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Politique française

Réforme des scrutins : le gouvernement passe en force

Suspensions de séance à répétition, dépôt d’environ 12 000 amendements : la guerre annoncée par l’opposition et l’UDF contre la réforme des modes de scrutins régionaux et européens voulue par l’UMP a commencé le 11 février à l’Assemblée nationale. La cible principale de cette offensive étant la disposition fixant à 10% des inscrits le score que devra obtenir une liste au premier tour des régionales pour se maintenir au second. Un seuil qui risque d’éliminer toutes les formations à l’exception du PS et de l’UMP. Ce mercredi, Jean-Pierre Raffarin - après l’autorisation donnée par le Conseil des ministres - a engagé la responsabilité de son gouvernement devant les députés en utilisant l’article 49-3.
«Dans l’esprit même de la Vème République (…) J’engagerai la responsabilité du gouvernement devant vous tous selon les règles de la Constitution», a lancé le Premier ministre, devant les députés, en réponse à une question du président du groupe UMP Jacques Barrot, sous les huées de l’opposition. Cette décision va permettre à Jean-Pierre Raffarin de faire passer en force ce texte, discuté depuis le 11 février à l’Assemblée nationale et uniquement soutenu par l’UMP, parti-majoritaire au Palais-Bourbon - 362 sièges sur 574 - et au Sénat. Le chef du gouvernement va donc employer l’article 49-3 de la Constitution et le texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée par les députés. Cette dernière hypothèse n’a pas de chance d’aboutir dans la mesure où, même coalisés, les opposants à ce projet de loi ne pourront réunir les 288 suffrages nécessaires pour renverser le gouvernement. Le groupe socialiste ainsi que celui des communistes ont quand même annoncé qu’ils allaient déposer une motion de censure. En revanche, l’UDF, pourtant réfractaire au texte, a annoncé qu’elle ne voterait pas cette motion. De son côté, Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France (MPF) a déclaré que «s'il faut aller jusqu'à voter la censure bien sûr, je la voterai».

L’examen de ce texte a donné lieu, le premier jour, à une guerre des tranchées dans l’hémicycle : les députés de gauche et ceux de l’UDF multipliant les techniques d’obstruction. C’est donc dans une atmosphère survoltée que les députés ont entamé leur marathon législatif. Les débats à peine ouverts, le député communiste Jacques Brunhes a donné le ton en réclamant une suspension de séance peu avant que les députés de gauche quittent l’hémicycle. Se présentant comme membre de l’opposition, François Bayrou lui a emboîté le pas avec un rappel au règlement. Des subtilités de procédure qui ont eu le don d’agacer Nicolas Sarkozy, envoyé au feu pour défendre le texte.

Clivage au sein de l’UMP

«Le gouvernement ne prétend pas détenir la vérité. Qu’il me soit cependant permis de rappeler que nous travaillons sous le regard des Français. Or, ceux-ci admettent de moins en moins les excès et les outrances. Chaque position mérite d’être considérée pour peu qu’elle s’exprime sans esprit de caricature», a déclaré le ministre de l’Intérieur mardi soir en défendant le projet de loi du gouvernement. Ce texte modifie en fait les modes de scrutins régionaux et européens en prévoyant pour les premières de relever le seuil à 10% des inscrits pour se maintenir au second tour et à 5% des suffrages exprimés au premier pour être en mesure de fusionner avec une autre liste au second. Pour les européennes, le texte prévoit que les députés sont toujours élus pour cinq ans à la proportionnelle à un tour mais que la circonscription unique que constituait la France est divisée en huit circonscriptions, les candidats de chaque liste devant être répartis en sections régionales.

Le Parti socialiste, même s’il en serait mathématiquement bénéficiaire, a dénoncé ce projet comme étant une «atteinte au pluralisme», selon les mots de François Hollande. Ce à quoi les responsables de l’UMP ont rétorqué que l’objectif était la constitution de majorités stables dans les conseils régionaux pour éviter au Front national, qui serait très probablement éliminé, d’être en position d’arbitre, comme cela avait été le cas aux précédents scrutins. Demeurées discrètes, des failles se sont pourtant ouvertes dans les rangs de l’UMP. Opposant affiché d’Alain Juppé, Nicolas Dupont-Aignan a affirmé qu’il s’opposerait au texte au «point de voter contre». Thierry Mariani s’est quant à lui déclaré «vraiment pas certain» de voter pour le projet. «La question est de savoir s’il faut, oui ou non, une bipolarisation de la vie politique. Je ne pense pas. D’autre part, l’UMP va avoir besoin d’alliés, ça ne sert à rien de les flinguer comme ça !», a-t-il ajouté.

Sous la précédente législature (entre 1997 et 2002), la procédure du 49-3 n’a jamais été utilisée. Elle l’a été, la dernière fois, le 26 juin 1996 par le gouvernement d’Alain Juppé à propos du projet de loi réformant le statut de France Télécom. La gauche avait alors déposé une motion de censure qui avait été repoussée.

Lire également :
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(L’éditorial politique de Geneviève Goëtzinger)



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 12/02/2003