Sénégal
L’enseignement paralysé par la grève
L'état de grâce qui berçait depuis presque trois ans le «gouvernement de l'alternance» d’Abdoulaye Wade, semble vivre ses derniers jours. En effet, après l'université, le malaise du monde paysan, le mouvement des élèves, c'est au tour des enseignants de ruer dans les brancards.
De notre correspondant à Dakar
Le 21 janvier dernier, après deux jours de négociations entre le gouvernement et les syndicats enseignants regroupés dans l'une intersyndicale d'une dizaine de syndicats, c'est la rupture. Les syndicats claquent la porte accusant le gouvernement de faire du «dilatoire», en renvoyant la satisfaction de leurs revendications à 2004. Ces revendications, qui avaient fait l'objet d'un préavis de grève au début du mois de décembre, portent essentiellement aux dires des syndicalistes sur quatre points : il s'agit de l'augmentation des indemnités des enseignants et leur extension aux nouveaux corps du secteur; la promotion de l'habitat social pour faciliter son accès aux enseignants, renouvellement des accords sur le Programme decennal de l'éducation et la formation et, l'adoption de la loi sur l'autorité parentale permettant ainsi aux femmes (enseignantes notamment) d'avoir les mêmes droits que les hommes, notamment pour la garde des enfants et leur prise en charge.
Mais certaines revendications, notamment la première, a des incidences financières. Le gouvernement estime celles-ci à 22 milliards de FCFA «hypothèses haute», et 7,5 milliard, «hypothèse basse». Or, soutient le gouvernement, l'État n'a pas prévu ces coûts dans le budget voté début décembre et renvoie les syndicalistes à 2004, ce que ces derniers refusent. Mamadou Diallo, secrétaire général du Sypros (syndicat des professeurs), balaie l'argument d'un revers de la main: «Ils nous avaient dit cela en 2000, 2001 et 2002. Cette fois-ci, on ne se laissera pas faire». Conséquence: un débrayage d'avertissement le 24 janvier dernier sur toute l'étendue du territoire et, «une grève générale suivie à 100%, notamment à Dakar», selon lui, pour le premier jour.
Dopés par une mobilisation sans précédent
Le gouvernement, très sensible à l'opinion publique qui l'a porté au pouvoir, a tenté (sans convaincre), de s'expliquer dans les médias en envoyant Yoro Deh (ministre du Travail) et Aguibou Soumaré (Budget), s'expliquer. Pour mettre à mal les syndicalistes avec l'opinion, notamment avec les parents d'élèves, les deux ministres déclarent: «Sur les 22 points de la plate forme de l'intersyndicale, il n'y a eu qu'un seul point de désaccord». «Faux !, rétorquent les syndicalistes. Notre plate-forme ne comporte que quatre points et ils le savent, le reste est fait d'anciennes revendications posées par des syndicats sectoriels, pour arriver aux 22 points. Nous avons quatre points, point final». Pour essayer de mieux gagner l'opinion, le ministre du Budget déclare sans sourciller, en jouant sur des cordes sensibles ici: «La priorité du gouvernement, c'est l'indemnisation des familles des victimes du Joola dont le montant exact n'est pas encore connu; l'assistance au monde rural et le recrutement de jeunes chômeurs. Ceci est plus important que d'augmenter des indemnités et d'en créer d'autres pour des gens déjà à l'aise». Évidemment, les enseignants n'ont pas apprécié l'amalgame, ainsi que l'accusation à peine voilée d’être des «nantis sans cœur», alors qu'il y a les parents des victimes du Joola et des chômeurs qui attendent.
Cette sortie a plus fait pour la mobilisation des enseignants que toute autre campagne d'opinion de la part des syndicalistes. Ceux-ci, dopés par une mobilisation inespérée et sans précédent, envisagent déjà d'autres actions après la dernière journée de grève de ce mercredi si le gouvernement ne revient pas à la table des négociations avec un autre état d'esprit. «Nous sommes prêts à faire des concessions, mais à condition qu'ils lâchent quelque chose pour 2003, le reste nous pouvons en discuter l'échéance», confie Mamadou Diallo. Le gouvernement, qui se dit malgré tout «ouvert à la reprise des négociations» a là une chance unique de renouer le dialogue et éviter ainsi une crise sociale grave qui pourrait conduire aux douloureuses expériences sous le régime socialiste «d'années blanches». Qu'il la saisisse, cette fois-ci, comme le déclare Madior Diouf, ancien ministre de l'Éducation du premier gouvernement Niasse: «Cette fois-ci avec franchise et loyauté; quand on fait des promesses, on doit les tenir». Il sait de quoi il parle: il avait été emporté par une crise universitaire... parce que le gouvernement n'avait pas tenu les promesses faites aux enseignants du supérieur en 2001.
Le 21 janvier dernier, après deux jours de négociations entre le gouvernement et les syndicats enseignants regroupés dans l'une intersyndicale d'une dizaine de syndicats, c'est la rupture. Les syndicats claquent la porte accusant le gouvernement de faire du «dilatoire», en renvoyant la satisfaction de leurs revendications à 2004. Ces revendications, qui avaient fait l'objet d'un préavis de grève au début du mois de décembre, portent essentiellement aux dires des syndicalistes sur quatre points : il s'agit de l'augmentation des indemnités des enseignants et leur extension aux nouveaux corps du secteur; la promotion de l'habitat social pour faciliter son accès aux enseignants, renouvellement des accords sur le Programme decennal de l'éducation et la formation et, l'adoption de la loi sur l'autorité parentale permettant ainsi aux femmes (enseignantes notamment) d'avoir les mêmes droits que les hommes, notamment pour la garde des enfants et leur prise en charge.
Mais certaines revendications, notamment la première, a des incidences financières. Le gouvernement estime celles-ci à 22 milliards de FCFA «hypothèses haute», et 7,5 milliard, «hypothèse basse». Or, soutient le gouvernement, l'État n'a pas prévu ces coûts dans le budget voté début décembre et renvoie les syndicalistes à 2004, ce que ces derniers refusent. Mamadou Diallo, secrétaire général du Sypros (syndicat des professeurs), balaie l'argument d'un revers de la main: «Ils nous avaient dit cela en 2000, 2001 et 2002. Cette fois-ci, on ne se laissera pas faire». Conséquence: un débrayage d'avertissement le 24 janvier dernier sur toute l'étendue du territoire et, «une grève générale suivie à 100%, notamment à Dakar», selon lui, pour le premier jour.
Dopés par une mobilisation sans précédent
Le gouvernement, très sensible à l'opinion publique qui l'a porté au pouvoir, a tenté (sans convaincre), de s'expliquer dans les médias en envoyant Yoro Deh (ministre du Travail) et Aguibou Soumaré (Budget), s'expliquer. Pour mettre à mal les syndicalistes avec l'opinion, notamment avec les parents d'élèves, les deux ministres déclarent: «Sur les 22 points de la plate forme de l'intersyndicale, il n'y a eu qu'un seul point de désaccord». «Faux !, rétorquent les syndicalistes. Notre plate-forme ne comporte que quatre points et ils le savent, le reste est fait d'anciennes revendications posées par des syndicats sectoriels, pour arriver aux 22 points. Nous avons quatre points, point final». Pour essayer de mieux gagner l'opinion, le ministre du Budget déclare sans sourciller, en jouant sur des cordes sensibles ici: «La priorité du gouvernement, c'est l'indemnisation des familles des victimes du Joola dont le montant exact n'est pas encore connu; l'assistance au monde rural et le recrutement de jeunes chômeurs. Ceci est plus important que d'augmenter des indemnités et d'en créer d'autres pour des gens déjà à l'aise». Évidemment, les enseignants n'ont pas apprécié l'amalgame, ainsi que l'accusation à peine voilée d’être des «nantis sans cœur», alors qu'il y a les parents des victimes du Joola et des chômeurs qui attendent.
Cette sortie a plus fait pour la mobilisation des enseignants que toute autre campagne d'opinion de la part des syndicalistes. Ceux-ci, dopés par une mobilisation inespérée et sans précédent, envisagent déjà d'autres actions après la dernière journée de grève de ce mercredi si le gouvernement ne revient pas à la table des négociations avec un autre état d'esprit. «Nous sommes prêts à faire des concessions, mais à condition qu'ils lâchent quelque chose pour 2003, le reste nous pouvons en discuter l'échéance», confie Mamadou Diallo. Le gouvernement, qui se dit malgré tout «ouvert à la reprise des négociations» a là une chance unique de renouer le dialogue et éviter ainsi une crise sociale grave qui pourrait conduire aux douloureuses expériences sous le régime socialiste «d'années blanches». Qu'il la saisisse, cette fois-ci, comme le déclare Madior Diouf, ancien ministre de l'Éducation du premier gouvernement Niasse: «Cette fois-ci avec franchise et loyauté; quand on fait des promesses, on doit les tenir». Il sait de quoi il parle: il avait été emporté par une crise universitaire... parce que le gouvernement n'avait pas tenu les promesses faites aux enseignants du supérieur en 2001.
par Demba Ndiaye
Article publié le 30/01/2003