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Indonésie

La Papouasie occidentale sur le sentier de la guerre

Pour rendre son annexion de la Papouasie occidentale irréversible, l’Indonésie installe des Indonésiens dans l’île et soumet les Papous à de multiples discriminations. Une attitude qui renforce le sentiment indépendantiste et attise les tensions intercommunautaires. Quatre ans après le Timor oriental, une nouvelle tragédie se prépare peut-être dans l’Archipel.
De notre correspondant à Djakarta

Megawati Sukarnoputri a passé le réveillon de Noël en Papouasie. Un geste destiné a susciter la sympathie des Papous, chrétiens à 90%. Mais la présidente indonésienne a aussi rappelé au Mouvement papou libre (OPM) que l’autonomie de l’île était le maximum que Jakarta entendait leur concéder. Cette position est soutenue par la majeure partie des Indonésiens qui estiment qu’octroyer l’indépendance à la Papouasie, après la perte du Timor oriental en 1999, ouvrirait la voie à un éclatement total de la République. Au-delà, la Papouasie, qui dispose de gigantesques richesses naturelles (pétrole, gaz, or, cuivre), est indispensable à l’économie indonésienne dont le tourisme a été durablement ruiné par l’attentat de Bali.

Depuis le départ du colonisateur hollandais en 1963, l’OPM conteste l’annexion de l’île par l’Indonésie. Une annexion acquise par la force, avec le soutien des grandes puissances, et qui fut validée par l’ONU au terme d’un référendum d’autodétermination entachée d’irrégularités flagrantes: les 1025 représentants des tribus ayant participé au vote furent tous choisis par l’Indonésie, le scrutin se tint à main levée et il fut précédé d’une vague d’intimidations et de meurtres.

Par la suite, rien ne sera fait pour susciter l’adhésion des Papous à leur nouvelle patrie. Au contraire, Jakarta alimentera la colère en installant des milliers de colons sur les terres des Papous. Ceux-ci se plaignent aussi d’être discriminés dans l’accès aux emplois publics et à l’université. Quant aux exploitations forestières et minières, qui surexploitent les ressources de l’île, elles n’accordent aucune attention à leurs conditions de vie. La mine de Timika (la plus grande mine d’or du monde) rapporte annuellement 1,5 milliards de dollars à son exploitant américain Freeport-MacMoRan Copper and Gold inc; mais sur plus de 600 millions de dollars de taxes touchés par l’Etat indonésien, la Papouasie ne perçoit que 20 millions de dollars. Et si PF Freeport emploie près de 17 000 ouvriers, à peine 5% d’entre eux sont des Papous.

Un nouveau Timor oriental ?

Face aux violences que ces frustrations ont parfois engendrées, l’Etat indonésien n’a souvent répondu que par la répression notamment sous la dictature du Général Suharto. Une attitude qui a renforcé le sentiment indépendantiste y compris parmi les Papous, encore très nombreux, vivant selon un mode de vie très primitif. En témoigne, la vigueur du nationalisme palpable dans la vallée des Danis, le coeur de la civilisation papoue qui n’a été «découvert» par les missionnaires protestants qu’au début des années 5O. Le 6 octobre 2000, les guerriers de la vallée ont convergé vers la ville de Wamena et fait le siège du poste de police en tuant au passage tout ce qui ressemblait à un Indonésien. Il y eut trente-quatre morts. Des émeutes similaires se sont également produites à Jayapura et Nabire au cours de la même année.

En 1997, la chute de la dictature avait pourtant fait naître un espoir de solution négociée. Mais les adversaires n’ont pas réussi à dégager un compromis et l’approche sécuritaire a de nouveau été privilégiée par Jakarta, notamment depuis l’élection de Megawati Sukarnoputri en juillet 2001. La nouvelle présidente a même revu à la baisse le statut d’autonomie de la province proposée par son prédécesseur, le très modéré Abdel Rahman Wahid.

Quant à l’armée indonésienne, elle continue de jouer les apprentis-sorciers. Les militaires ont créé des milices papous pro-Jakarta sur le modèle de celles qui avaient ravagé le Timor oriental au moment du vote pour l’indépendance de 1999. Depuis quelques mois, ils facilitent également l’arrivée dans l’île des Lascars Jihad, une milice islamiste qui a mené le Jihad contre les chrétiens des îles Moluques au cours des trois dernières années. De son côté, l’OPM semble aussi se préparer à l’imminence d’un conflit.

Lors du Congrès papou de février 2000, furent créées les Satgas Papua (forces d’intervention papoues libres) dont la mission était de protéger les personnalités indépendantistes. Elles sont désormais chargées de la «protection de tout le peuple papou». Ces forces, non armées mais très structurées militairement, comptent près de 17 000 hommes. Elles s’ajoutent au demi-millier de maquisards éparpillés dans la jungle mais qui n’ont souvent pour seules armes que des arcs et des sagaies.



par Jocelyn  Grange

Article publié le 06/02/2003