Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Politique française

La décentralisation fait déjà grincer des dents

Après le vote en décembre 2002 par l'Assemblée nationale et le Sénat du projet constitutionnel sur la décentralisation, Jacques Chirac avait tranché en faveur d'une réunion du Congrès, le 17 mars à Versailles, au lieu d'un référendum pour entériner la réforme. Depuis la fin de l'année dernière, une deuxième mouture de ce projet a été dévoilée à Rouen, le 28 février dernier, par le Premier ministre. De vives réactions se sont depuis élevées.
L'un des quatre chantiers phares de la réforme de l'Etat, la décentralisation, chère à Jean-Pierre Raffarin, vise à accorder plus de compétences -définitives ou expérimentales- aux régions, aux départements et aux collectivités locales afin de rapprocher le pouvoir des citoyens. Après plus de quatre mois de consultations, le Premier ministre a donné, à Rouen, le 28 février dernier, le coup d'envoi de la nouvelle phase législative qui permettra à la décentralisation de rentrer dans les faits, en principe, début 2004.

Accompagné de Nicolas Sarkozy (ministre de l'Intérieur) et de Patrick Devedjian (ministre délégué aux Libertés locales), le chef du gouvernement a alors fait la synthèse des 26 assises des libertés locales qui se sont déroulées du 18 octobre 2002 au 21 février 2003. L'objectif affiché de ces rencontres était de convier les élus locaux à préciser les compétences qu'ils souhaitaient voir transférer aux communes, départements et régions ainsi que les expérimentations qu'ils aimeraient mener. Ainsi dans le cadre de cette deuxième phase du projet de loi présenté par Jean-Pierre Raffarin ce jour-là, les départements et les régions, qui se contentaient jusqu'ici de financer les bâtiments, expérimenteront un «nouveau statut» donnant davantage d'autonomie aux collèges et aux lycées. Une autonomie qui permettrait aux établissements concernés de notamment «disposer de moyens globalisés pour adapter leur offre éducative dans le respect des programmes nationaux».

Le Congrès préféré à un référendum

A ce propos, les syndicats de l'Education, hostiles à toutes ces futures mesures ont appelé à une grève le 18 mars prochain. Luc Ferry, ministre de l'Education nationale a estimé qu'il était «normal qu'ils éprouvent des craintes sur les modalités de la décentralisation», a-t-il dit, avant d'ajouter : «A nous de leur faire comprendre que loin d’y perdre, ils y gagneront en autonomie». Loin d’être rassurés par ces déclarations, le secrétaire général d’une intersyndicale d’enseignants, Jean-Luc Villeneuve, a rappelé que le «Premier ministre comme le ministre de l’Education nationale leur avait plusieurs fois assuré que rien ne serait fait sans l’accord des personnels, avant d’asséner leur décision couperet».

D’autre part, depuis le début de la semaine, Jean-Paul Delevoye, le ministre de la Fonction publique, a entamé avec les syndicats des fonctionnaires un tour d’horizon de plusieurs sujets les concernant dont la décentralisation. Ainsi, il a assuré leur avoir «fourni les dispositifs garantissant le maintien de leur statut, même s’il y a changement d’autorité de tutelle». Allusion faite au transfert annoncé par le Premier ministre de plus de 150 000 fonctionnaires vers les collectivités locales.

Dans l’opposition, on regarde, amusé, le déroulement des opérations. Surtout depuis la décision de Jacques Chirac de faire entériner cette réforme par le Congrès et non pas par la voie référendaire. Ce choix du chef de l’Etat, contrevient, en effet, à l’engagement qu’il avait pris lors d’un déplacement de campagne, le 10 avril 2002, à Rouen, où il avait clairement affirmé : «Les Français devront naturellement être consultés par référendum sur cette réforme essentielle». Interrogé sur cette volte-face, Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, était alors resté très laconique : «Je ne sais pas ce qui est une promesse ou ce qui ne l’est pas».

Alors pourquoi avoir choisi cette voie plutôt que l’autre ? Après la très faible participation au dernier référendum -celui sur le quinquennat- où 70% des Français s’étaient abstenus, il semblerait que le président et son Premier ministre aient craint que cette réforme, jugée majeure mais «parlant peu» à leurs compatriotes, ne mobilise pas davantage les foules. Sans vraiment l’avouer, la majorité craignait peut-être également que l’opposition ne détourne la campagne référendaire pour en faire un vote pour ou contre le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, au moment même où celui-ci aborde la périlleuse réforme des retraites.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 13/03/2003