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Politique française

La tribune «<i>utile</i>» de Lionel Jospin

Le retour épistolaire de Lionel Jospin dans le débat politique rompt avec neuf mois de silence depuis son échec au premier tour de l’élection présidentielle, le 21 avril 2002. Dans le journal Le Monde, l’ancien Premier ministre socialiste revient sur sa défaite, se montre critique à l’égard de la politique menée par le gouvernement Raffarin, exprime son soutien à François Hollande, affirme ne pas vouloir revenir sur le devant de la scène et se déclare hostile à une intervention militaire en Irak.
Dans un texte de deux pages, intitulé «Etre utile» dans le quotidien Le Monde, l’ancien Premier ministre socialiste avertit d’emblée le lecteur : «Parler, ce n’est pas revenir. J’ai quitté la vie politique, je n’y reviens pas. Je n’exerce plus de fonctions, je ne brigue pas de mandats. Mais je ne me désintéresse pas du débat public. Si je le peux, par la réflexion, servir les socialistes, aider la gauche et être utile à mon pays, j’en serai heureux». Lionel Jospin est revenu là où on ne l’attendait pas. Depuis quelques semaines, beaucoup parlait d’un retour télévisé mais l’ancien chef du gouvernement a préféré s’exprimer en prenant la plume. Tout comme il avait déjà pris tout le monde de court en envoyant un fax à l’Agence France Presse pour annoncer sa candidature pour la présidentielle.

Dans cette tribune, il revient longuement sur son élimination du premier tour et sur les raisons de cette éviction. «Ma part de responsabilité dans l’échec existe forcément» écrit-il, «je l’ai assumée en quittant la vie politique». «Gagner était difficile, en raison de l’usure du pouvoir, de la longue cohabitation et du climat général à la veille de l’élection». «Mon échec et l’absurde éviction de la gauche du second tour imposaient un geste de responsabilité personnelle et un acte de rupture avec la frivolité politique qui avait perverti la campagne et le vote», dit-il comme pour justifier son retrait précipité de la vie politique. Lionel Jospin avance également sa propre explication de «ce coup de tonnerre» du 21 avril, qu’il impute avant tout à la division de la gauche. «En se divisant, la gauche a offert une victoire sans combat à la droite», dit-il avant de fustiger Jean-Pierre Chevènement, qui, selon lui, a mené une campagne «nocive» et est allé «jusqu’au bout d’une logique qui s’est révélée politiquement destructrice». Il n’épargne cependant pas les autres candidats de la gauche, estimant que «finalement, dans ce premier tour, j’aurai été le seul candidat de la majorité plurielle à éviter d’attaquer ses partenaires et à refuser d’ajouter la division à la division».

Un parti unique de la gauche, un «objectif à terme»

Jacques Chirac n’est pas en reste non plus : «Le président sortant, adversaire du gouvernement, a veillé constamment à s’associer à nos réussites mais à se tenir à distance des problèmes et à nous critiquer lorsque nous étions en difficulté en épousant à l’occasion les mécontentements de l’opinion». Opposant déclaré à la politique actuellement menée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, il critique l’action du Premier ministre en matière économique et sociale. «En dehors du champ de l’insécurité où la politique - qu’on l’approuve ou non - est assez claire, l’action du pouvoir apparaît dans la plupart des domaines zigzagante et confuse, même si dans la réalité elle sert toujours les mêmes intérêts». Mais c’est sur la politique menée par Nicolas Sarkozy qu’il est le plus dur : «L’ardeur et l’activisme du ministre de l’Intérieur aidant, cette question occupe une place dominante dans la communication et le dispositif du gouvernement. Elle épouse ainsi une demande de l’opinion qu’elle a d’ailleurs contribué à entretenir». Il se félicite pourtant que ce ministre reprenne «pour l’essentiel» la «démarche raisonnable» qu’il avait conduite pour la Corse lorsqu’il était à la tête du gouvernement, relevant que ce qui avait été «condamné» hier est aujourd’hui exempt de critique.

S’agissant de l’éventuel conflit en Irak, il affirme que la France «ne doit pas participer» à une guerre qui serait «déstabilisante». Mais il se dit également «préoccupé par l’approche des autorités françaises». «La France, écrit-il, n’a pas d’intérêt dans une expédition militaire en Irak et il n’est pas vrai que seuls des principes soient en jeu dans ce conflit». Enfin, Lionel Jospin, dans sa longue tribune, apporte un soutien sans ambiguïté au premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, dans la perspective du prochain congrès du parti, prévu en mai prochain : «L’essentiel aujourd’hui est de veiller à l’entente et à la capacité d’action collective de l’équipe qui dirigera le Parti socialiste après son congrès et de choisir le meilleur premier secrétaire pour l’animer, François Hollande me paraît être celui-là». Quant à la stratégie future du parti, il juge qu’un parti unique de toute la gauche ne peut être «qu’un objectif à terme».



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 31/01/2003