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Irak

Remous autour de la deuxième résolution

En imposant la date butoir du 17 mars à l’Irak pour qu’il donne la preuve qu’il a bien désarmé, Américains, Britanniques et Espagnols tentent en fait d’arracher aux Nations unies leur aval pour une intervention militaire contre le régime de Saddam Hussein. Cet ultimatum à Bagdad a vivement été critiqué par notamment Paris et Moscou qui estiment qu’il ne laisse aucune chance à un désarmement pacifique de l’Irak, au moment où le travail des inspecteurs de l’ONU commence à donner des résultats. Ce projet de résolution devait être soumis au vote du Conseil mardi mais pourrait être reportée à la fin de la semaine.
Va-t-en guerre et partisans de la poursuite des inspections de l’ONU en Irak ont multiplié ces derniers jours les pressions sur les membres non permanents du Conseil de sécurité pour qu’ils rejoignent ce qu’ils estiment être le «bon camp». S’il est adopté, le projet de résolution qu’Américains, Britanniques et Espagnols ont fait circuler la semaine dernière dans les couloirs des Nations unies, ne laisse en effet aucun doute sur la suite des événements. Et certains estiment qu’à certains égards ce texte est d’ores et déjà une déclaration de guerre à l’Irak. Si la majorité des pays siégeant au Conseil de sécurité est en effet convenue que les inspections ne pouvaient durer indéfiniment, Washington, Londres et Madrid ont pour la première fois évoqué un ultimatum en fixant au 17 mars la date butoir à laquelle l’Irak doit avoir fait la preuve de son désarmement. Le projet présenté, qui «réaffirme la nécessité d’appliquer intégralement la résolution 1441», invite ainsi le Conseil de sécurité à «décider que l’Irak n’aura pas saisi la dernière possibilité qui lui était offerte par la résolution 1441 à moins que, le 17 mars 2003 ou avant cette date, il est conclu que l’Irak a fait la preuve que d’une coopération entière, inconditionnelle, immédiate et active conformément à ses obligations de désarmement».

Paris et Moscou ont refusé en bloc l’idée même de cet ultimatum. Et si Dominique de Villepin, le chef de la diplomatie française, a affirmé que la France prendra «ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité» de l'Onu pour empêcher le vote d'une 2ème résolution ouvrant la voie à la guerre contre le régime de Saddam Hussein –une menace à peine voilée d’utiliser son droit de veto–, le ministre russe des Affaires étrangères a été beaucoup plus direct. Si une telle résolution est présentée à l'ONU, a ainsi affirmé Igor Ivanov, «alors la Russie utilisera son droit de vote». Le Chili, membre non permanent du Conseil de sécurité activement courtisé par Washington, a pour sa part estimé que le délai fixé par le texte anglo-américano-espagnol était «trop court», laissant ainsi entendre qu’il pourrait ne pas s’y rallier. Il est vrai que si cette nouvelle résolution devait être mise aux voix en fin de semaine comme cela semble de plus en plus probable, Bagdad n’aurait que quelques jours pour s’y soumettre, ce qui matériellement de l’avis même des chefs des inspecteurs semblent plus qu’impossible.

Modalités de vote au Conseil

Soucieux pour des problèmes de politique intérieure d’obtenir coûte que coûte l’aval des Nations unies avant une guerre en Irak, Londres a déclaré qu’il envisageait de dresser une liste de points précis sur lesquels Bagdad doit donner satisfaction avant la date butoir du 17 mars. Et un porte-parole de Tony Blair a même laisser entendre que cette date pouvait être négociée. Mais c’est vraisemblablement sur le fond que les positions divergent. Car si la résolution 1441 ordonne à l’Irak de détruire ses armes de destruction massive et d’en faciliter la vérification sous peine d’un recours à la force, le nouveau texte présenté par Londres, Washington et Madrid impose une démarche inverse. Il demande en effet au Conseil de sécurité de reconnaître que Bagdad n’a pas désarmé avant la date du 17 mars alors que le travail des inspecteurs semble enfin donner des résultats.

S’il est présenté au Conseil de sécurité de l’ONU, ce nouveau projet de résolution sera soumis à une procédure de vote public à mains levées. Chaque pays, membre permanent ou non du Conseil, disposant d’une voix, les décisions sont adoptées par un vote «pour» d’au moins neuf des quinze membres que comprend l’institution. Aucun des 5 membres permanents ne doit en outre utiliser son droit de veto. Lors du vote, le président en exercice demande d’abord qui est pour le texte, puis qui est contre, et enfin qui s’abstient. Les cas de projets de résolution rejetés parce qu’une majorité de 9 votes n’a pas été atteintes sont extrêmement rares, les négociations se faisant en coulisse avant la présentation du texte devant le Conseil de sécurité.

Si Colin Powell s’est vanté le week-end dernier en affirmant que Washington comptait «réunir 9 à dix voix», rien n’est toutefois moins sûr. Actuellement les Américains peuvent compter avec certitude sur le soutien de la Grande-Bretagne, de l’Espagne et de la Bulgarie. L’Angola pourrait également se ranger aux côtés de Washington. Le Chili et le Mexique semblent en revanche plus difficiles à convaincre, tout comme le Cameroun et la Guinée. La Syrie a pour sa part clairement affiché son opposition à une guerre en Irak se rangeant aux côtés de l’Allemagne, la France, la Russie et la Chine. Et le Pakistan que l’on croyait pourtant acquis à la position américaine a crée la surprise en faisant des propositions et en estimant que la menace irakienne n’était «pas imminente» et que «le coût d’un report serait bien inférieur à celui d’une guerre». Mais à supposer que Washington arrive à réunir 9 voix au Conseil de sécurité, il lui restera à affronter les menaces de veto brandies par Moscou et Paris.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 10/03/2003