Indonésie
Craintes et réalités de l’islamisme
L'Indonésie, premier pays musulman au monde par sa population, a exprimé son hostilité vis-à-vis de toute action militaire unilatérale contre l'Irak. Le gouvernement est soutenu par la population et les partis musulmans modérés. Mais l’attentat de Bali lui interdit toute surenchère anti-américaine. Un espace dans lequel vont tenter de s’infiltrer les mouvements islamistes qui demeurent jusqu’à présent ultra-minoritaires.
De notre correspondant à Djakarta
«Non au terrorisme, non à la guerre contre l'Irak». La position du gouvernement indonésien sur la crise irakienne reflète sans doute le sentiment le plus répandu en Indonésie où 85% des 215 millions d’habitants se réclament de l’Islam. La Nadatul Ulama et la Muhamadyya, les deux principales organisations islamiques modérées de l’Archipel, qui revendiquent chacune près de 40 millions de membres, ne s’en démarquent pas. Dans une récente déclaration commune, leurs plus hauts dirigeants ont affirmé qu’ils n’avaient «aucun respect pour le régime de Saddam Hussein» et qu’une «guerre contre l’Irak ne serait pas une guerre contre l’Islam». Mais ils ont prévenu qu’elle pourrait avoir «de graves conséquences sur l’harmonie religieuse en Indonésie et dans le reste du monde». Les leaders musulmans redoutent, en effet, qu'un nouveau conflit au Moyen-Orient ne redonne un coup de fouet à des islamistes, sur la défensive depuis la tragédie du 12 octobre à Bali. Ils ont donc promis d’organiser de grandes manifestations pour la paix, promesses qu’ils avaient déjà faites au moment de la guerre en Afghanistan sans pour pourtant jamais les tenir. Il n’est donc pas impossible que les musulmans modérés laissent, une fois de plus, la rue aux plus radicaux.
Car en novembre 2001, la plus grande manifestation contre l’intervention américaine en Afghanistan avaient réuni 10 000 personnes à l’appel du Parti de la Justice (PK), un petit parti musulman radical. Celui-ci est encore le plus actif aujourd’hui. Il y a un mois, il a mobilisé 8000 personnes à Jakarta. Les partisans du PK se sont d'abord rassemblés au centre de la capitale avant de se diriger vers l'ambassade des Etats-Unis, transformée en camps retranché par deux cents policiers indonésiens. Les dirigeants du parti ont prononcé des discours enflammés, ponctués d' «Allahou akbar (Dieu est le plus grand)!», critiquant les projets militaires de George W. Bush et appelant le gouvernement de Megawati Sukarnoputri à s'y opposer plus fermement. Le PK ne détient que six sièges sur 500 au Parlement et son score aux élections législatives et présidentielles de 2004 sera le véritable thermomètre de l’Islamisme en Indonésie. La campagne électorale étant déjà lancée, le PK pourrait utiliser la crise irakienne pour créer quelques débordements de nature à mettre en difficulté le gouvernement. Ses principaux atouts : un chômage endémique, un pouvoir d’achat en chute libre, des élites politiques discréditées par une corruption généralisée et un sentiment anti-américain largement répandu dans l’Archipel où les Etats-Unis sont perçus comme anti-musulmans et accusés d’utiliser le Fonds Monétaire International pour asservir le pays.
Pas de péril islamiste en Indonésie
D’autres mouvements se réclamant de l’Islam radical tenteront également de tirer leur épingle du jeu. Ils sont groupusculaires et souvent manipulés par l’armée (Lascar Jihad) ou la police (Front des défenseurs de l’Islam) qui les utilisent pour défendre leurs intérêts politiques ou mafieux. Mais bien qu’ils défendent une conception nationaliste de l’Islam, qui les oppose au projet d’Etat musulman pan-asiatique défendu par la Jamaa Islamyya, l’attentat de Bali devrait les maintenir durablement aux marges de l’échiquier politique. Leurs appels à boycotter les produits américains sont pour l’instant restés sans échos et leurs menaces de faire la chasse aux étrangers ont peu de chance de se concrétiser tant le carnage du 12 octobre a profondément marqué l’inconscient collectif indonésien. Dans un pays où les pratiques de l’Islam sont historiquement syncrétistes, modérées et tolérantes, le véritable risque de la crise irakienne est donc moins la radicalisation religieuse de la population que l’utilisation de ses frustrations économiques à des fins politiques immédiates.
Du côté de la communauté expatriée, on semble attendre sans trop d’inquiétude une guerre en Irak. Seuls les Etats-unis, la Grande-Bretagne et l’Australie, qui ont tous réduit leur personnel diplomatique après l’attentat de Bali, ont véritablement renforcé leur dispositif de sécurité autour de leurs ambassades et recommandé à leurs ressortissants-résidants de s’installer dans des condominiums (lotissements) ultra-protégés. D’autres pays, dont la France, continuent de déconseiller la zone à leurs touristes, conseil suivi puisque le tourisme local continue sa descente aux enfers. Preuve que la zone devrait pourtant inspirer davantage de confiance: en Australie, où la population a vécu le 12 octobre (84 victimes australiennes) comme les Américains ont vécu le 11 septembre, les professionnels du tourisme, réunis en congrès le 24 février, ont annoncé que Bali était redevenu une priorité promotionnelle.
«Non au terrorisme, non à la guerre contre l'Irak». La position du gouvernement indonésien sur la crise irakienne reflète sans doute le sentiment le plus répandu en Indonésie où 85% des 215 millions d’habitants se réclament de l’Islam. La Nadatul Ulama et la Muhamadyya, les deux principales organisations islamiques modérées de l’Archipel, qui revendiquent chacune près de 40 millions de membres, ne s’en démarquent pas. Dans une récente déclaration commune, leurs plus hauts dirigeants ont affirmé qu’ils n’avaient «aucun respect pour le régime de Saddam Hussein» et qu’une «guerre contre l’Irak ne serait pas une guerre contre l’Islam». Mais ils ont prévenu qu’elle pourrait avoir «de graves conséquences sur l’harmonie religieuse en Indonésie et dans le reste du monde». Les leaders musulmans redoutent, en effet, qu'un nouveau conflit au Moyen-Orient ne redonne un coup de fouet à des islamistes, sur la défensive depuis la tragédie du 12 octobre à Bali. Ils ont donc promis d’organiser de grandes manifestations pour la paix, promesses qu’ils avaient déjà faites au moment de la guerre en Afghanistan sans pour pourtant jamais les tenir. Il n’est donc pas impossible que les musulmans modérés laissent, une fois de plus, la rue aux plus radicaux.
Car en novembre 2001, la plus grande manifestation contre l’intervention américaine en Afghanistan avaient réuni 10 000 personnes à l’appel du Parti de la Justice (PK), un petit parti musulman radical. Celui-ci est encore le plus actif aujourd’hui. Il y a un mois, il a mobilisé 8000 personnes à Jakarta. Les partisans du PK se sont d'abord rassemblés au centre de la capitale avant de se diriger vers l'ambassade des Etats-Unis, transformée en camps retranché par deux cents policiers indonésiens. Les dirigeants du parti ont prononcé des discours enflammés, ponctués d' «Allahou akbar (Dieu est le plus grand)!», critiquant les projets militaires de George W. Bush et appelant le gouvernement de Megawati Sukarnoputri à s'y opposer plus fermement. Le PK ne détient que six sièges sur 500 au Parlement et son score aux élections législatives et présidentielles de 2004 sera le véritable thermomètre de l’Islamisme en Indonésie. La campagne électorale étant déjà lancée, le PK pourrait utiliser la crise irakienne pour créer quelques débordements de nature à mettre en difficulté le gouvernement. Ses principaux atouts : un chômage endémique, un pouvoir d’achat en chute libre, des élites politiques discréditées par une corruption généralisée et un sentiment anti-américain largement répandu dans l’Archipel où les Etats-Unis sont perçus comme anti-musulmans et accusés d’utiliser le Fonds Monétaire International pour asservir le pays.
Pas de péril islamiste en Indonésie
D’autres mouvements se réclamant de l’Islam radical tenteront également de tirer leur épingle du jeu. Ils sont groupusculaires et souvent manipulés par l’armée (Lascar Jihad) ou la police (Front des défenseurs de l’Islam) qui les utilisent pour défendre leurs intérêts politiques ou mafieux. Mais bien qu’ils défendent une conception nationaliste de l’Islam, qui les oppose au projet d’Etat musulman pan-asiatique défendu par la Jamaa Islamyya, l’attentat de Bali devrait les maintenir durablement aux marges de l’échiquier politique. Leurs appels à boycotter les produits américains sont pour l’instant restés sans échos et leurs menaces de faire la chasse aux étrangers ont peu de chance de se concrétiser tant le carnage du 12 octobre a profondément marqué l’inconscient collectif indonésien. Dans un pays où les pratiques de l’Islam sont historiquement syncrétistes, modérées et tolérantes, le véritable risque de la crise irakienne est donc moins la radicalisation religieuse de la population que l’utilisation de ses frustrations économiques à des fins politiques immédiates.
Du côté de la communauté expatriée, on semble attendre sans trop d’inquiétude une guerre en Irak. Seuls les Etats-unis, la Grande-Bretagne et l’Australie, qui ont tous réduit leur personnel diplomatique après l’attentat de Bali, ont véritablement renforcé leur dispositif de sécurité autour de leurs ambassades et recommandé à leurs ressortissants-résidants de s’installer dans des condominiums (lotissements) ultra-protégés. D’autres pays, dont la France, continuent de déconseiller la zone à leurs touristes, conseil suivi puisque le tourisme local continue sa descente aux enfers. Preuve que la zone devrait pourtant inspirer davantage de confiance: en Australie, où la population a vécu le 12 octobre (84 victimes australiennes) comme les Américains ont vécu le 11 septembre, les professionnels du tourisme, réunis en congrès le 24 février, ont annoncé que Bali était redevenu une priorité promotionnelle.
par Jocelyn Grange
Article publié le 09/03/2003