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Aviation

Privatisation d’Air France : prudence du gouvernement

L’Etat français qui détient 54,5% du capital de la compagnie Air France devrait ramener sa participation à 15 ou 20%, ce qui impose quelques mesures d’accompagnement. Cette privatisation est toutefois délicate, dans une conjoncture boursière défavorable et un contexte économique médiocre du transport aérien.
La compagnie Air France, nationalisée en 1945, a déjà fait l’objet d’une première ouverture de capital en 1999, la part de l’Etat passant à 54,5%. Depuis 1993, la compagnie aérienne est inscrite sur la liste des entreprises privatisables, ce n’est donc pas le principe d’une réduction de l’actionnariat public à environ 20% qui est en cause dans le projet de loi actuellement soumis au Parlement. Les vols internationaux dépendent d’accords bilatéraux entre Etats et une compagnie aérienne ne peut être aux mains d’actionnaires étrangers sans perdre ses droits de trafic. Ainsi, la législation américaine interdit à des investisseurs étrangers de détenir plus de 25% d’une compagnie et, en Europe, elles sont considérées comme européennes si la majorité du capital est détenue par des Etats ou des actionnaires citoyens des Quinze. Pour protéger la licence d’exploitation et les droits de trafic d’Air France la loi prévoit donc de réserver la majorité du capital à des actionnaires communautaires, ce qui implique qu’ils ne soient pas anonymes.

La privatisation d’Air France doit permettre à la compagnie de faire appel au marché des capitaux afin de financer son développement pour des montants très supérieurs aux ressources budgétaires qui pourraient lui être consacrés, en ces temps de rigueur des finances publiques. La libéralisation des transports aériens a également entraîné la constitution d’alliances commerciales et stratégiques entre compagnies qui se concrétisent souvent par des échanges de participation. Le caractère majoritairement public d’Air France causerait rapidement sa marginalisation, a estimé le gouvernement, soucieux par ailleurs de recueillir les fruits financiers de cette privatisation.

Un doute sur le calendrier

C’est bien là toute la difficulté de l’opération. La conjoncture boursière très défavorable laisse planer un doute sur le calendrier et l’ampleur de la mise sur le marché des actions d’Air France détenues par la puissance publique. Lancer un paquet d’actions sur le marché en ce moment ferait courir le risque de réaliser une mauvaise opération financière et d’encourir, sur le plan politique, la critique de «brader les bijoux de famille». Le ministre de l’Economie et des Finances, Francis Mer, a bien souligné que la cession de titres aurait lieu quand les cours boursiers le permettraient. C’est-à-dire probablement pas avant six mois ou un an. En revanche, Bercy a démenti les informations selon lesquelles le gouvernement ne se déferait que de 5% de ses parts, confirmant qu’il s’en tenait, à terme, à une participation de 15 à 20% dans le capital d’Air France.

A cela s’ajoute l’état de santé du secteur du transport aérien, comme en témoigne la disparition programmée de la compagnie Air Lib, principale concurrente d’Air France sur les lignes intérieures. Cela est de nature à peser sur le prix et la cotation du titre Air France par les nouveaux actionnaires. Dans un marché aérien déréglementé où la concurrence fait rage, les attentats du 11 septembre 2001 ont porté un coup fatal aux compagnies qui ne se portaient pas bien. Swissair, Sabena, Us Airways et United Airlines en ont fait les frais. Tous n’en mouraient pas, mais tous étaient frappés, comme dit la fable : l’ensemble des compagnies aériennes mondiales a enregistré une perte de 12 milliards de dollars en 2001.

En ce qui concerne la France le trafic passager a reculé de 2,2% en 2001, avant d’entamer une convalescence en 2002 avec une légère reprise de 0,5%, à près de 100 millions de passagers transportés. Ce trafic reste toutefois en recul de 1,7% sur l’an 2000, selon les résultats publiés le 12 février par la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Le trafic international entre la France et l’étranger a repris de 2,3% en 2002 par rapport à 2001 et, sur la plupart des grands itinéraires, le choc du 11 septembre a été résorbé. En revanche, le trafic intérieur a reculé de près de 3% par rapport à 2001.

Autant d’éléments qui incitent le gouvernement à agir avec prudence et probablement à renoncer par avance à en retirer d’énormes bénéfices. Le temps semble bien lointain où, de 1993 à 1997, les gouvernements de droite avaient retiré 22 milliards d’euros des privatisations et, de 1997 à 2001, le gouvernement socialiste en avait obtenu 27 milliards d’euros.



par Francine  Quentin

Article publié le 12/02/2003