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Burkina Faso

Bobo-Dioulasso : les durs effets de la crise ivoirienne

Deuxième ville avec 500 000 habitants, Bobo-Dioulasso où sont installées les plus importantes usines de transformation du Burkina est considéré comme le principal pôle industriel. Proche de la Côte d’Ivoire ainsi que de son principal port, Abidjan avec qui il est relié par le chemin de fer, Bobo était également un centre économique privilégié. Mais depuis le début du conflit ivoirien, les entreprises de la ville et de la région (ouest) sont plongées dans une crise sans précédent. Les affaires tournent au ralenti.
De notre envoyé spécial à Bobo-Dioulasso

«Nous ne savons pas où va déboucher cette crise, nous n’avons pas de perspectives, nous n’avons aucune visibilité sur cette situation ivoirienne.» Ce sentiment d’un chef d’entreprise de Bobo-Dioulasso résume l’inquiétude des milieux d’affaires de la ville et de toute la région de l’ouest durement frappés par la crise ivoirienne. En effet, depuis le 19 septembre, la région de Bobo-Dioulasso frontalière de la Côte d’Ivoire est coupée de son débouché naturel. Les frontières terrestres sont fermées. Le train qui passait par Bobo pour relier Abidjan à Ouagadougou ne circule plus. Il n’y a plus également de flux sur la route bitumée qui va jusqu’à la capitale ivoirienne en dehors de quelques échanges informels qui se sont instaurés entre la région de Bouaké, occupée par la rébellion, et celle de l’ouest burkinabé.

Du coup, Bobo-Dioulasso s’est éloigné considérablement de la mer. Le port le plus proche est désormais à près de 1 300 km contre environ 800 km avec Abidjan. Autrefois centre d’activités économiques privilégié pour le monde des affaires au Burkina, Bobo-Dioulasso et sa région (dont Banfora située à 85 km de Bobo et 60 km de la frontière ivoirienne et qui abrite quelques unités industrielles) ont perdu leurs avantages comparatifs. Cela s’était traduit dès les premières semaines après le déclenchement du conflit ivoirien par des arrêts de production dans de nombreuses usines de la place dus à des ruptures de stocks de matières premières, eux-mêmes provoqués par le déroutage du port d’Abidjan vers Lomé ou Tema. Passé le moment de la surprise, les entreprises burkinabé dans leur ensemble tentent de se réadapter. La plupart d’entre elles se sont tournées vers le Ghana pour leur approvisionnement ou vers les ports de Lomé et de Tema pour l’importation ou l’exportation de leurs produits. Mais quatre mois et demi après le début de la crise ces solutions de rechange ne semblent pas améliorer considérablement la situation.

«On a rallongé le circuit et les délais d’approvisionnement. Tout cela va se traduire en terme d’exploitation par une augmentation des frais d’approche», explique Ollé Kam, directeur général de la Société industrielle du Faso (SIFA), une entreprise de montage de vélos et cyclomoteurs. La première difficulté est liée aux surcoûts de transports dus à la distance. Selon Monsieur Djanguinaba Barro, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat de Bobo-Dioulasso, le coût du transport par camion d’un chargement entre Lomé ou Tema et la région de l’ouest du Burkina varie entre 1.200 000 et 1.500 000 FCFA contre 700 000 à 800 000 francs entre Bobo et Abidjan.

Du blé resté bloqué dans le port d’Abidjan

L’autre difficulté, c’est le changement de fournisseur. «Par exemple, on s’approvisionnait en peinture avec un fournisseur à Abidjan depuis 1969, confie le patron de la SIFA. Un beau jour il faut changer. Aujourd’hui, on achète au Ghana et comme on est sûr de rien avec la route, on est obligé de prendre de grandes quantités pour stocker». «Pour notre approvisionnement en caoutchouc naturel, nous nous sommes tournés vers des fournisseurs ghanéens installés à Takoradi. Mais il faut avouer que le caoutchouc ghanéen coûte plus de 41% plus cher que celui que nous achetions en Côte d’Ivoire», se plaint Lazare Soré, PDG de la Société africaine de pneumatiques (SAP) en activité de 1974 à Bobo-Dioulasso. Pis, le Ghana n’appartient pas à l’union douanière instaurée entre les huit pays de la région qui ont en partage le franc CFA. Les importations de produits à partir de ce pays ne bénéficient donc pas des facilité douanières comme c’est le cas avec la Côte d’Ivoire.

Pour les industries tournées vers l’exportation, les délais d’acheminement des produits reste un gros problème. Il n’y a pas assez de conteneurs qui remontent vers l’intérieur comme par le passé avec Abidjan pour permettre une expédition des productions. «Toutes ces quantités énormes de fils que vous voyez sont une commande d’une usine de textile en république démocratique du Congo. Mais depuis-là, on n’a pas de conteneurs pour envoyer. Comment respecter alors les délais», s’alarme du fond du magasin de stockage de son usine, Abdoulaye Nabolé, directeur général-adjoint de la Filature du Sahel (Filsah). «On met deux à trois semaines à rechercher des conteneurs. Lorsque votre transitaire en trouve, il faut un mois pour que les produits arrivent à Lomé et un autre mois pour trouver un bateau», ajoute monsieur Nabolé qui souligne que son usine tourne seulement à 25% seulement de ses capacités depuis la guerre en Côte d’Ivoire. Pour se réajuster, l’entreprise a dû se séparer d’une soixantaine d’ouvriers sur les 150 qu’elle employait. A la SAP, ce sont 160 employés sur 400 environs qui ont été libérés pour faire face aux difficultés du moment. Autre signe assez visible de la crise : les Grands moulins du Burkina (GMB) installés à Banfora ont fermé «momentanément» mettant en chômage tous leurs ouvriers au nombre 105. Le patron de l’entreprise affirme avoir perdu 5 000 tonnes de blé restés bloqués au port d’Abidjan et sur un bateau.

Confrontés à tous ses facteurs exogènes, les chefs d’entreprise se tournent vers les autorités dont elles attendent des gestes pour permettre de supporter la crise. Ce serait par exemple la baisse des coûts de l’électricité ou l’abattement des tarifs douaniers sur certains produits.



par Alpha  Barry

Article publié le 03/02/2003