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Politique française

Réforme électorale : l’UMP seule contre tous

La réforme des scrutins aux élections régionales et européennes, décidée par le gouvernement Raffarin, déclenche un tollé dans les partis politiques autres que l’UMP. Là où le Premier ministre voit un bénéfique rapprochement entre électeurs et élus, tout en permettant la constitution de majorités stables, les «petites» formations politiques dénoncent une volonté de les laminer.
A partir de 2004, les listes de candidats aux conseils régionaux présentées par les formations politiques devront recueillir au moins 10% des suffrages des électeurs inscrits pour être admises au second tour. C’est la principale modification au mode de scrutin pour les élections régionales du projet de loi adopté mercredi en Conseil des ministres. C’est aussi celle qui devrait causer les plus fortes oppositions, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, à partir du 11 février. En effet, le choix de faire appel au critère de pourcentage des inscrits plutôt qu’à celui des votes exprimés n’est pas une simple nuance. En tenant compte des électeurs inscrits sur les listes électorales mais qui s’abstiennent, pourcentage traditionnellement élevé lors des régionales, le seuil de qualification sera, de fait, beaucoup plus élevé. Probablement plus proche de 15% à 20% que de 10%.

Ce droit d’entrée autorisant à concourir au second tour et donc obtenir des élus à la proportionnelle est catégoriquement rejeté par les partis politiques directement concernés : UDF, Verts, PC, LCR, LO, FN, mais aussi par le Parti socialiste, au nom du pluralisme de l’expression politique. A quoi bon en effet adopter une représentation proportionnelle si elle ne bénéficie qu’aux deux principales formations, UMP et PS, comme dans un scrutin majoritaire ? Déjà, la liste arrivée en tête se voit attribuer une «prime» de 25% des sièges à pourvoir pour dégager une majorité claire.

Le gouvernement se défend de vouloir faire table rase des partis politiques, petits et moyens, en soulignant que «les petites listes ne seront pas écartées des conseils régionaux mais pourront s'associer clairement devant les électeurs». Dés lors qu’elles auront obtenu 5% des suffrages exprimés, les listes pourront fusionner au deuxième tour. Faculté qui ne concerne dans la réalité que des partis relativement proches dans l’éventail politique. C’est aussi une machine de guerre contre le Front national, menaçant dans plusieurs régions, qui devrait avoir du mal à trouver des co-listiers lui permettant d’accéder au second tour.

Le président de l’UDF, François Bayrou, s’est porté en tête de la lutte contre le «couperet» des 10% en proposant à toutes les partis représentant ceux qui n’ont voté ni Chirac ni Le Pen au premier tour de la présidentielle, soit 63% des électeurs, à se rassembler «pour défendre le pluralisme et les droits des citoyens».

La «Panzer division UMP»

Autres modifications à la règle du jeu électoral des conseillers régionaux : leur mandat est porté de 5 à 6 ans pour l’aligner sur les conseils municipaux et, par un procédé complexe, les élus régionaux seront répartis en sections départementales, ce qui ne devrait pas contribuer à faciliter la compréhension de l’électeur.

En ce qui concerne la réforme du scrutin européen, l’objectif est officiellement affiché par le gouvernement : «favoriser une moindre dispersion de la représentation de la France au parlement européen» et donner aux élus européens un ancrage dans la vie politique nationale. Pour ce faire, les députés européens français seront élus dans une circonscription non plus hexagonale mais divisée en huit regroupements opérés à partir des 22 régions administratives. Chaque liste devra obtenir au moins 5% de suffrages exprimés pour obtenir des sièges à la proportionnelle. Pour le député vert européen Daniel Cohn-Bendit pas de doute : «la panzer division de l'UMP veut imposer par tous les moyens la bipolarisation de la société française». Car, ajoute-t-il «les députés européens des grandes régions seront aussi près, ou aussi éloignés, de leurs citoyens que les députés élus sur les listes nationales».

Même des membres éminents de l’UMP émettaient des doutes sur le bien-fondé de cette réforme électorale, et les réticences de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur sont connues. De son côté, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale craignait le risque «de mauvaise interprétation» de ces mesures, venant d’une majorité UMP aussi forte que celle issue des urnes en 2002.



par Francine  Quentin

Article publié le 29/01/2003