Espace
Ariane 4 : le lanceur de référence a tiré sa révérence
Reportée trois fois de 24 heures à cause de vents en altitude, Ariane 4 a finalement parachevé son œuvre à Kourou en réussissant la 113ème et dernière mission de sa carrière. Pour l’Europe spatiale, la succession de ce monstre sacré s’annonce compliquée. Les soucis financiers sont d’importance. L’Ariane 5 Evolution a subi un cuisant échec lors de son vol inaugural et l’Ariane 5 Générique sera lancée à perte.
Entre pleine lune et forêt guyanaise, Ariane 4 vol 159, dernière du lot, s’en est allée pour de bon. Il était 4 heures, le samedi 15 février à Kourou (8 h à Paris). Vingt et une minutes après le décollage, le «satcom» américain Intelsat 907 était sur orbite. Un cadre du Centre national d’études spatiales (Cnes) rend hommage au lanceur de feu: «Ses performances l’ont banalisée. Une telle fiabilité voilà l’exploit !». En 15 ans d’une carrière entamée le 15 juin 1988, les chiffres sont époustouflants: 74 tirs réussis consécutivement depuis un dernier échec qui remonte à décembre 1994, 113 succès sur 116 lancements et 182 satellites mis en orbite à des cadences industrielles (jusqu’à 14 tirs par an). Ariane 4 personnifie l’accession de l’Europe à la première place du marché mondial de lancement de satellites. Mais avec une capacité d’emport limitée à 4,8 tonnes, «elle ne répondait plus au marché», rappelle Jean-Charles-Vincent, directeur à Kourou d’Arianespace, la société qui commercialise les lancements. Dans son sillage, l’imprévisible Ariane 5 fait plutôt pâle figure: «Sur 14 lancements, il y a 3 échecs sûrs» reconnaît Pierre Moskwa directeur du CNES à Kourou: «le vol inaugural 501, le vol 510, et le vol 517 de la première Ariane 5 Evolution». Mais pour certains spécialistes, le vol 502 s’ajoute à la liste des ratés : «Les deux enclumes de ce tir de qualification n’ont pas été mises sur l’orbite prévue» retient un ingénieur du CNES. Pierre Moskwa qualifie, lui, de «demi-succès» ce tir du 30 octobre 1997: «Le lanceur a atteint la limite de son domaine de vol, j'aurais bien aimé que le vol 517 fasse ça», soupire-t-il.
Une époque flamboyante qui s’enfuit déjà
«Il faut attendre 20 missions pour juger de la fiabilité d’un lanceur», estime Michel Mignot, patron du Centre Spatial Guyanais (CSG) de 1991 à 2000. Une époque flamboyante qui s’enfuit déjà… Car l’accident, le 11 décembre dernier, d’Ariane 5 Evolution (ou ECA), détruite en vol suite à des problèmes de tuyère du nouveau moteur de son premier étage, laisse une ardoise de 300 millions d’euros et contraint la «super Ariane» au repos. Son retour, officiellement annoncé fin 2003, attendra sans doute 2004. «Un échec de développement c'est 18 mois d'arrêt» signale un ingénieur du CNES. Déconvenue supplémentaire, suite au cuisant échec de décembre, la commission d’enquête a considéré que «les procédures de qualification et de revue» de tout le système Ariane 5 étaient sujettes à caution. D’ailleurs, le prochain tir de l’Ariane 5 Générique dite Ariane 5 G, initialement programmé le 28 février, est repoussé à fin mars-début avril. Des fissures ont été découvertes sur la tuyère et l’on soupçonne un défaut du procédé de fabrication. Parallèlement, «pour répondre à un carnet de commandes de 41 satellites» selon sa direction, Arianespace vient de commander 6 Ariane 5 G. La décision fait jaser : «Arianespace avait demandé aux industriels de transformer tous leurs outillages pour fabriquer Ariane 5-ECA, et notamment, modifier les viroles, doper les EAP (NDLR : étages d’appoint à poudre), transformer les systèmes électriques de pilotage (…) En gros, demander de refaire l’Ariane 5 G, c’est comme demander à Renault d’abandonner la Mégane pour revenir à une 4 chevaux» estime un ingénieur du CNES. Interrogé à ce sujet à l’issue du dernier tir d’Ariane 4, Jean-Yves Le Gall, président d’Arianespace, est apparu embarrassé: «les lanceurs Ariane 5 G sont toujours en cours de production pour 2004 et 2005 mais il peut y avoir des obsolescences d’outillages ».
En outre, Ariane 5-ECA devait être plus compétitive en lançant à chaque fois 2 satellites atteignant jusqu’à 10 tonnes au total. Ariane 5 G, limitée à 6,9 tonnes d’emport, «sera lancée à perte» indique Jean-Charles Vincent.
Outre ces avatars justifiant la morosité ambiante: «l’arrêt d’Ariane 4 se superpose à la réduction des contrats industriels demandés par Arianespace et le Cnes et à la baisse des cadences de lancements liées à la chute des commandes» rappelle Pierre Moskwa. «Tous ces effets nous empêchent de chiffrer les suppressions d’emploi sur la base» avance-t-il. «Ils ne pourront pas jouer indéfiniment sur le retour des agents détachés en métropole. Ils vont licencier», prévoient, de leur côté, les syndicats du CSG.
Une certitude : il y aura 6 lancements au plus en 2003 contre 12 en 2002.
A Kourou, cette baisse d’activité interpelle Françoise Burglin, présidente de l’Union des commerçants : «On a pris un grand coup au moral avec le dernier échec d’Ariane 5 qui s’ajoute à la fin d’Ariane 4. Il faut songer à sortir de ce monopole du spatial sur la ville».
Las! La bouée de sauvetage pourrait s’appeler Soyouz, avec la construction d’un pas de tir du lanceur russe à 35 km de Kourou. Le projet sera soumis à l’approbation du conseil ministériel des Etats européens en mai. Il a le soutien de l’astronaute Jean-Pierre Haigneré, fervent défenseur des vols habités et mari de la ministre de la Recherche. Mais le projet s'élève à 300 millions d'euros. En tout état de cause, le rapport de la commission ministérielle de réflexion sur la politique spatiale française (présidée par Roger-Maurice Bonnet, ex-directeur des programmes scientifiques de l’Agence spatiale européenne) estime que «le retour du lanceur Ariane à la fiabilité constitue la première des priorités».
Une époque flamboyante qui s’enfuit déjà
«Il faut attendre 20 missions pour juger de la fiabilité d’un lanceur», estime Michel Mignot, patron du Centre Spatial Guyanais (CSG) de 1991 à 2000. Une époque flamboyante qui s’enfuit déjà… Car l’accident, le 11 décembre dernier, d’Ariane 5 Evolution (ou ECA), détruite en vol suite à des problèmes de tuyère du nouveau moteur de son premier étage, laisse une ardoise de 300 millions d’euros et contraint la «super Ariane» au repos. Son retour, officiellement annoncé fin 2003, attendra sans doute 2004. «Un échec de développement c'est 18 mois d'arrêt» signale un ingénieur du CNES. Déconvenue supplémentaire, suite au cuisant échec de décembre, la commission d’enquête a considéré que «les procédures de qualification et de revue» de tout le système Ariane 5 étaient sujettes à caution. D’ailleurs, le prochain tir de l’Ariane 5 Générique dite Ariane 5 G, initialement programmé le 28 février, est repoussé à fin mars-début avril. Des fissures ont été découvertes sur la tuyère et l’on soupçonne un défaut du procédé de fabrication. Parallèlement, «pour répondre à un carnet de commandes de 41 satellites» selon sa direction, Arianespace vient de commander 6 Ariane 5 G. La décision fait jaser : «Arianespace avait demandé aux industriels de transformer tous leurs outillages pour fabriquer Ariane 5-ECA, et notamment, modifier les viroles, doper les EAP (NDLR : étages d’appoint à poudre), transformer les systèmes électriques de pilotage (…) En gros, demander de refaire l’Ariane 5 G, c’est comme demander à Renault d’abandonner la Mégane pour revenir à une 4 chevaux» estime un ingénieur du CNES. Interrogé à ce sujet à l’issue du dernier tir d’Ariane 4, Jean-Yves Le Gall, président d’Arianespace, est apparu embarrassé: «les lanceurs Ariane 5 G sont toujours en cours de production pour 2004 et 2005 mais il peut y avoir des obsolescences d’outillages ».
En outre, Ariane 5-ECA devait être plus compétitive en lançant à chaque fois 2 satellites atteignant jusqu’à 10 tonnes au total. Ariane 5 G, limitée à 6,9 tonnes d’emport, «sera lancée à perte» indique Jean-Charles Vincent.
Outre ces avatars justifiant la morosité ambiante: «l’arrêt d’Ariane 4 se superpose à la réduction des contrats industriels demandés par Arianespace et le Cnes et à la baisse des cadences de lancements liées à la chute des commandes» rappelle Pierre Moskwa. «Tous ces effets nous empêchent de chiffrer les suppressions d’emploi sur la base» avance-t-il. «Ils ne pourront pas jouer indéfiniment sur le retour des agents détachés en métropole. Ils vont licencier», prévoient, de leur côté, les syndicats du CSG.
Une certitude : il y aura 6 lancements au plus en 2003 contre 12 en 2002.
A Kourou, cette baisse d’activité interpelle Françoise Burglin, présidente de l’Union des commerçants : «On a pris un grand coup au moral avec le dernier échec d’Ariane 5 qui s’ajoute à la fin d’Ariane 4. Il faut songer à sortir de ce monopole du spatial sur la ville».
Las! La bouée de sauvetage pourrait s’appeler Soyouz, avec la construction d’un pas de tir du lanceur russe à 35 km de Kourou. Le projet sera soumis à l’approbation du conseil ministériel des Etats européens en mai. Il a le soutien de l’astronaute Jean-Pierre Haigneré, fervent défenseur des vols habités et mari de la ministre de la Recherche. Mais le projet s'élève à 300 millions d'euros. En tout état de cause, le rapport de la commission ministérielle de réflexion sur la politique spatiale française (présidée par Roger-Maurice Bonnet, ex-directeur des programmes scientifiques de l’Agence spatiale européenne) estime que «le retour du lanceur Ariane à la fiabilité constitue la première des priorités».
Article publié le 15/02/2003