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Irak

Irak : la France utilisera son droit de veto

Alors qu’une bataille diplomatique est engagée avec les Etats-Unis à quelques heures d’une échéance cruciale à l’Onu, le président français a choisi de s’exprimer en direct de l’Elysée pour expliquer aux Français la position de la France dans l’actuelle crise irakienne. Ainsi, le 10 mars, Jacques Chirac, interrogé par Patrick Poivre d’Arvor de TF1 et de David Pujadas de France 2, a précisé ses motivations pour empêcher la guerre et a déclaré que la France voterait «non» à la seconde résolution et utiliserait ainsi son droit de veto aux Nations unies.
Pour la première fois depuis le début de la crise irakienne, le président français a décidé de s’adresser directement aux Français. Il a balayé tous les sujets : l’utilisation du droit de veto de la France, son éventuel déplacement à New York si nécessaire dans les jours qui viennent, les répercussions politiques et économiques sur les relations franco-américaines, le rôle déterminant des Nations unies, la reconstruction en Irak si une guerre a lieu, la division de l’Europe…etc. Le président français est apparu déterminé à se battre jusqu’au bout pour tenter d’empêcher la guerre. Il a ainsi de nouveau affirmé que la «guerre n’est pas inévitable» mais a toutefois regretté l’insuffisance de la coopération de Bagdad en matière de désarmement, avant d’ajouter : «Un pays qui a le passé et la structure politique de l’Irak est toujours un pays dangereux».

La question était sur toutes les lèvres depuis déjà quelques jours. Lundi soir, lors de cette intervention télévisée de près de 40 minutes, Jacques Chirac a mis fin au suspens en annonçant que la France utiliserait son droit de veto au Conseil de sécurité de l’Onu en votant «non» à la nouvelle résolution sur l’Irak, présentée la semaine dernière par les Etats-Unis, la Grande Bretagne et l’Espagne qui donne jusqu’au 17 mars au régime irakien pour se désarmer totalement. «La France votera non quelles que soient les circonstances», a-t-il déclaré. Tout en s’efforçant de dédramatiser l’utilisation de ce droit de veto, le chef de l’Etat a cependant réaffirmé que la «France n’acceptera pas et donc refusera» une résolution utilisant la force contre l’Irak. Ainsi a-t-il réaffirmé ne pas vouloir s’engager sur une «voie qui conduirait automatiquement à la guerre tant que les inspecteurs ne nous auront pas dit : nous ne pouvons plus rien faire en Irak». Le président a ajouté avoir le sentiment que la Russie et la Chine qui disposent aussi d’un droit de veto aux Nations unies étaient disposées à adopter la même attitude que la France.

«Pour réparer les dégâts, la France aura sa place»

Visiblement, aujourd’hui, malgré leur hyperpuissance, les Etats-Unis ont du mal à obtenir les neuf voix nécessaires sur quinze pour faire entériner la seconde résolution. A ce propos, Jacques Chirac a tenu à souligner et à préciser : «A partir de là, naturellement (…), il n’y aura pas dans cette hypothèse de majorité et à ce moment là il n’y a pas de problème de veto». S’agissant d’un éventuel déplacement aux Nations unies, le chef de l’Etat a déclaré que sa «décision n’est pas prise» mais a affirmé qu’il n’irait pas seul.

Au-delà de l’Irak, le président de la République a expliqué que c’était aussi la future organisation du monde qui était en jeu, qu’il fallait choisir entre l’unilatéralisme et la gestion collective des crises. Aussi, a-t-il prévenu les Américains que ce «serait un précédent dangereux de passer outre une décision commune de l’Onu» et d’ajouter : «Les Américains ont atteint leur objectif, ils ont gagné». «Atteindre ses objectifs sans faire la guerre, ce n’est pas perdre la face», a-t-il dit.

Jacques Chirac a aussi saisi l’occasion pour dire qu’il faudrait que tous les pays s’associent «pour réparer les dégâts» en cas de guerre et que la France «y aura bien évidemment sa place». Il a aussi précisé qu’il n’y aurait «pas de moyens militaires» français engagés en cas de conflit sans décision de l’Onu mais que l’aviation américaine pourrait cependant survoler l’espace aérien français. S’agissant d’une éventuelle division de l’Europe, le président s’est dit confiant. Quant à un probable embargo américain sur les produits français, il a jugé qu’il n’aurait «aucun sens». En matière de terrorisme, le président n’a pas caché que si la guerre avait bien lieu il y aurait un regain d’actes sanglants et qu’inévitablement la coalition mondiale antiterroriste éclaterait.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 10/03/2003