quand il n'y avait plus rien à piller dans les bâtiments publics, ils se sont acharnés sur nous. Des accusations hasardeuses étaient suivies d'exécutions sommaires», a indiqué M. Pehe Maurice. Et Boue Maurice d'ajouter qu'au départ ils ne s'attaquaient pas à la population civile. «Tout ce qu'ils nous demandaient était de ne pas nous mêler aux combats. Ces rebelles-là étaient
majoritairement ivoiriens. Plus précisément des Yacouba», a souligné Maurice. Les différents témoignages font état d'un déferlement de combattants libériens sur la région de Toulepleu dans la première semaine du mois de janvier. «C'est dès lors que la région de Toulepleu est devenue un enfer pour les civils», a souligné Salif Ouedraogo qui était conducteur de gros camion à Toulepleu.
La petite Sonia, 14 ans, victime d’un viol, raconte son calvaire: «Quand les rebelles sont arrivés, je venais du puit avec ma petite sœur. Arrivées à la maison, nos parents avaient déjà pris la fuite. Les rebelles m'ont demandée de déposer le seau. Un d'entre eux a cassé le seau. Ils nous ont intimé l'ordre de prendre nos bagages. Nous nous sommes exécutées. Ils nous ont obligées à les suivre pour aller préparer pour eux (s'occuper des tâches domestiques, NDLR). La nuit, ils venaient nous violer. Quand le premier avec lequel je dormais voyageait, on m'a dit d'aller dormir avec un autre. Quand le premier est revenu, leur chef m'a dit de retourner chez lui. c'est quand les combats devenaient intenses qu'ils nous ont demandé de venir au Liberia. Lorsque nous sommes arrivées ici, les Blancs nous ont envoyées a l'hôpital».
Mawa Bamba, elle, a été témoin d'atrocités perpétrées par des soldats loyalistes ne parlant que le Krahn (langue libérienne) et l'anglais: «Ils ont tué le correspondant de l'AIP (Agence Ivoirienne de Presse) en ma présence. Quand ils te parlent le guere (Krahn) et que tu réponds en français, ils t'abattent. Comme je suis née a Toulepleu, je parle le guere. C'est ce qui m'a sauvée. Mais ils m'ont dépouillée. Mes frères qui ne parlaient que le dioula et le français, ont été abattus».
Plusieurs personnes victimes d'atrocités sont dans le camp de réfugiés à Toe’s Town. C'est le cas de Poho Dominique qui a eu une oreille coupée et le corps taillé à la lame. Ahmed Keita lui, ne peut pas s'asseoir. Ses fesses ont été brûlées avec un fer à repasser par un soldat loyaliste. Natacha, qui a fait un enfant avec un Libanais, a dû accepter de prendre de la drogue pour qu'on ne tue pas sa fille. Après quoi, elle a été violée.
Les Burkinabé sont confrontés à un sérieux problème. Ils ont à maintes reprises tenté, avec l'aide du HCR, de passer par la Guinée pour retourner au bercail comme les autres le font, mais ils ont toujours été rejetés par les autorités militaires guinéennes. Bien que le lieutenant Jean Pierre Kinkin, commandant des forces guinéennes à la frontière ait nié les faits, les responsables du HCR et des autres ONG, ainsi que la sécurité libérienne, ont confirmé que les soldats guinéens ont toujours refoulé les Ivoiriens et les Burkinabè.
par Zoom Dosso
Article publié le 31/01/2003