France
Mort d’un grand chef
Bernard Loiseau, l’un des plus célèbres cuisinier français, est mort hier. Il a mis fin à ses jours. L’annonce du décès à 52 ans, et dans de telles conditions, du premier cuisinier coté en bourse a fait grand bruit dans le milieu de la gastronomie dont il était l’un des membres les plus en vue.
La cuisine française a perdu l’un de ses plus ardents défenseurs. Bernard Loiseau, le chef du restaurant La Côte d’Or, à Saulieu, a en effet été retrouvé mort dans sa chambre, hier, un fusil de chasse à côté de lui. La thèse du suicide a été confirmée par l’autopsie de son corps. Il s’agit d’un véritable coup de tonnerre car rien ne pouvait laisser penser que cet homme jovial et enflammé de 52 ans pouvait mettre brutalement un terme à ses jours.
Et pourtant, c’est ce qu’il a fait. Pour son épouse, Dominique, il s’agit «d’un coup de folie». Pour certains de ses confrères, il aurait été très affecté par sa récente rétrogradation dans le guide GaultMillau 2003 qui lui avait ôté deux points et l’avait fait disparaître du club d’élite des 19/20 auquel il appartenait depuis de longues années. Un choc pour cet homme ambitieux et perfectionniste. Paul Bocuse, l’un de ses prestigieux confrères, a été l’un des premiers à réagir et à faire part de son émotion. Il a mis en cause sans ménagement le guide culinaire : «GaultMillau lui enlève deux points, deux, trois articles de presse, ça a tué Bernard Loiseau… Aujourd’hui, on pourrait dire : GaultMillau m’a tué».
Face à de telles accusations, le directeur du guide incriminé, Patrick Mayenobe, a réagi immédiatement en estimant que «ce n’est pas une note qui tue ni une étoile en moins…ce grand cuisinier avait certainement d’autres problèmes, d’autres soucis». Son épouse a déclaré qu’il était «très fatigué», qu’il avait en effet été «fragilisé par des articles récents» mais aussi qu’il était «euphorique, excessif de nature et très inquiet aussi».
«C’était mon but d’être un immense cuisinier »
Les raisons de son acte lui appartiennent. Mais il laisse aujourd’hui trois jeunes enfants, Bérangère, Bastien et Blanche, orphelins et une entreprise sans dirigeant. Parti de rien, il a, en effet, construit au fil des années une société, Bernard Loiseau SA, aux multiples ramifications. Apprenti entre 1968 et 1971 chez les frères Troisgros à Roanne, à l’époque même où ces derniers obtiennent trois étoiles au guide Michelin, il reprend en 1975, la gérance d’un établissement en perte de vitesse, La Côte d’Or, à Saulieu dans le Morvan. En 1982, il en devient propriétaire. C’est à partir de là qu’il bâtit sa réussite en proposant une cuisine souvent qualifiée de «limpide» ou «d’authentique».Très vite, son talent est salué, sa réputation se construit. Il obtient une, deux puis trois étoiles au guide Michelin en 1991. Cette reconnaissance le remplit de joie : «C’est la consécration de la cuisine mondiale, c’est fabuleux. J’ai fait la Une du New York Times. C’était mon but d’être un immense cuisinier, un peu comme un footballeur qui a envie d’être un Ronaldo ou un Pelé».
D’un hôtel de province accolé à son restaurant, il fait un Relais et Châteaux qui attire une clientèle huppée internationale. Il achète à Paris trois restaurants (Tante Louise, Tante Jeanne, Tante Marguerite), sorte de bistrots chics proposant une cuisine traditionnelle de qualité. Il diffuse dans le monde entier des produits dérivés, écrit des livres de cuisine à succès, passe des accords de partenariat pour des plats cuisinés. Il est le chouchou des médias. Son charisme et son enthousiasme participent à établir sa réputation. Bref, il devient un chef haut de gamme en même temps qu’un entrepreneur insatiable. Pour preuve, il est le premier cuisinier à être coté en bourse. Il introduit son groupe au second marché en 1998 pour financer ses investissements et obtient ainsi 5 millions d’euros alors que sa dette s’élève à 4,5 millions. Ses péripéties boursières ne sont pourtant pas à la hauteur de ses espoirs. L’action Bernard Loiseau ne décolle pas. Ce qui lui fait dire : «Je me rends compte que certaines choses m’échappent. J’arrive très bien à maîtriser mes grenouilles, je ne maîtrise pas la bourse».
Rien ne prédisposait Bernard Loiseau à devenir cuisinier. Son père vendait des chapeaux. Il faisait partie de ces gens qui se sont faits tout seul et ont atteint les sommets à force de travail et d’ambition. Sa femme et ses collaborateurs ont annoncé très vite qu’ils allaient continuer cette «aventure» dont le succès avait dépassé les frontières hexagonales. D’ailleurs, La Côte d’Or est restée ouverte au lendemain du décès de son chef. L’établissement ne fermera ses portes que le jour des obsèques de celui qui lui a apporté sa renommée exceptionnelle.
Et pourtant, c’est ce qu’il a fait. Pour son épouse, Dominique, il s’agit «d’un coup de folie». Pour certains de ses confrères, il aurait été très affecté par sa récente rétrogradation dans le guide GaultMillau 2003 qui lui avait ôté deux points et l’avait fait disparaître du club d’élite des 19/20 auquel il appartenait depuis de longues années. Un choc pour cet homme ambitieux et perfectionniste. Paul Bocuse, l’un de ses prestigieux confrères, a été l’un des premiers à réagir et à faire part de son émotion. Il a mis en cause sans ménagement le guide culinaire : «GaultMillau lui enlève deux points, deux, trois articles de presse, ça a tué Bernard Loiseau… Aujourd’hui, on pourrait dire : GaultMillau m’a tué».
Face à de telles accusations, le directeur du guide incriminé, Patrick Mayenobe, a réagi immédiatement en estimant que «ce n’est pas une note qui tue ni une étoile en moins…ce grand cuisinier avait certainement d’autres problèmes, d’autres soucis». Son épouse a déclaré qu’il était «très fatigué», qu’il avait en effet été «fragilisé par des articles récents» mais aussi qu’il était «euphorique, excessif de nature et très inquiet aussi».
«C’était mon but d’être un immense cuisinier »
Les raisons de son acte lui appartiennent. Mais il laisse aujourd’hui trois jeunes enfants, Bérangère, Bastien et Blanche, orphelins et une entreprise sans dirigeant. Parti de rien, il a, en effet, construit au fil des années une société, Bernard Loiseau SA, aux multiples ramifications. Apprenti entre 1968 et 1971 chez les frères Troisgros à Roanne, à l’époque même où ces derniers obtiennent trois étoiles au guide Michelin, il reprend en 1975, la gérance d’un établissement en perte de vitesse, La Côte d’Or, à Saulieu dans le Morvan. En 1982, il en devient propriétaire. C’est à partir de là qu’il bâtit sa réussite en proposant une cuisine souvent qualifiée de «limpide» ou «d’authentique».Très vite, son talent est salué, sa réputation se construit. Il obtient une, deux puis trois étoiles au guide Michelin en 1991. Cette reconnaissance le remplit de joie : «C’est la consécration de la cuisine mondiale, c’est fabuleux. J’ai fait la Une du New York Times. C’était mon but d’être un immense cuisinier, un peu comme un footballeur qui a envie d’être un Ronaldo ou un Pelé».
D’un hôtel de province accolé à son restaurant, il fait un Relais et Châteaux qui attire une clientèle huppée internationale. Il achète à Paris trois restaurants (Tante Louise, Tante Jeanne, Tante Marguerite), sorte de bistrots chics proposant une cuisine traditionnelle de qualité. Il diffuse dans le monde entier des produits dérivés, écrit des livres de cuisine à succès, passe des accords de partenariat pour des plats cuisinés. Il est le chouchou des médias. Son charisme et son enthousiasme participent à établir sa réputation. Bref, il devient un chef haut de gamme en même temps qu’un entrepreneur insatiable. Pour preuve, il est le premier cuisinier à être coté en bourse. Il introduit son groupe au second marché en 1998 pour financer ses investissements et obtient ainsi 5 millions d’euros alors que sa dette s’élève à 4,5 millions. Ses péripéties boursières ne sont pourtant pas à la hauteur de ses espoirs. L’action Bernard Loiseau ne décolle pas. Ce qui lui fait dire : «Je me rends compte que certaines choses m’échappent. J’arrive très bien à maîtriser mes grenouilles, je ne maîtrise pas la bourse».
Rien ne prédisposait Bernard Loiseau à devenir cuisinier. Son père vendait des chapeaux. Il faisait partie de ces gens qui se sont faits tout seul et ont atteint les sommets à force de travail et d’ambition. Sa femme et ses collaborateurs ont annoncé très vite qu’ils allaient continuer cette «aventure» dont le succès avait dépassé les frontières hexagonales. D’ailleurs, La Côte d’Or est restée ouverte au lendemain du décès de son chef. L’établissement ne fermera ses portes que le jour des obsèques de celui qui lui a apporté sa renommée exceptionnelle.
par Valérie Gas
Article publié le 25/02/2003