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Décryptage de la stratégie africaine d’Elf: les Etats afriacins concernés (Congo-Brazzaville)(extrait de l'ordonnance de renvoi)

L'ordonnance de renvoi (la décision du juge d’instruction qui conduit les prévenus de l’affaire Elf devant le tribunal) contient l'exposé des faits qui leur sont reprochés et indique leur qualification juridique. De la page 70 à la page 105, l’ordonnance de renvoi examine spécifiquement le rôle et la place des filiales africaines de Elf dans les circuits de financement occulte ainsi que le rôle de la compagnie pétrolière dans ces pays africains. RFI vous propose le texte intégral de cette partie de l’ordonnance de renvoi.
Titre 2 : Le Congo Brazzaville

Le pétrole représente l'essentiel de la production congolaise. ELF est leader devant la société AGI P. Les recettes pétrolières constituent une part importante des recettes de l'État.
Le Congo a connu de graves crises et des guerres civiles.

Nous examinerons la situation du Congo depuis 1990, M. SIRVEN soutenant que la majeure partie de ses avoirs ont une destination congolaise.(cf infra Livre troisième, Les comptes de M. SIRVEN).

M. SIRVEN a-t-il soutenu financièrement M. LISSOUBA et ses proches et quelle a été la politique du groupe ELF à leur égard?

Le Congo est également concerné par les abonnements, M. TARALLO ayant déclaré avoir assurer leur financement en faveur de M. SASSOU puis, lorsqu'il est devenu président, de M. LISSOUBA.

Section 1 L'implantation du groupe (1979-1990)

Selon M. TARALLO, ELF est revenue au Congo en 1969, soit 9 ans après l'indépendance de ce pays. A cette époque, après une période trouble, Mariena NGOUABI était président et le commandant RAOUL était vice-président et ministre du Pétrole. C'est avec eux qu'ELF avait négocié les conditions de son retour, c'est-à-dire la signature d'une convention d'établissement Les recherches avaient abouti à la découverte d'un important gisement, celui dénommé Emeraude. C'est en 1970 que j'ai été désigné président d'ELF CONGO.

J'ai obtenu l'octroi de dispositions contractuelles qui ont permis de mener à bien les investissements de mise en production du gisement, mais on ne pouvait que constater que la production ne correspondait pas à l'importance des réserves. Le début de la production, en 1972, a correspondu avec la nationalisation des pétroles exploités par ELF en Algérie; aussi les perspectives au Congo donnaient l'espoir d'une certaine compensation. En dépit de l'intérêt qu'ELF et le Congo portaient à l'augmentation de la production de pétrole dans ce pays, les négociations ont duré plusieurs années au cours desquelles l'effort de recherche a été suspendu. Dès cette époque, le Congo demandait instamment à ELF une avance sur les recettes pétrolières. ce qui a conduit par la suite à des préfinancements. Ce n'est qu'en 1977 que les négociations ont pris un tour favorable et qu'une nouvelle convention d'établissement a été signée.

Le Congo, du fait de la très grande longueur des négociations, avait pris beaucoup de retard, mais l'opinion publique, suite au choc pétrolier de 1979, réclamait un accès immédiat à l'augmentation attendue des recettes fiscales pétrolières. C'est ainsi que des contrats de pré-financement ont été conclus sous la pression, le souci du groupe ELF étant de limiter la durée de ces contrats afin de ne pas trop hypothéquer l'avenir, Cela n'a pas toujours été possible, mais le montant global de ces préfinancements n'a jamais dépassé 500 millions de francs au cours de cette période.

C'est également au cours de cette période que les recherches pétrolières ont été les plus actives et les plus productives: tous les domaines pétroliers qui sont actuellement exploités au Congo ont été découverts à ce moment-là et tous les domaines, qui font aujourd'hui l'objet de recherche, ont été également mis en évidence avant 1990.

Sur le plan politique, après l'assassinat du président NGOUABI, M. YOMBI lui avait succédé, puis, en 1979, le président SASSOU NGUESSO, qui est resté au pouvoir jusqu'en 1990.

Selon M. MOUNGOUNGA, qui deviendra en été 1993 Ministre sous la présidence de M. LISSOUBA qui débutera en août 1992, M. TARALLO est devenu l'ami de M. SASSOU bien avant l’arrivée du président LISSOUBA au pouvoir. [...] M. SASSOU avait ainsi prorogé avant échéance, fin 1990, des contrats favorables à ELF et ce pour une durée de 5 ans alors que l'échéance prévue tombait fin 1991. M. SASSOU l'a fait pour être soutenu par ELF.

Selon M. LE FLOCH PRIGENT, le Congo est alors un terrain d'exploration et de production important pour ELF; par rapport au fleuve Congo, c'est le symétrique du bassin angolais. On peut donc imaginer que les réserves à trouver au Congo sont aussi importantes que celles de l'autre pays. La production d'ELF au Congo est moyenne, mais ELF contrôle 90% de la production au Congo, le reste étant produit par AGIP.

Quelques mois après mon arrivée, poursuit Le Floch Prigent, on découvre un gisement off shore qui semble de grande qualité, le gisement de Nkossa, et on voit bien d'un point de vue géologique que si l'on va dans la mer plus profonde, on risque de trouver des gisements plus importants, ce sont les permis appelés "marine". Je décide à la même période de forer en mer profonde en Angola sur le bloc 17 et mes collaborateurs y découvrent le gisement géant de Girassol. Ce qui confirme mon hypothèse de travail sur le Congo.

L'engagement financier d'ELF en Angola et au Congo va être majeur et il est de ma responsabilité d'obtenir une stabilité contractuelle.

S'il était aisé pour le groupe ELF d'assurer ses positions gabonaises en soutenant financièrement le président BONGO, les turbulences ayant affecté le Congo à partir de l'année 1990 l'ont mise dans une position délicate. Certes, la politique officielle du groupe consistait, sous l'égide de M. TARALLO, à soutenir officiellement le pouvoir en place: mais ce pouvoir ayant vacillé en 1990, puis changé de mains en 1992 et en 1997, cette ligne apparemment cohérente conduisit ainsi le groupe à soutenir successivement des ennemis irréductibles.


Section 2 La Conférence Nationale (1990-1992)

En 1990, alors que le président SASSOU NGUESSO est encore au pouvoir, s'ouvre une période transitoire, celle de la Conférence Nationale, qui a duré jusqu'en 1992, date de l'élection de M. LISSOUBA. La Conférence Nationale a choisi comme premier ministre M. MILONGO.

Comment cette situation est-elle née?

A la suite du congrès de La Baule où le président Mitterrand demande plus de démocratie et par conséquent un vote pour l'élection du président, a précisé Le Floch Prigent, te président [en place] SASSOU NGUESSO sait qu'il va avoir des problèmes. La démocratie au Congo est ethnique. Le président SASSOU représente une ethnie qui ne représente que 20% de la population et, par conséquent, s'il y a vote, il ne sera pas élu et il le sait J'ai beau dire au président MITTERRAND que je pense qu'il n'y a que le président SASSOU qui puisse être le leader du Congo en évitant que les ethnies ne s'entre-tuent, le président MITTERRAND, soutenu en cela par ceux que l'on appelle les bailleurs de fonds, c'est-à-dire la BANQUE MONDIALE et le FMI, veut absolument un vote démocratique à l'Occidentale au Congo.

Cette période floue, qui précède les élections rendues inévitables, n'a pas été sans poser d'épineux problèmes au groupe, notamment sur l'octroi de ses soutiens financiers.

A qui ELF, soucieuse de préserver ses intérêts à venir, devait-elle les accorder? Quel a été le rôle de MM TARALLO et SIRVEN ?

Selon M. TARALLO, la situation au Congo était particulièrement confuse. Une Conférence nationale avait lieu et la dévolution du pouvoir faisait l'objet de combats acharnés entre plusieurs factions qui avaient toutes besoin de moyens financiers. M. SIRVEN avait donc eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises en faveur de l'une ou l'autre de ces factions.

Toujours selon M. TARALLO, pendant cette période il n'y avait pas à proprement parler d'abonnements, mais des montants qui étaient alloués à différentes personnes [MM. MILONGO, KOMBO... selon l'intérêt qu'elles présentaient. Mais le crédit global existait toujours dans les limites habituelles du système d'abonnement Ces montants étaient toujours définis par rapport à la procédure des abonnements et leur attribution s'effectuait comme s'il s'agissait de bonus, c'est-à-dire au coup par coup et pour des montants adaptés à chaque opération. Les allocations destinées aux personnes susvisées durant cette période politiquement intermédiaire ont été faites sous le contrôle exclusif de M. SIRVEN. Je n'y ai pas participé et aucun de ces montants n'a été porté par mes comptes à ce titre.

Pierre FA, responsable de l'audit chez ELF, a ainsi expliqué qu'en septembre 1991, à la suite de la création au Congo d'une nouvelle entité politique -la Conférence Nationale- et du départ de M. SASSOU, s'est fait jour le désir des Congolais de reprendre tout ou partie de la manne pétrolière.
Selon M. FA, il est intervenu au Congo à la demande de M. SIRVEN, pour faire de l'obstruction au travail du cabinet d'audit ARTHUR ANDERSEN, chargé par le FMI de faire un audit des compagnies pétrolières exploitantes au Congo durant cette période transitoire. Il fallait notamment masquer au FMI, selon M. FA, les pratiques pétrolières africaines du groupe ELF consistant à:

• facturer des frais d'assistance générale à ses filiales africaines,
• facturer des frais d'assistance spécifiques à ses filiales africaines,
• facturer des frais d'assistance commerciale à ses filiales africaines (de 1.5 à 2 $ le baril).

Un compte TOMATE a ainsi été ouvert à la BDG par M. FA à la demande de M. SIRVEN afin de créer, selon M. FA, une caisse noire destinée à faire face à cette inertie (cf infra Livre troisième, Les comptes annexes). M. SIRVEN m'a dit qu'il avait acheté qui il fallait et qu'il me désignait pour gérer cette caisse noire particulière, a déclaré M. FA. M. SIRVEN aurait crédité le compte TOMATE dans le cadre de ce que M. SIRVEN lui a présenté comme étant le Protocole GUILLAUMAT. Selon M. FA. ce compte a permis aux congolais de se constituer une cagnotte dans la perspective des élections présidentielles de 1992. Il a été ainsi crédité d'environ 2,5 millions de $ par des crédits échelonnés de janvier à septembre 1992. Du fait de l'absence de débits, M. FA pense que le ou les bénéficiaires n'étaient pas candidats à l'élection présidentielle de 1992 ou qu'il s'agissait de thésauriser les fonds d'un congolais. Il pourrait s'agir, selon M. FA. de personnalités en vue lors de la Conférence Nationale, laquelle était à l'origine avec le FMI de la décision d'effectuer un audit car le Congo ne pouvait plus emprunter.

M. SIRVEN a démenti ce fait expliquant que ce compte avait véhiculé des fonds pour l'Angola. Nous verrons qu'effectivement, le compte TOMATE a été crédité de virements destinés à L'UNITA (cf infra Livre troisième. Les comptes annexes).


M. TARALLO n'était pour autant pas totalement écarté.
M. TARALLO a cité le cas d'une intervention, en faveur d'ELF. de M. SASSOU en
Angola courant 1990.

Or ce type d'intervention était, selon M. FA, rémunéré par le groupe. Un collaborateur de M. TARALLO, Jack SIGOLET, a expliqué par ailleurs les conditions dans lesquelles il a fait fonctionner un compte PRIDE en Suisse ouvert à la banque MERKI ET BAUMAN en 1990 à la demande du président SASSOU et de son Ministre des Finances de l'époque, M. GAKOSSO.

Selon M. MOUNGOUNGA, qui deviendra Ministre sous la présidence de M. LISSOUBA en août 1993, M. LE FLOCH PRIGENT a soutenu financièrement une tentative de coup d'État organisée le 15 janvier 1992, durant la période transitoire de la Conférence Nationale qui a précédé l'élection de M. LISSOUBA, par M. MOKOKO, chef d'état major général des armées, en vue de renverser le Premier Ministre M. MILONGO qui détenait tous les pouvoirs, et ce afin de rendre au président SASSOU, qui n'était alors qu'un président de façade, la pleine possession de ses pouvoirs. Cette tentative a échoué, a ajouté M. MOUNGOUNGA.

Selon M. LE FLOCH PRIGENT, le désordre est alors à son comble et, pendant la période électorale présidentielle, il faut que nous allions chercher l'évêque pour éviter les difficultés à Pointe Noire et à Brazzaville; c'est l'évêque qui dirige le pays durant la période électorale. Le candidat majeur contre M. SASSOU n'est pas M. MILONGO, qui a montré son incapacité à gouverner, mais M. KOLELAS, maire de Brazzaville, vigoureusement soutenu par les américains dont le programme est la sortie de la France et d'ELF du Congo.

Le président BONGO, qui a épousé quelques mois auparavant la fille du président SASSOU, poursuit M. LE FLOCH PRIGENT. est bien conscient du péril qui peut s'installer dans le pays qui a le maximum de frontières communes avec le Gabon. Il suggère alors, pour combattre M. KOLELAS dans la majorité ethnique du Congo, un émigré qui avait été premier ministre et qui est alors professeur à l'Institut Pasteur, Pascal LISSOUBA. Pascal LISSOUB\est pour M. BONGO un cousin. Le président BONGO demande à son beau-père de passer un accord avec Pascal LISSOUBA et demande à ELF de soutenir la campagne présidentielle de Pascal LISSOUBA de manière à éviter que M. KOLELAS ne gagne. Je ne sais pas qui a appelé l'autre, mais ceci se réalise à Libreville lors d'une rencontre entre M. SIRVEN et M. BONGO.

Je sais, a déclaré M. TARALLO, que M. SIRVEN a été en relation avec plusieurs personnalités congolaises, du Premier Ministre lui-même, M. MILONGO, jusqu'à l'évêque KOMBO qui a tenu une place importante dans toute la période intérimaire. Avec M. LE FLOCH PRIGENT, je n'évoquais que les aspects officiels de nos relations avec le Congo. [...] M. SIRVEN est devenu de plus en plus présent dans les relations d'ELF avec les personnalités congolaises.

Section 3 La présidence de M. LISSOUBA (1992-1997)

Sous-section 1 La période des relations conflictuelles

La suite, vous la connaissez, explique M. LE FLOCH PRIGENT. M. SASSOU a les 20% annoncés au premier tour. Il se désiste en faveur de Pascal LISSOUBA en vertu d'un accord politique entre les partisans de Pascal LISSOUBA et le parti de M. SASSOU qui devra avoir des ministres au Gouvernement. Pascal LISSOUBA est élu au deuxième tour comme prévu. C'est alors que les ennuis commencent parce que Pascal LISSOUBA refuse de prendre des ministres proches de M. SASSOU. Celui-ci s'estime trahi, je vais moi-même à Brazzaville rencontrer pour la première fois le nouveau président qui déverse un torrent d'injures sur l'ancien président SASSOU en le traitant même devant moi d'assassin; je lui réponds que c'est un ami et que par conséquent je vais le voir dans sa maison personnelle pendant mon séjour. Il le prend très mal, mais je suis plus africain que lui: en Afrique des amis restent des amis.

A cette occasion, il me demande un préfinancement de 150 millions de dollars immédiatement. Je lui réponds que je ne m'occupe jamais de cette question, mais que je vais faire le point avec mes collaborateurs sur le passif Congo chez ELF. M. TARALLO est à côté de moi pendant cette rencontre. Il n'ouvre pas la bouche, mais à la sortie il me donne le passif Congo qui est déjà énorme. Après avoir vu M. SASSOU qui me raconte ses mésaventures, je revois M. LISSOUBA: je lui dis que je ne vois pas la possibilité de faire ce qu'il me demande et qu'il vaut mieux essayer de voir combien l'État finance de fonctionnaires morts avant de déverser de l'argent sur tous les fonctionnaires morts ou vivants qui ont été recrutés durant la primature de M. MILONGO.

M. MOUNGOUNGA a confirmé la demande d'avances faite par le président LISSOUBA, le refus de M. LE FLOCH PRIGENT et le recours de M. LISSOUBA à la société américaine OXY, qui lui a accordé le pré-financement refusé par ELF.

Mes collaborateurs, explique M. LE FLOCH PRIGENT, considèrent que si on déduit les morts, on doit réduire de moitié. Quelques semaines plus tard, M. LISSOUBA vient à Pans avec M. MOUNGOUNGA pour réclamer auprès des hommes politiques les 150 millions de dollars. Je m'aperçois que M. LISSOUBA et M. MOUNGOUNGA ont comme ambition essentielle de faire des élections législatives au plus vite et d'avoir la majorité absolue au Congo, ce qui permettra "démocratiquement" d'éliminer les opposants. Je refuse donc, pour des raisons de stabilité politique du Congo, de faire un pas dans cette direction, considérant que si M. LISSOUBA a la majorité absolue au Congo, il y aura une guerre ethnique.

C'est un moment difficile pour moi, poursuit M. LE FLOCH PRIGENT, car il y a une cohabitation nouvelle pour moi et car je n'ai pas d'interlocuteur à la primature française puisque M. BALLADUR ne veut plus me serrer la main. J'attends donc les élections législatives [congolaises] sans bouger en espérant que le vote ethnique va permettre d'équilibrer le pouvoir de M. LISSOUBA à la présidence. Trois jours avant les élections législatives, j'apprends quVXY a donné 150 millions de dollars à M. MOUNGOUNGA en achetant les barils produits par le Congo pour les 10 ans à venir à 3 dollars le baril. Je prends un coup de sang, j'insulte les gens D'OXY que je connais bien et j'essaie d'avoir d'urgence M. POUSSIN, Ministre de la Coopération, et M. BAZIRE, directeur de cabinet de M. BALLADUR.

La solution pour que les élections législatives se passent tranquillement est simple. Le franc CFA est indexé sur le franc français. Il suffit donc de retarder, au niveau de la banque centrale contrôlée par l'Etat français, les 150 millions de dollars qui arrivent pendant quelques jours: ainsi on ne pourra pas payer les électeurs avec cet argent et les élections se passeront dans le calme. On ne veut pas m'écouter, l'argent arrive donc jusqu'à M. MOUNGOUNGA et il gagne "démocratiquement' les élections.

Le lendemain, les chars envahissent Poto-Poto, le quartier phare de M. KOLELAS à Brazzaville; les morts jonchent le sol et les chars partent également en direction de la maison de M. SA S SOU à M pila, mais celui-ci est déjà parti dans son village à Oyo. Ce jour-là, MM. KOLELAS et SASSOU échappent au nouveau pouvoir absolu. Le Premier Ministre M. BALLADUR et son équipe, plutôt que de comprendre ce qui était en train de se passer au Congo Brazzaville, essaient de trouver là une raison de me déstabiliser et de me chasser d'ELF pour incompétence. Ils doivent se rendre à l'évidence, mais ils n'en resteront pas là. Ce sont eux qui ont commis une erreur dramatique pour le peuple congolais. La suite de cette histoire, c'est à MM. JAFFRÈ et TARALLO de vous la raconter, en particulier comment les armes sont venues en quantité aussi importantes au Congo après mon départ d'ELF de 1993 à 1997.

Comment, poursuit Le FLOCH PRIGENT, en est on arrivé, en étant responsable de la compagnie leader de la production pétrolière au Congo, à laisser se développer une guerre civile qui a transformé la première ville du Congo en désert? Je dis "désert parce que je n'ai pas été observateur du charnier, mais on me Fa raconté.

M. TARALLO a confirmé que dés 1993 des troubles très graves ont éclaté et que le pays a été plongé dans une sorte d'anarchie. Les besoins d'argent ont été criants, l'Etat arrivant difficilement à réunir les sommes nécessaires au paiement des fonctionnaires. Le retard accumulé a dépassé parfois 8 mois et la pression du Gouvernement pour obtenir des financements a été très forte, pratiquement sur toute la période 1992-1997. ELF a été à de nombreuses reprises en difficulté et j'ai dû faire de mon mieux pour maintenir une apparence de relations normales entre le groupe et le Congo. [...] Je pense que j'étais la seule personne qui disposait d'une influence suffisante auprès de M. LISSOUBA.

Par un courrier qu'il nous a adressé le 25 novembre 2001. M. LISSOUBA a confirmé les divergences nées entre lui et ELF. A mon arrivée au pouvoir en 1992, écrit-il, compte tenu de la situation sinistrée des comptes publics de la nation et des vives tensions qui faisaient craindre une situation insurrectionnelle, j'ai pris l'attache de mon homologue M. François MITTERRAND à l'effet d'obtenir un soutien politique et une assistance technique de la France.

M. François MITTERRAND m'ayant répliqué, de manière cinglante, que la France n'intervenait plus dans ces domaines, j'ai demandé à mes ministres des finances et des hydrocarbures de revoir à la hausse le montant des redevances et taxes devant être versées dans les caisses de l'État par les sociétés concessionnaires de champs pétroliers.

De vives négociations ont opposé, une année durant, mes ministres à la société ELF qui a accepté, à l'issue de cette année, de porter le montant de la redevance due à la nation de 17% à 33%.

Je tiens à préciser que dans les mois qui ont suivi mon élection, la société ELF n'a consenti aucun effort financier particulier. J'ai donc conseillé à mes ministres de se rapprocher d'autres compagnies pétrolières implantées dans la région. C'est ainsi que dès la fin de l'année 1992, la société OXY, compagnie pétrolière américaine, a proposé de faire une avance à la nation congolaise, remboursable en pétrole, pour un montant de 150 millions de dollars, devise des Etats Unis d'Amérique.

L'intervention de la société américaine OXY auprès de notre République a provoqué l’ire de la société ELF. C'est dans ce contexte que le FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL a dû intervenir pour trancher le conflit entre les deux sociétés pétrolières en tenant compte des intérêts de la nation.

Les relations que la société ELF entretenait avec mes services ou moi-même ont été conflictuelles dès mon arrivée.

M. LISSOUBA a confirmé ces propos lors de son audition. Il a fallu, a-t-il conclu, un an de négociations et le recours à OXY pour débloquer la situation dans le bras de fer engagé avec ELF.

M. LE FLOCH PRIGENT, a expliqué M. MOUNGOUNGA. a tout fait pour nous empêcher de gagner les élections présidentielles de 1992 et surtout les législatives de juillet 1993. M. LE FLOCH PRIGENT a financé le chef d'état-major général des armées M. MOKOKO pour qu'il renverse le régime de M. LISSOUBA, d'abord en décembre 1992, ensuite et surtout fin juillet 1993 pendant les législatives. Avec les législatives a commencé la première guerre civile qui a duré jusqu'en 1994 parce que M. SASSOU et ses amis refusaient de reconnaître leur échec. Ils ont attaqué les forces républicaines et tenté de renverser le Gouvernement.

Avant mon arrivée au Ministère des Finances, mon prédécesseur a conclu avec OXY, en mars 1993, un préfinancement de 150 millions de dollars car ELF refusait de faire une quelconque avance. J'ai renégocié ce contrat en 1995. ELF et AGIR ont remboursé OXY et imputaient ce remboursement sur nos recettes pétrolières futures. Ceci a été fait avec Messieurs ISOARD et VERMEULEN. Avec les 150 millions de dollars D'OXY, M. LISSOUBA a payé les arriérés de salaire et organisé les élections.

Sous-Section 2 La normalisation

ELF s'est peu à peu rapprochée du président LISSOUBA élu démocratiquement. Comme l'a expliqué M. TARALLO, M. LISSOUBA, qui était avant son élection parfaitement au courant de l'existence des abonnements, a demandé l'application à son avantage de cette pratique. Je contrôlais ces versements qui ont été effectués [...] à travers les contrats gérés par ELF TRADING. Selon M. TARALLO, il n'y a jamais eu d'interruption dans les abonnements.

M. MOUNGOUNGA a, quant à lui, déclaré qu'il ignorait l'existence de la pratique des abonnements. Si M. LISSOUBA, a-t-il expliqué, a eu des rapports confidentiels avec M. TARALLO, ni l'un ni l'autre ne m'en ont parlé. [...] Quand M. TARALLO a vu fin 1993 que M. SASSOU avait perdu, il a noué des relations normales avec le président LISSOUBA. Je suis devenu Ministre des Finances en août 1993. J'observe que je n'ai pu nouer des relations avec M. SIRVEN car à cette époque il a quitté avec M. LE FLOCH PRIGENT le groupe ELF.

J'ai donc rencontré pour la première fois M. TARALLO chez le président LISSOUBA au sujet du rééchelonnement de la dette gagée. Il m'a alors mis en rapport avec M. SIGOLET, chargé des problèmes financiers chez ELF. C'est donc avec ce dernier que je devais négocier le rééchelonnement de la dette. On a négocié parallèlement, avec MM. TARALLO et ISOARD, l'octroi de nouveaux permis à ELF et plus tard le partage de production qui a amélioré de façon substantielle la part des revenus pétroliers revenant au Congo. Les relations se sont normalisées entre ELF et M. LISSOUBA. On a travaillé normalement avec ELF jusqu'en juin 1997, c'est-à-dire jusqu'au début de la guerre civile qui a duré de juin à octobre 1997.

M. SIGOLET a confirmé les demandes de M. LISSOUBA Le président LISSOUBA a souscrit de nouveaux contrats de préfinancement, notamment lors de l'octroi du permis d'exploitation du gisement de N'Kossa. Le plafond du préfinancement avait été pour le Congo avait été fixé en 1993, selon les instructions que j'avais reçues, à 1 milliard de francs. Le 30 juin 1994, les préfinancements accordés antérieurement ont été ré-échelonnés. En ce qu! me concerne, c'est la seule fois où j'ai DU constater une défaillance dans le remboursement des préfinancements.

Revenons aux abonnements.

Le conseil de M. TARALLO a déposé une note d'instructions, à en tête de la République du Congo, signée de M. LISSOUBA (et contre signée de M. TARALLO), datée du 12 novembre 1994.
Elle est adressée par M. LISSOUBA à M. TARALLO, mais aussi, curieusement à M. DOSSOU AWORET. ex-ministre du pétrole de M. BONGO. Aux termes de cette note, M. LISSOUBA explique ceci:
Je tire les conclusions des réunions que nous avons tenues au sujet des commissions de commercialisation qui sont définies par contrats et qui sont versées par baril exporté (commissions correspondant aux abonnements).
J'exprime ma satisfaction pour la façon dont le travail a été fait dans le passé. Cela m'a permis de décider personnellement de l'utilisation de ces commissions, les affectations aux bénéficiaires étant faites dans les meilleures conditions de régularité et d'absolue discrétion.
Le moment est, cependant, venu de procéder à la liquidation, si cela n'a pas été déjà fait, des sociétés EUX, ISERCO et ZARNI, sociétés dont j'ai connaissance et dont les opérations ont été soit décidées, soit approuvées par moi. Je donne décharge des affectations effectuées par ces sociétés et je vous demande de faire en sorte que tous
les documents les concernant et qui ne- sont pas juridiquement indispensables, soient détruits et, avec le concours des avocats, que les dispositions soient prises, dans la mesure du possible pour que personne ne 'puisse, après leur liquidation, avoir accès à leurs dossiers.
Cette liquidation devra être effectuée, si cela est pratiquement réalisable, avant le 31 décembre 1994.
J'entends, en effet, appliquer à ces commissions de commercialisation une procédure
différente à compter du 1er janvier 1995 et je vous en donnerai, en temps utile, mes
instructions.

Cependant, M. LISSOUBA en a contesté l'authenticité. S'il a admis que la signature pouvait être la sienne, il ne se reconnaît pas dans le texte - qui est sensiblement le même que celui faisant l'objet de quitus du président BONGO pour d'autres comptes-. Je n'ai jamais signé en rouge. Je me souviens qu'une fois M. TARALLO est venu me voir alors que j'étais président en exercice à Brazzaville et qu'il était poursuivi par la justice. Il m'a demandé de l'aider et m'a fait signer un papier pour le dédouaner. II voulait démontrer que ce qu'il faisait [c'était] pour les pays africains. Mais ce n'est pas ce document que j'ai signé. Je n'ai jamais reçu de commissions de ces Messieurs ni d'ELF.

J'observe, a ajouté le président LISSOUBA, qu'à fa photocopie les barres représentant le drapeau sont reproduites de façon nettement moins appuyée sur ce document qu'elles ne devraient l'être. Les photocopies de mes propres documents sont différentes sur ce point. M. LISSOUBA a également relevé l'absence d'effigie dans le cachet.

Comment peut s'expliquer le rôle de M. DOSSOU, conseiller du président BONGO?

Selon M. TARALLO. te président BONGO s'est efforcé au cours de la période 1994-1997 de rapprocher les points de vue du président LISSOUBA et du président SASSOU qui est rentré peu à peu dans une vie politique active. Il y a eu quelques espoirs, mais, en définitive, déçus, puisqu'on juin 1997 le conflit commençait entre les deux partis.

Des bonus ont également été versés. Ainsi, comme l'a expliqué M. TARALLO 10 et 25 millions de $ ont été versés pour les permis en eaux profondes dans les années 1992 à 1997, en accord avec les présidents LE FLOCH PRIGENT et JAFFRÉ, dans les comptes de la FIBA et dans les comptes off-shore qui étaient contrôlés par le président LISSOUBA (circuits RIVUNION et SOFAX).

Mais ELF avait noué depuis longtemps des relations de confiance avec le président SASSOU déchu, proche du président BONGO. M. TARALLO le connaissait dès avant son accession au pouvoir, intervenue en 1979. Il continue d'ailleurs encore aujourd'hui d'en apprécier tes qualités d'homme d'Etat.

ELF, a déclaré M. LISSOUBA, avait des relations étroites avec le président SASSOU. Lorsque j'ai été élu en 1992, ELF a continué à donner des moyens à M. SASSOU qui était l'ami de M. LE FLOCH PRIGENT. Avant mon élection, ils se retrouvaient régulièrement à Brazzaville. [...] M. SASSOU bénéficiait de l'appui de M. DOS SANTOS et du président du Tchad, ami de la Libye, laquelle a fourni les moyens qui ont servi à massacrer le Congo. M. SASSOU a obtenu les mêmes moyens de M. DOS SANTOS qui est venu massacrer les Congolais. ELF a continué à donner des moyens à M. SASSOU qui était l'ami de M. LE FLOCH PRIGENT.

M. SIRVEN gérait-il des fonds pour M LISSOUBA ou ses proches?

M. SIRVEN affirme que la majeure partie des avoirs qu'il a transférés au Lichtenstein en avril 1996. soit 50 millions de francs suisses, ont été pour le compte de M. LISSOUBA ou de ses proches. Selon M. TARALLO cependant (interrogatoire du 28 novembre 2001), il n'a eu connaissance d'aucun rôle de financement confié à M. SIRVEN sous la présidence de M. LISSOUBA. II a confirmé qu'il gérait lui-même les abonnements de M. LISSOUBA jusqu'à la fin de l'année 1996 (avant que n'éclate la guerre civile) et que la gestion des bonus au Congo avait été confiée depuis son départ de la direction générale des hydrocarbures (novembre 1991) à MM. ISOARD et VERMEULEN.

De plus, M. LISSOUBA, contacté par nous à Londres, a apporté dans un courrier qu'il nous a adressé, un démenti formel aux déclarations de M. SIRVEN, avec lequel, écrit-il, te n'ai entretenu aucun contact direct ou indirect, ni en tant que candidat à une fonction élective, ni en tant que Président de la République du Congo Brazzaville. 11 a confirmé ces propos lors de sa venue à Paris et de son audition.

M. VERWAERDE, qui a servi d'intermédiaire dans le financement de L'UNITA par ELF sous l'égide de MM. LE FLOCH PRIGENT et SIRVEN, se souvient avoir présenté M. SIRVEN à M LISSOUBA. A l'occasion de l'un de mes voyages avec M. SIRVEN en Angola, nous avons fait une étape au Congo quelques jours après l'élection à la présidence de M. LISSOUBA que je lui ai présenté dans sa villa, M. LISSOUBA n'étant pas encore installé à la présidence.

M. MOUNGOUNGA, dont le nom est apparu bien plus tard dans la gestion des avoirs de M. SIRVEN transférés en 1996/1997 au CRÉDIT FONCIER DE MONACO (1997), a lui aussi apporté un démenti formel à l'existence de financements opérés par M. SIRVEN en faveur de M. LISSOUBA. Bien au contraire, il a expliqué que M. SIRVEN. appuyé par M. LE FLOCH PRIGENT, avait toujours soutenu le camp adverse, celui de M. SASSOU.
Après l'élection de M. LISSOUBA en août 1992, l'équipe Le FLOCH-SIRVEN a continué à financer M. SASSOU en espérant son retour. [...]. MM. LE FLOCH PRIGENT et SIRVEN ont financé la guerre menée en 1993 par MM. SASSOU et KOLELAS en vue de renverser le président LISSOUBA.
C'est en raison du refus de M. LE FLOCH PRIGENT d'accorder les avances sollicitées par le président LISSOUBA après son élection que M. LE FLOCH PRIGENT a suscité et financé la guerre menée par MM. SASSOU et KOLELAS en juillet 1993. Il est parti (du groupe ELF) pendant cette guerre (ainsi que M. SIRVEN), guerre qui a duré jusqu'en mars 1994.

Selon M. TARALLO. M. KOLELAS, qui avait été le troisième candidat à l'élection présidentielle de 1992 avec MM. LISSOUBA et SASSOU, était le chef charismatique de l'ethnie Lan, celle du pool de Brazzaville. Il est entré très vite en dissidence et a provoqué une série d'incidents jusqu'à un conflit ouvert contre les forces gouvernementales en 1993. Le président SASSOU souffrait de l'échec politique qu'il avait subi et vivait replié dans son village d'Oyo. […] M. SIRVEN avait des relations avec M. SASSOU, mais je ne sais pas comment cela s'est traduit concrètement

Section 4 La guerre civile (juin à octobre 1997)

En octobre 1997, M. SASSOU a repris le pouvoir à l'issue d'une guerre civile meurtrière. Le président LISSOUBA est depuis en exil à Londres.

Comment en est-on arrivé là

Selon M. TARALLO, dès 1996 la situation s'était à nouveau tendue au Congo à la suite du retour au pays de M. SASSOU, qui avait été reçu comme un chef d'Etat. La campagne présidentielle pour les élections qui auraient dû avoir lieu en août 1997, s'était donc ouverte plusieurs mois auparavant et le conflit entre l'ancien et le président en titre augmentait en intensité de semaine en semaine.

C'est en fonction de cette situation que j'avais annoncé à M. LISSOUBA que je cessais d'être en charge de la procédure des abonnements à partir de la fin de l'année 1996. [...] En effet, je ne pouvais pas agir pour un des présidents contre l'autre, ma sympathie dans cette affaire allant au président SASSOU, mais je devais m'en tenir à son expression.

C'est manifestement M. LISSOUBA qui a engagé le conflit, pensant qu'il deviendrait à bout très rapidement des éléments fidèles à M. SASSOU. Faute de commandement efficace du côté de M. LISSOUBA, ses troupes ne progressaient pas depuis le déclenchement des opérations en juin 1997. C'est pour cette raison que M. LISSOUBA et ses proches ont pensé devoir recourir à des armes sophistiquées et notamment à des hélicoptères. Ces engins, mal utilisés, ont fait beaucoup de victimes, mais n'ont pas atteint les objectifs qui leur étaient fixés, tout particulièrement la demeure du président SASSOU. Cet échec a marqué vraiment la fin des espoirs du camp LISSOUBA de remporter un succès et la situation a très vite évolué en faveur des troupes de M. SASSOU, jusqu'à la fuite à l'étranger en octobre 1997 du président LISSOUBA et des principaux membres de son Gouvernement

Pendant toute la période où M. LISSOUBA a été président, j'ai joué auprès de lui un rôle de conseiller, mais uniquement en matière pétrolière et avec le souci de renforcer les intérêts d'ELF, ce qui restait ma préoccupation essentielle. J'ai repris ce rôle de conseiller auprès du président SASSOU à la fin de la guerre civile comme je l'avais tenu au cours de sa première présidence.

Les comptes suisses de M. TARALLO, qui ont continué à être approvisionnés jusqu'en 1997, ont-ils été utilisés pour financer l'un ou l'autre camp?

M. TARALLO le nie, soutenant que ses comptes ne concernaient que le Gabon. Aucun de mes comptes, a expliqué M. TARALLO, ni des comptes dont j'ai eu la gestion n'a été utilisé pour financer l'un ou l'autre camp pendant cette période de guerre civile. Je n'ai été en relation avec aucune des personnes qui ont pu alimenter l'un ou l'autre camp en argent ou en armes. Je ne connais pas Jacques MONSIEUR, contrairement à ce que soutient un journal belge et je n'ai jamais eu à connaître, à quelque titre que ce soit, d'un achat d'armes ou de son financement.

M. TARALLO soutient en particulier qu'il n'a pas participé à l'approvisionnement en armes de M. LISSOUBA (été 1997). Telle n'est pas la version de M. MOUNGOUNGA, Ministre des Finances du président LISSOUBA.

Je dois dire qu'au début de la guerre, M. TARALLO a téléphoné au président LISSOUBA pour lui dire qu'il avait trouvé quelqu'un qui pouvait lui fournir des armes, voire des hélicoptères. M. LISSOUBA a accepté. C'est M. SIGOLET qui a trouvé le fournisseur de ces armes provenant probablement de Russie ou d'Ukraine, à savoir Jacques MONSIEUR.

Nous avons appris pendant la guerre en lisant le Canard Enchaîné qu'ELF, parallèlement, avait fourni des armes à M. SASSOU. Ces armes étaient parties de l'aéroport du Bourget, étaient arrivées au Gabon (je précise que le gendre de M. BONGO est M. SASSOU) et étaient parvenues à M. SASSOU après avoir suivi la route Franceville-Oyo. M. SASSOU était également soutenu par le président angolais Dos Santos, qui a fait bombarder le camp LISSOUBA. Encore ce jour, des troupes angolaises stationnent au Congo.

Quand M. SASSOU a repris le pouvoir à l’issue de la guerre, MM. TARALLO et SIGOLET ont repris du service auprès de M. SASSOU. Quand M. JAFFRE a quitté le groupe ELF, M. LE FLOCH PRIGENT est devenu le conseiller spécial de M. SASSOU en matière de pétrole et il l'est d'ailleurs encore à ce jour.

En 1997, a expliqué le président LISSOUBA. il y a eu un coup d'Etat de M. SASSOU contre moi. Nous avons été obligés d'acheter des armes. M. TARALLO est venu m'en parler quand les choses ont commencé à se gâter. Il fallait de l'argent. L'argent c'était M. MOUNGOUNGA, Ministre des Finances. M. TARALLO m'a dit: 'Il faut que vous ayez un trésor de guerre". [...] Il y a eu des ordres d'achat avec la FIBA qui était une voie de passage qui permettait aux uns et aux autres de vivre. MM. TARALLO et SIGOLET connaissaient les vendeurs des armes. J'ai d'ailleurs lu dans un journal belge que M. Jacques Monsieur les attaquait pour être payé. C'est à eux qu'il s'est adressé. Pourquoi ne s'adresse-t-il pas au Congo? MM. TARALLO et SIGOLET m'ont proposé des armes.

Je ne sais pas comment les armes étaient payées, ce que je sais, c'est qu'elles étaient payées par le pétrole.

M. LISSOUBA a aussi dénoncé le soutien d'ELF à M. SASSOU alors que lui-même, M. LISSOUBA, était président en exercice. Dés 1994-1995, les armes utilisées par les jeunes gens de M. SASSOU étaient transportées par des barges d'ELF. Elles venaient d'Angola. M. TARALLO ne peut pas ne pas avoir joué de rôle. II a toujours joué le rôle de conseiller de M. SASSOU dans ces domaines-là. M. BONGO ne pouvait pas l'ignorer puisque des avions ont atterri chez lui.

La trace des ventes d'armes par M. MONSIEUR au régime du président LISSOUBA au cours de la guerre civile a été retrouvée sur les comptes de la FIBA. Selon M. HOUDRAY, directeur général de la FIBA, six ou sept jours avant la guerre civile, le Ministre des Finances de M. LISSOUBA. alors au pouvoir. M. MOUNGOUNGA, lui a téléphoné pour l'informer qu'il allait virer sur le compte Ministère des Finances à la FIBA à Paris, 116 millions de francs. Les fonds sont arrivés et la guerre a éclaté.

M. HOUDRAY a reçu une première instruction de transfert d'environ 15 millions de francs par fax. M. MOUNGOUNGA lui a téléphoné en lui expliquant: "il faut que nous nous défendions, nous avons des commandes à passer. En accord avec Mme de BONREPOS, M. HOUDRAY. qui craignait qu'il n'y ait des divergences entre le président LISSOUBA et son Ministre, a exigé des ordres écrits avec la double signature MOUNGOUNGA-LISSOUBA. Il y a eu ainsi des transferts vers la Suisse, Jersey, l'Afrique du Sud, souvent sous cette double signature.

Le compte Ministère des Finances a également été crédité de l'ensemble des recettes pétrolières, selon ce qu'avait confié M. MOUNGOUNGA à M. HOUDRAY. Ce crédit était constitué de virements venant d'ELF et D'AGIP. Pendant les quatre mois de guerre (de juin à octobre 1997), une somme comprise entre 25 et 30 millions de dollars a ainsi été débitée du compte Ministère des Finances.

M. HOUDRAY a remis les instructions délivrées par MM. MOUNGOUNGA et LISSOUBA, retrouvées dans les archives de la FIBA. L'extrait de compte MIFI CONGO fait apparaître des recettes pétrolières de l'Etat congolais créditées au compte FIBA du 30 mai 1997 au 19 septembre 1997 pour un montant total de 303 millions de francs. Ces instructions font état de matériel militaire et ordonnent des virements au profit de comptes off-shore.

Les propos de M. HOUDRAY ont été confirmés par M. SIGOLET. Je dois vous dire à ce sujet que j'ai été contacté par Pierre Yves Gilleron, ancien collaborateur de Gilles Ménage à l'Elysée et conseiller de M. LISSOUBA, au début de la guerre civile. C'est lui qui m'avait informé que M. MOUNGOUNGA désirait acquérir du matériel par le débit du compte FIBA.

Mais des impayés importants ont été laissés.
La FIBA a comptabilisé un volume de saisie arrêt de près d'un milliard de francs, ce qui, selon M. HOUDRAY, a entraîné la colère de M. SASSOU. En octobre 1997. M. SASSOU a accusé la France de soutenir la guerre.

Par la suite, a ajouté M. SIGOLET (qui est devenu le conseiller de M. SASSOU en décembre 1997 après avoir été celui de M. LISSOUBA, alors que M. SASSOU était revenu au pouvoir, M. GILLERON m'a à nouveau contacté en 1998 pour me dire que Jacques MONSIEUR n'avait pas été intégralement payé. Après des discussions, les Congolais m'ont fait savoir qu'il étaient prêts à payer 5 millions de dollars pour solde de tout compte. Il faut dire qu'il était déplaisant pour M. SASSOU de devoir régler des armes livrées à M. LISSOUBA. Je précise que J. MONSIEUR avait fait des livraisons pour 40 millions de $, selon ce qui m'a été dit, et qu'il n'avait été payé que de 20 millions de $. Il lui restait donc dû 20 millions de $. Il avait livré des munitions, des hélicoptères. du matériel militaire provenant de Russie et je crois d'Iran.

Selon M. SIGOLET, J. MONSIEUR a essayé de faire du chantage auprès de M. TARALLO et de moi-même pour se faire payer en faisant état de commissions rétrocédées à des dirigeants d'ELF sur des contrats d'avion et d'assurances. J. MONSIEUR a pu en effet collecter des informations à ce sujet, car M. DELOCHE, qui a participé à C3S contrats d'ELF et aux rétrocessions de commissions (cf infra Les comptes annexes, MM. VALENTINI), était l'assureur du matériel militaire fourni et avait conservé sur ces livraisons une créance d'1 million de $ car il avait fourni de la logistique pour les avions et des contrats d'assurance en qualité d'intermédiaire. M. DELOCHE a d'ailleurs participé aux discussions sur le recouvrement de la dette de M. MONSIEUR. Lors d'une réunion au NOGA HILTON le 9 décembre 1998 à Genève, le principe du règlement, à titre transactionnel, d'un montant de 5 millions de $, échelonné dans le temps, a été adopté. Il est vrai que de nouvelles fournitures étaient envisagées.

M. TARALLO conteste avoir joué un quelconque rôle dans la guerre civile de 1997. Il avait cessé de verser les abonnements au président LISSOUBA dès le 1er trimestre 1997.
Selon lui, c'est un accord entre le président SASSOU et le président de l'Angola (que connaissait bien M. TARALLO) qui a donné au président SASSOU un avantage militaire considérable.

S'agissant d'éventuels financements politiques français, M. LISSOUBA a seulement évoqué un financement unique.
A la mort de M. FOCCART, je me suis engagé à financer le CLUB 89. Ma collaboratrice Mme MUNARY a dû faire des dons dont je ne connais pas le montant En dehors de cela. je n'ai jamais été sollicité.

Article publié le 29/01/2003