Fespaco 2003
Le Fespaco s’offre un coup de pub
Au commencement était le festival panafricain du cinéma. Au septième art vint s’adjoindre, au milieu des années 80, sa rivale de toujours, devenue sa principale financière: la télévision. Depuis cette XVIIIe édition, le Fespaco s’ouvre sur un troisième versant des images africaines, et non des moindres: la publicité.
De notre envoyée spéciale à Ouagadougou
Une créature de rêve traverse une rue d’un pas savamment aguicheur, sous l’œil furibard de trois commères et celui, nettement plus amène, de leurs maris. Une quatrième ménagère, elle, garde le sourire. Perplexité des trois autres, à qui elle donne le «secret» de sa sérénité: une vaisselle en aluminium, qui lui permet «d’éliminer les rivales». Plan final sur le couple heureux, à demi-caché derrière une impressionnante batterie de cuisine.
Ce spot est l’un des 200 films publicitaires diffusés dans la nuit du 25 au 26 février lors de la première édition de la nuit du film publicitaire africain, créée à l’initiative d’Edifices, l’une des premières agences de publicité burkinabè. Parce qu’elle dépasse rarement les frontières nationales, la publicité africaine est mal connue. Les agences sont nombreuses, et elles sont concurrencées sur leur propre terrain par les filiales des grands groupes multinationaux de communication. C’est pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur cas, mais aussi pour que circulent d’un pays à l’autres des images publicitaires que les responsables d’Edifices ont proposé aux organisateurs du Fespaco d’adjoindre à leur festival un troisième volet: la publicité.
Sans que l’on soit encore en mesure de savoir si cet ambitieux programme sera rempli, cette première édition, qui est d’ores et déjà un véritable succès public (beaucoup de jeunes Ouagalais dans la salle, comble) a permis de voir des films publicitaires en provenance de cinq pays différents d’Afrique de l’Ouest. Tournés dans des conditions que l’on imagine difficiles (budgets dérisoires, acteurs non professionnels), ces spots émerveillent par leur inventivité et l’humour qu’ils déploient. Plus proches de la réclame que de la publicité au sens strict, ils mettent presque immanquablement l’accent sur un produit plus que sur un style de vie (selon le format dont les États-Unis ont fourni depuis cinquante ans le modèle imbattable, des chewing-gum Hollywood à Coca Cola). En Afrique, c’est moins un way of life qui est offert qu’un truc qui permettra à la ménagère, au bricoleur ou au routier de se simplifier la vie ou de l’améliorer grandement.
Dès lors qu’il s’agit de vendre des produits ménagers, des denrées alimentaires, le nerf de la guerre est presque toujours le même: il s’agit, pour une ménagère lambda de séduire son mari et de trouver une façon imparable de le garder au foyer, loin des tentations extra-conjugales. Un mari jovial dévore une assiettée de riz. A peine l’a-t-il terminée qu’il en redemande (clin d’œil complice au spectateur). Ravie, sa femme s’approche de lui avec le restant du plat tandis qu’apparaît dans sa main droite la raison de cet inextinguible appétit: une bouteille d’AroMaggi.
Une Afrique des villes, heureuse de vivre
Mais le plus souvent, c’est sur le mode de la transmission, que se fait le passage de flambeau. Une autre publicité montre deux familles, l’une initiée aux secrets Maggi, l’autre pas. Le split screen permet de montrer en simultané l’appétit de la première (attablée devant un repas appétissant), appétit qui n’a d’égale que la consternation de la seconde jusqu’à ce que, par le miracle d’un trucage, une bouteille de Maggi, promesse de tant de futures agapes, passe de l’une à l’autre: sourires complices et soulagement général.
D’une manière générale, pour vanter leurs produits, les spots ont peu souvent recours au cynisme et à la garantie de haute technicité, deux ressorts pourtant majeurs des publicité à l’occidentale. A cette règle, une marque de bonbons (les bonbons Champion), offre cependant un contre-exemple. Le spot met en scène un rappeur rondouillard. «Je suis pauvre, chômeur, et je cherche une femme riche, dégagée de toute obligation sentimentale pour me prendre en charge jusqu’à ce que je trouve mieux ailleurs», déclare l’infâme en souriant à la caméra jusqu’à ce qu’apparaissent en gros plan les sucreries qui, semble-t-il, lui permettront de mener à bien son projet. A l’évidence, le réalisme (des personnages comme des situations) passe largement au second rang. Un autre spot montre un autre adolescent séduire en 30 secondes chrono une charmante jeune femme grâce aux vertus -décidément impressionnantes- des mêmes bonbons. Ailleurs, c’est un paysan qui sort d’un champ de mil, sarcloir dans une main, billet de loto dans une autre. Il gratte, et voilà qu’une pluie de pièces d’or s’abat sur lui.
C’est une exception: la plupart des personnages mis en scène dans ces saynètes souvent irrésistibles de drôlerie sont des urbains de classe moyenne. Au travers de ces spots, c’est donc une Afrique très différente de celle des films africains qui se dessine: une Afrique des villes, heureuse de vivre, et sans le référent occidental, quasi-omniprésent dans les films africains. C’est normal dans la mesure où, ici comme ailleurs, la publicité sert avant tout à vendre du rêve, mais on ne peut que se réjouir de cette parenthèse enchantée qui, l’espace d’une nuit, permit d’échapper à l’afro-pessimisme.
Une créature de rêve traverse une rue d’un pas savamment aguicheur, sous l’œil furibard de trois commères et celui, nettement plus amène, de leurs maris. Une quatrième ménagère, elle, garde le sourire. Perplexité des trois autres, à qui elle donne le «secret» de sa sérénité: une vaisselle en aluminium, qui lui permet «d’éliminer les rivales». Plan final sur le couple heureux, à demi-caché derrière une impressionnante batterie de cuisine.
Ce spot est l’un des 200 films publicitaires diffusés dans la nuit du 25 au 26 février lors de la première édition de la nuit du film publicitaire africain, créée à l’initiative d’Edifices, l’une des premières agences de publicité burkinabè. Parce qu’elle dépasse rarement les frontières nationales, la publicité africaine est mal connue. Les agences sont nombreuses, et elles sont concurrencées sur leur propre terrain par les filiales des grands groupes multinationaux de communication. C’est pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur cas, mais aussi pour que circulent d’un pays à l’autres des images publicitaires que les responsables d’Edifices ont proposé aux organisateurs du Fespaco d’adjoindre à leur festival un troisième volet: la publicité.
Sans que l’on soit encore en mesure de savoir si cet ambitieux programme sera rempli, cette première édition, qui est d’ores et déjà un véritable succès public (beaucoup de jeunes Ouagalais dans la salle, comble) a permis de voir des films publicitaires en provenance de cinq pays différents d’Afrique de l’Ouest. Tournés dans des conditions que l’on imagine difficiles (budgets dérisoires, acteurs non professionnels), ces spots émerveillent par leur inventivité et l’humour qu’ils déploient. Plus proches de la réclame que de la publicité au sens strict, ils mettent presque immanquablement l’accent sur un produit plus que sur un style de vie (selon le format dont les États-Unis ont fourni depuis cinquante ans le modèle imbattable, des chewing-gum Hollywood à Coca Cola). En Afrique, c’est moins un way of life qui est offert qu’un truc qui permettra à la ménagère, au bricoleur ou au routier de se simplifier la vie ou de l’améliorer grandement.
Dès lors qu’il s’agit de vendre des produits ménagers, des denrées alimentaires, le nerf de la guerre est presque toujours le même: il s’agit, pour une ménagère lambda de séduire son mari et de trouver une façon imparable de le garder au foyer, loin des tentations extra-conjugales. Un mari jovial dévore une assiettée de riz. A peine l’a-t-il terminée qu’il en redemande (clin d’œil complice au spectateur). Ravie, sa femme s’approche de lui avec le restant du plat tandis qu’apparaît dans sa main droite la raison de cet inextinguible appétit: une bouteille d’AroMaggi.
Une Afrique des villes, heureuse de vivre
Mais le plus souvent, c’est sur le mode de la transmission, que se fait le passage de flambeau. Une autre publicité montre deux familles, l’une initiée aux secrets Maggi, l’autre pas. Le split screen permet de montrer en simultané l’appétit de la première (attablée devant un repas appétissant), appétit qui n’a d’égale que la consternation de la seconde jusqu’à ce que, par le miracle d’un trucage, une bouteille de Maggi, promesse de tant de futures agapes, passe de l’une à l’autre: sourires complices et soulagement général.
D’une manière générale, pour vanter leurs produits, les spots ont peu souvent recours au cynisme et à la garantie de haute technicité, deux ressorts pourtant majeurs des publicité à l’occidentale. A cette règle, une marque de bonbons (les bonbons Champion), offre cependant un contre-exemple. Le spot met en scène un rappeur rondouillard. «Je suis pauvre, chômeur, et je cherche une femme riche, dégagée de toute obligation sentimentale pour me prendre en charge jusqu’à ce que je trouve mieux ailleurs», déclare l’infâme en souriant à la caméra jusqu’à ce qu’apparaissent en gros plan les sucreries qui, semble-t-il, lui permettront de mener à bien son projet. A l’évidence, le réalisme (des personnages comme des situations) passe largement au second rang. Un autre spot montre un autre adolescent séduire en 30 secondes chrono une charmante jeune femme grâce aux vertus -décidément impressionnantes- des mêmes bonbons. Ailleurs, c’est un paysan qui sort d’un champ de mil, sarcloir dans une main, billet de loto dans une autre. Il gratte, et voilà qu’une pluie de pièces d’or s’abat sur lui.
C’est une exception: la plupart des personnages mis en scène dans ces saynètes souvent irrésistibles de drôlerie sont des urbains de classe moyenne. Au travers de ces spots, c’est donc une Afrique très différente de celle des films africains qui se dessine: une Afrique des villes, heureuse de vivre, et sans le référent occidental, quasi-omniprésent dans les films africains. C’est normal dans la mesure où, ici comme ailleurs, la publicité sert avant tout à vendre du rêve, mais on ne peut que se réjouir de cette parenthèse enchantée qui, l’espace d’une nuit, permit d’échapper à l’afro-pessimisme.
par Elisabeth Lequeret
Article publié le 26/02/2003