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Kosovo

Des Albanais seront jugés à La Haye

Pour la première fois l’UCK -la guérilla albanaise du Kosovo qui s’est battue contre les forces de l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic- est montrée du doigt par la justice internationale. Huit de ses anciens membres ont en effet été inculpés de crimes de guerre, et quatre comparaîtront devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à la Haye. Au risque de détériorer un peu plus les relations entre la population albanaise du Kosovo et la communauté internationale.
De notre correspondante à Belgrade

Ainsi, après les Serbes, les Croates et les Musulmans bosniaques, des Albanais rejoignent les rangs des criminels de guerre ex-yougoslaves. Ils sont poursuivis pour détention illégale, torture et meurtre de civils albanais et serbes. Des faits qui auraient été commis de mai à juillet 1998 à l’ouest du Kosovo, dans la région de la Drenica, au camp d’emprisonnement de Lakusnik, près de Glogovac.

Trois des quatre inculpés ont été arrêtés lundi par la force de l’Otan au Kosovo (KFOR) qui contrôle militairement la province serbe depuis la fin des bombardements en 1999. Quant à Fatmir Limaj, le quatrième et plus important co-inculpé, il a pris la fuite, avant d’être arrêté en Slovénie où il attend désormais son transfert vers la Haye, selon la porte parole du TPIY, Florence Hartmann, et le ministère de l’intérieur slovène. Il s’agit là d’un personnage puissant au Kosovo. Fatmir Limaj était un haut gradé de l’UCK dans la Drenica, fief de l’UCK et des indépendantistes kosovars, connu comme le commandant Celiku. Et jusqu’à son arrestation, il était chef du groupe parlementaire du PDK (Parti démocratique du Kosovo), le 2e parti politique albanais, qui représente 30% de l’électorat et dont le président n’est autre que Hashim Thaci, ancien leader politique de l’UCK.

D’autres Albanais sont jugés à Pristina

Ces inculpations interviennent alors que vient de commencer à Pristina, sous haute sécurité, le procès pour crimes de guerre de quatre autres anciens combattants de l’UCK, accusés eux aussi de détention illégale, torture et meurtre de civils albanais au printemps 99, dans la zone de Lap, au nord-est du Kosovo. Ils ont été arrêtés l’été dernier par la KFOR et sont jugés par la justice mise en place par l’ONU qui administre la province. L’affaire étant délicate, le procureur, comme les juges, sont des internationaux. Car là aussi, un des quatre inculpés, est un « gros poisson ». Rustem Mustafa, plus connu comme le commandant Remi, avait en effet rang de général de l’UCK. Avant d’être arrêté, Remi, qui figure par ailleurs sur une liste noire américaine pour «menace à la paix et à la stabilité de la région», était comme la plupart des anciens combattants de l’UCK, intégré au TMK. Officiellement, un corps de protection civile. Mais, selon une source haut placée de la KFOR, «l’embryon de ce que sera l’armée du Kosovo le jour de son indépendance».

Contrairement à cet été qui a vu défiler des milliers d’albanais aux cris de «libérez nos héros», il n’y a pas de vagues de protestations au Kosovo. Les leaders politiques albanais ont choisi de jouer le jeu occidental, sachant que la province est toujours administrée par l’ONU et que seule la coopération avec l’Occident peut les rapprocher de l’indépendance tant désirée par l’écrasante majorité de la population albanaise, qui constitue près de 90% de la population totale. «Il faut laisser la justice faire son travail», a déclaré sobrement le président nationaliste modéré du Kosovo, Ibrahim Rugova, leader de la LDK, le parti majoritaire au Parlement. Les deux autres partis politiques albanais, et notamment le PDK, ont même tenté de soutenir que Fatmir Limaj s’était rendu volontairement à la police autrichienne. «L’inculpation de Fatmir Limaj est douloureuse, car c’est un patriote qui a contribué à la libération du Kosovo», a déclaré le président du parlement Nedzat Daci, ajoutant «qu’il prouvera son innocence au TPIY, qu’il défendra la guerre de libération du Kosovo et démontrera que l’UCK s’est battue pour les idéaux du peuple albanais, pour la liberté, la démocratie et l’indépendance». «Aucun membre de l’UCK n’a pu tuer des membres de son propre peuple», a déclaré de son côté Suljman Selimi, n°2 du TMK, ne prenant pas la peine de mentionner les civils serbes, qui vivent aujourd’hui l’apartheid et le nettoyage ethnique à leur tour.

«Les Albanais sont très frustrés par la communauté internationale, car pour eux il est inadmissible de mettre dans le même sac l’UCK et les forces serbes. D’autant plus que seuls quatre serbes ont été inculpés par le TPIY pour le Kosovo et deux exécutants mineurs ont été jugés en Serbie. Sachant que de «gros poissons» comme les leaders politique et militaire des serbes de Bosnie, Karadzic et Mladic, courent toujours. Mais ils savent qu’il serait contre-productif de réagir maintenant et ce n’est pas leur préoccupation majeure», considère Val Percival, directrice du bureau d’analyse politique ICG (International crisis group) à Pristina. La communauté internationale en est consciente. C’est sans doute pour cela que Lord Robertson, le patron de l’Otan à Bruxelles, a déclaré qu’il s’agissait d’un «pas significatif qui doit mener à l’arrestation de tous les inculpés par le TPIY dans la région». De là à pense que l’Otan est déterminé à arrêter Mladic et Karadzic, il n’y a qu’un pas à faire.



par Milica  Cubrilo

Article publié le 20/02/2003