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Iran

L’ONU enquête sur le programme nucléaire de Téhéran

Les autorités iraniennes ont soigneusement tenu à l’écart la presse pour l’arrivée du directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohamed El-Baradei qui effectue une visite de trois jours.
De notre correspondant à Téhéran

Vendredi, Mohammad El-Baradei a visité les deux sites, en construction, d'Arak (sud-ouest de Téhéran) et Natanz (centre du pays), qui sont selon les Iraniens prévus pour fabriquer du combustible nucléaire destiné aux futures centrales nucléaires du pays. Il devait également se rendre à la centrale nucléaire de Bouchehr – la première centrale nucléaire civile iranienne -, actuellement en construction par les Russes et qui doit être achevée en juin 2004. La chaîne américaine CNN avait montré à la fin de l’année dernière les images de ces deux sites en affirmant qu’ils étaient destinés à fabriquer des armes atomiques, ce que l’Iran avait catégoriquement démenti.

En fait, dès septembre 2002, l’Iran avait officiellement informé l’AIEA qu'il aménageait de nouvelles installations nucléaires à Arak et Natanz. Une visite de M. El-Baradei était programmée en décembre, mais avait été repoussée à la demande de Téhéran. Ces chantiers, ainsi que l'annonce récente par le président iranien Mohammad Khatami que l’Iran voulait produire son propre combustible nucléaire, ont renforcé les inquiétudes des Etats-Unis, qui accusent régulièrement Téhéran de vouloir utiliser la technologie fournie par la Russes pour la construction de la centrale nucléaire civile de Bouchehr pour fabriquer la bombe atomique.

Le 28 janvier dernier, le président Bush a une nouvelle fois accusé l’Iran de «chercher à développer des armes de destruction massive». Ce discours intervenait un an après qu’il ait rangé l’Iran «parmi les pays de l’axe du mal» aux côtés de l’Irak et de la Corée du Nord. Les Américains sont d’autant plus inquiets que le programme nucléaire iranien est très vaste. En effet, Téhéran prévoit déjà d'ajouter deux nouvelles tranches à Bouchehr, qui doit entrer en service mi-2004 avec une capacité de 1 000 mégawatts, et de construire une nouvelle centrale à Ahwaz (ouest) pour atteindre une capacité totale de 6 000 mégawatts d'électricité nucléaire dans 20 ans.

L’ONU demande des inspections impromptues

Depuis plusieurs années, Washington n'a cessé de faire pression sur Moscou pour cesser toute coopération dans le domaine nucléaire avec l’Iran. Le sous-secrétaire d'État chargé du désarmement et du contrôle des armements, John Bolton, se rend en Russie dimanche pour la presser de renoncer à sa coopération nucléaire avec l'Iran.

Sous la pression des Américains, les Russes ont conditionné la poursuite des travaux de Bouchehr à ce que l’Iran leur remette l’uranium enrichi produit par la centrale. Fin décembre, en visite au Pakistan, le président Khatami a déclaré que son pays acceptait cette condition. Mais quelques semaines plus tard, c’est-à-dire le 9 février, il annonçait que l'Iran «allait produire son propre combustible nucléaire». Il révélait la découverte et l’exploitation d’une mine d’uranium dans le désert iranien, dans le centre du pays et la création de quatre complexes pour transformer cet uranium en combustible destiné aux futures centrales nucléaires civiles du pays. Ce qui a renforcé encore l’inquiétude des Américains.

Lors de ses entretiens, Mohammad El-Baradei doit demander une nouvelle fois que l’Iran, signataire du Traité de non-prolifération (TNP), signe également un protocole additionnel permettant aux inspecteurs de l’AIEA de se rendre de manière impromptue sur des sites «suspects» n’ayant pas été déclarés par le gouvernement iranien. Jusque-là, les inspecteurs de l’AIEA peuvent se rendre uniquement sur des sites déclarés. Le protocole additionnel a été créé après la guerre du Golfe en 1991 quand l'AIEA a découvert que l'Irak, aussi signataire du TNP, avait développé secrètement un programme d'armement nucléaire.

Interrogé sur ce que répondra Téhéran à M. El-Baradei si celui-ci lui demande d'accepter des inspections impromptues, le porte-parole du gouvernement Abdollah Ramezanzadeh a diplomatiquement laissé entrevoir une fin de non-recevoir en affirmant que «l’Iran respectait toutes les traités qu’il avait déjà signé. Toutes nos installations sont ouvertes à l’AIEA. Elles sont au vu et au su des habitants des régions où ils sont situées et ne sont pas cachées», affirme un responsable de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, qui a requis l’anonymat.

Il n’empêche. Ce point risque de créer des tensions entre l’Iran et l’AIEA mais aussi les pays occidentaux inquiets par le programme nucléaire iraniens.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 22/02/2003