Irak
Le double-jeu de Vladimir Poutine
Le ministre russe des Affaires étrangères a menacé d’un veto russe la résolution anglo-américaine. Mais le jeu russe est plus subtil qu’il n’y paraît.
De notre correspondant à Moscou
La Russie n’a plus aucun doute: il y aura bien une guerre contre l’Irak. A l’inverse de Jacques Chirac qui affirme vouloir tout faire pour éviter ce conflit armé, «la pire des solutions» a expliqué le président français, la diplomatie russe ne s’embarrasse guère de ces considérations morales et humanitaires. Plusieurs membres influents du gouvernement ont déjà exprimé publiquement leurs convictions. A son arrivée à Téhéran mardi, le ministre de Affaires étrangères s’est dit convaincu que la guerre était inévitable. Et le week-end dernier, le ministre des Finances a indiqué que la Russie était fin prête pour faire face à la guerre: «Nous pouvons affronter tous les scénarios et nous n’avons pas peur de cette guerre» a commenté Alexeï Koudrine.
A vrai dire, la Russie, premier producteur mondial d’hydrocarbures est d’ores et déjà un bénéficiaire net de la crise irakienne; avec une économie et un budget extrêmement dépendants des recettes pétrolières, la hausse du prix du baril n’est pas pour déplaire à Moscou même si la baisse du dollar limite l’ampleur des recettes. Cet aspect très prosaïque n’a jamais été sous-estimé par Moscou: la Russie a des intérêts financiers très spécifiques en Irak qui n’a jamais remboursé la dette contractée du temps de l’Union soviétique qui s’élève à huit milliards de dollars. Et les compagnies pétrolières russes qui sont aujourd’hui le fer de lance de l’économie ont des visées très précises sur les ressources irakiennes: le géant Loukoïl avait déjà signé un contrat prometteur résilié unilatéralement par l’Irak à la fin de l’année dernière.
Ralliement en demi-teinte
Cette décision de Bagdad s’est traduite par une très nette inflexion de la position de la Russie, beaucoup plus menaçante à l’encontre de Saddam Hussein: «Si le régime irakien ne coopère pas davantage et plus rapidement avec les inspecteurs en désarmement, la Russie pourrait se rapprocher des positions de nos partenaires du Conseil de sécurité des Nations unies» avait menacé Vladimir Poutine: des propos interprétés comme un ralliement aux thèses américaines, d’autant que dans le même temps, George W. Bush semblait offrir des garanties à la Russie, affirmant que ses intérêts seraient préservés: des garanties qui apparemment n’ont pas été jugées suffisantes puisque que la Russie s’être rallié finalement au camp de la paix emmené par Jacques Chirac.
Mais c’est un ralliement en demi-teinte et presque du bout des lèvres: «Le ministre des Affaires étrangères peut dire une chose et Vladimir Poutine peut en dire une autre», estime le politologue Sergueï Markov. Et selon un diplomate occidental, «le partenariat stratégique de la Russie avec les États-Unis est primordial et toute décision diplomatique découle de ce nouveau schéma. Comment dans ces conditions interpréter le durcissement de la Russie qui désormais menace très clairement d’utiliser son veto ?» Les observateurs à Moscou relèvent le silence persistant du Kremlin. Vladimir Poutine ne s’est jamais exposé directement et c’est le ministre des Affaires étrangères qui joue les premiers rôles.
De même, le président russe n’est jamais apparu comme un des leaders du «front du refus»: le Kremlin a toujours laissé l’initiative à la France ou à l’Allemagne alors qu’à l’inverse, chaque contact téléphonique entre Vladimir Poutine et George W. Bush était immédiatement relayé. A l’évidence, la diplomatie russe hésite, tâtonne, et n’a pas encore évalué les dégâts éventuels d’un veto aux Nations unies. L’équation est de plus en plus complexe à résoudre pour Moscou qui entend peser sur les affaires du monde et conserver toute sa légitimité au Conseil de sécurité. Or si «la résolution subit un veto, il faudra beaucoup de temps avant que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne considèrent que l’ONU est une organisation sérieuse» affirme Viacheslav Nikonov de l’Institut de recherche Politika.
Rien n’est donc exclus, pas même un retournement de dernière minute qui verrait la Russie s’abstenir si une seconde résolution était soumise au vote du Conseil de sécurité. Encore faudrait-il que les «buts de guerre» soit clarifiés car l’évolution du discours américain embarrasse singulièrement la Russie. Il ne saurait être question d’invoquer l’instauration d’un régime démocratique en Irak pour justifier un conflit comme semble le faire désormais le faire la Maison Blanche: «Imposer la démocratie et un modèle unique de développement sont impossible» estime le chef de la diplomatie russe rappelant qu’à l’époque soviétique. «L’URSS avait essayé de mettre en place des régimes loyaux et on sait comment cela s’est terminé» a conclu Igor Ivanov dans ce qui apparaît comme l’une des critiques les plus sévères du nouvel impérialisme américain.
La Russie n’a plus aucun doute: il y aura bien une guerre contre l’Irak. A l’inverse de Jacques Chirac qui affirme vouloir tout faire pour éviter ce conflit armé, «la pire des solutions» a expliqué le président français, la diplomatie russe ne s’embarrasse guère de ces considérations morales et humanitaires. Plusieurs membres influents du gouvernement ont déjà exprimé publiquement leurs convictions. A son arrivée à Téhéran mardi, le ministre de Affaires étrangères s’est dit convaincu que la guerre était inévitable. Et le week-end dernier, le ministre des Finances a indiqué que la Russie était fin prête pour faire face à la guerre: «Nous pouvons affronter tous les scénarios et nous n’avons pas peur de cette guerre» a commenté Alexeï Koudrine.
A vrai dire, la Russie, premier producteur mondial d’hydrocarbures est d’ores et déjà un bénéficiaire net de la crise irakienne; avec une économie et un budget extrêmement dépendants des recettes pétrolières, la hausse du prix du baril n’est pas pour déplaire à Moscou même si la baisse du dollar limite l’ampleur des recettes. Cet aspect très prosaïque n’a jamais été sous-estimé par Moscou: la Russie a des intérêts financiers très spécifiques en Irak qui n’a jamais remboursé la dette contractée du temps de l’Union soviétique qui s’élève à huit milliards de dollars. Et les compagnies pétrolières russes qui sont aujourd’hui le fer de lance de l’économie ont des visées très précises sur les ressources irakiennes: le géant Loukoïl avait déjà signé un contrat prometteur résilié unilatéralement par l’Irak à la fin de l’année dernière.
Ralliement en demi-teinte
Cette décision de Bagdad s’est traduite par une très nette inflexion de la position de la Russie, beaucoup plus menaçante à l’encontre de Saddam Hussein: «Si le régime irakien ne coopère pas davantage et plus rapidement avec les inspecteurs en désarmement, la Russie pourrait se rapprocher des positions de nos partenaires du Conseil de sécurité des Nations unies» avait menacé Vladimir Poutine: des propos interprétés comme un ralliement aux thèses américaines, d’autant que dans le même temps, George W. Bush semblait offrir des garanties à la Russie, affirmant que ses intérêts seraient préservés: des garanties qui apparemment n’ont pas été jugées suffisantes puisque que la Russie s’être rallié finalement au camp de la paix emmené par Jacques Chirac.
Mais c’est un ralliement en demi-teinte et presque du bout des lèvres: «Le ministre des Affaires étrangères peut dire une chose et Vladimir Poutine peut en dire une autre», estime le politologue Sergueï Markov. Et selon un diplomate occidental, «le partenariat stratégique de la Russie avec les États-Unis est primordial et toute décision diplomatique découle de ce nouveau schéma. Comment dans ces conditions interpréter le durcissement de la Russie qui désormais menace très clairement d’utiliser son veto ?» Les observateurs à Moscou relèvent le silence persistant du Kremlin. Vladimir Poutine ne s’est jamais exposé directement et c’est le ministre des Affaires étrangères qui joue les premiers rôles.
De même, le président russe n’est jamais apparu comme un des leaders du «front du refus»: le Kremlin a toujours laissé l’initiative à la France ou à l’Allemagne alors qu’à l’inverse, chaque contact téléphonique entre Vladimir Poutine et George W. Bush était immédiatement relayé. A l’évidence, la diplomatie russe hésite, tâtonne, et n’a pas encore évalué les dégâts éventuels d’un veto aux Nations unies. L’équation est de plus en plus complexe à résoudre pour Moscou qui entend peser sur les affaires du monde et conserver toute sa légitimité au Conseil de sécurité. Or si «la résolution subit un veto, il faudra beaucoup de temps avant que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne considèrent que l’ONU est une organisation sérieuse» affirme Viacheslav Nikonov de l’Institut de recherche Politika.
Rien n’est donc exclus, pas même un retournement de dernière minute qui verrait la Russie s’abstenir si une seconde résolution était soumise au vote du Conseil de sécurité. Encore faudrait-il que les «buts de guerre» soit clarifiés car l’évolution du discours américain embarrasse singulièrement la Russie. Il ne saurait être question d’invoquer l’instauration d’un régime démocratique en Irak pour justifier un conflit comme semble le faire désormais le faire la Maison Blanche: «Imposer la démocratie et un modèle unique de développement sont impossible» estime le chef de la diplomatie russe rappelant qu’à l’époque soviétique. «L’URSS avait essayé de mettre en place des régimes loyaux et on sait comment cela s’est terminé» a conclu Igor Ivanov dans ce qui apparaît comme l’une des critiques les plus sévères du nouvel impérialisme américain.
par Jean-Frédéric Saumont
Article publié le 11/03/2003