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Irak

Eclats de voix entre l’Europe et les Etats-Unis

Les propos de Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat américain à la Défense, qui a accusé la France et l’Allemagne, opposées à un conflit en Irak, de représenter la «vieille Europe», ont déclenché les foudres des hommes et femmes politiques français et allemands. Le président français et son Premier ministre ont essayé de calmer le jeu, alors que le chancelier allemand a déclaré un cinglant «no comment».
Rien ne va plus entre le couple franco-allemand et les Etats-Unis. La crise irakienne et la perspective d’une nouvelle guerre en Irak échauffent les esprits des deux côtés de l’Atlantique. Le 22 janvier, Donald Rumself a fustigé l’attitude de la France et de l’Allemagne, représentant selon lui la «vieille Europe», quant à leurs positions face à une guerre prochaine sur le sol irakien. Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin ont essayé de calmer le jeu après les propos acerbes du secrétaire d’Etat américain à la Défense.

Le président français a ainsi évité de polémiquer plus encore avec Washington, appelant à la sérénité dans le débat sur l’Irak. Jacques Chirac «considère qu’il est essentiel que le débat sur l’Irak, qui est légitime, se déroule avec sérieux et dans la sérénité», a indiqué sa porte-parole. «Tout esprit polémique n’a donc pas sa place dans ce débat», a-t-elle ajouté. Interrogé, le chancelier allemand a déclaré en anglais : «no comment», pas de commentaire.

La Maison Blanche essaie d’éteindre l’incendie

Cependant, même si ces derniers ont tenté de dépassionner le débat, la classe politique franco-allemande n’en a pas moins été acerbe avec, à la clé, des petites phrases assassines. En France, les propos de Donald Rumsfeld ont suscité de vives réactions. «Nous avons une Europe qui regarde vers l’avenir», a déclaré Dominique de Villepin, le ministre des Affaires étrangères. Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement Raffarin a souligné qu’un «vieux continent» peut être empreint «d’une certaine sagesse et la sagesse peut parfois être bonne conseillère». L’ancien Premier ministre et actuel président du grand parti de droite (UMP), Alain Juppé, a pour sa part estimé qu’il était «plutôt fier d’appartenir à la vieille Europe». Trois ministres en fonction ont été beaucoup plus virulents. Ainsi Roselyne Bachelot, ministre de l’Ecologie et du développement durable a durement répliqué : «vous savez, moi je suis des Pays de Loire, et il y a dans les Pays de Loire une célébrité qui s’appelle Cambronne». Une allusion à peine voilée au fameux mot de Pierre Cambronne, général français des armées napoléoniennes, et qui signifie «merde». Francis Mer, ministre de l’Economie, s’est dit «profondément vexé» et a souhaité rappeler à tous que «cette vieille Europe a des ressorts et est capable de rebondir». Quant à Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, elle a affirmé, de façon plus imagée : «nous ne sommes plus dans la préhistoire où celui qui avait la plus grosse massue allait essayer d’assommer l’autre pour lui piquer son cuisseau de mamouth».

Dans l’opposition française de gauche, des voix se sont également élevées pour condamner de manière encore plus forte les propos américains. «Monsieur Rumsfeld a des réactions de cow-boy (…) cette espèce de mépris et d’arrogance est un mauvais signe», a estimé Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la Défense de François Mitterrand. Jack Lang, ancien président PS de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale a accusé l’équipe du président américain d’être «habitée par un esprit totalitaire». Et Martine Aubry, maire socialiste de Lille et ancienne ministre des Affaires sociales de Lionel Jospin, a également critiqué «l’arrogance des Etats-Unis qui continuent à vouloir gouverner seuls le monde et de plus en plus sans règle».

Du côté allemand, le porte-parole du gouvernement, Bela Anda s’est contenté de souligner que Gerhard Schröder avait clairement exposé que l’Allemagne ne pourrait pas accepter «une légitimation de la guerre». Quant aux réactions politiques, Hans Ulrich Klose, membre du Parti social-démocrate (SPD), la formation du chancelier, a qualifié «d’inconvenants» les propos de Donald Rumsfeld. La présidente du parti et du groupe parlementaire chrétien-démocrate (CDU), parti d’opposition, Angela Merkel, a également vivement rejeté les critiques du secrétaire d’Etat américain : «je ne pense pas que cela soit bien qu’on entende ce genre de déclarations», a-t-elle dit. Enfin, Volker Ruehe, président de la commission parlementaire pour les Affaires étrangères a estimé que le ministre américain de la Défense n’était pas «vraiment un diplomate». Peu après toutes ces déclarations, alors que le torchon commençait sérieusement à brûler entre Paris, Berlin et Washington, la Maison Blanche a voulu minimiser la portée des propos de Donald Rumsfeld en soulignant que la France était une alliée des Etats-Unis.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 24/01/2003