Sénégal
Dakar annule l’accord avec la Suisse sur les expulsions
L'accord dit de transit, signé entre le gouvernement fédéral suisse et le gouvernement du Sénégal le 8 janvier 2003, a été finalement annulé lundi 3 mars par Dakar sous la forte pression de l'opinion publique sénégalaise.
De notre correspondant à Dakar
Un tollé général avait suivi l'annonce de cet accord que le gouvernement sénégalais avait pourtant essayé de présenter à l'opinion comme un geste «humanitaire» à l'égard des ressortissants ouest-africains refoulés de Suisse pour refus de droit d'asile. Dans un communiqué publié lundi 3 mars, le gouvernement du Sénégal tente de présenter ce qui était considéré par l'opinion comme une atteinte grave au droit d'asile et à celui de la libre circulation des personnes et des biens, comme une «fidélité à ses engagements et à son action en faveur de la promotion et de la protection des droits humains».
Soupçonné par l'opinion d'avoir signé cet accord contre des espèces sonnantes, le gouvernement du Sénégal tente de lever les soupçons en déclarant: «c'est par voie de concession unilatérale et sans contrepartie financière ou de quelconque nature que le Sénégal a consenti à la signature de l'accord permettant le retour dans leur pays d'origine de ressortissants ouest-africains, ou d'autres pays d'Afrique n'ayant pas pu bénéficier du statut d'immigrant légal en Suisse». Ironie du sort: alors que le gouvernement du Sénégal voulait par cet accord «éviter la charterisation» du rapatriement, c'est le jour même où la France rapatriait par charter justement 24 Sénégalais et 30 Ivoiriens que le président Wade a finalement enterré cet «accord de la honte» comme le qualifiaient les organisations de défense des droits de l'homme.
La Radho (Rencontre africaine des droits de l'Homme), très active dans la défense des droits humains au Sénégal juge «scandaleux que la France revienne à la politique de charterisation qui enfreint le droit international. Nous assistons à des expulsions de masse qui ne laisse aucune possibilité au traitement individualisé des dossiers des candidats à l'immigration». Pour l'ancien ministre socialiste Pape Babacar Mbaye, «c'est une honte [les expulsions de lundi] pour le Sénégal et l'Afrique alors que le sommet France-Afrique vient juste de prendre fin».
Le retour des charters
Du reste, dans les pays sud sahariens grands pourvoyeurs d'émigrés comme le Mali, le Sénégal ou la Mauritanie, le voyage récent du ministre français de l'Intérieur, Sarkozy au Mali annonce la reprise des «charters» à la Pasqua des années 90, qui va alterner la carotte (prime de 7 000 euros pour le retour volontaire) et le bâton des charters. Il n'est pas exclu que sous la pression des organisations de défense des droits de l'homme, comme le suggère déjà la Radho, qu'une forte pression soit faite sur la Cedeao, «pour revoir les relations Nord-Sud» pour mettre fin à la politique des charters et éviter que ne se développe en Afrique, notamment dans les pays d'immigration, «un sentiment antifrançais comme en Côte d'ivoire il y a quelques semaines».
Le ridicule dans l'accord mort-né entre le Sénégal et la Suisse, c'est que Dakar n'avait pas compris qu'on voulait faire de lui «un pays indicateur» quand le directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères sénégalais, Cheikh Tidiane Thiam, définissait ainsi naïvement dans un quotidien de la place le contenu de l'accord: «si la Suisse ne parvient pas à identifier une personne en situation irrégulière, elle peut nous saisir d'une demande de transit et de recherche...En cas de besoin de confirmation, de recherches complémentaires, la Suisse saisit le Sénégal. Si notre pays répond positivement et accepte de le faire, il va entreprendre des recherches pour identifier cet individu avec la collaboration des représentations diplomatiques». En un mot, une sorte d'Interpol africaine au service des pays européens en bute à l'immigration clandestine. C'est un projet contesté qui vient de mourir au Sénégal, qui se voulait précurseur dans le «retour plus humain» des immigrés.
Un tollé général avait suivi l'annonce de cet accord que le gouvernement sénégalais avait pourtant essayé de présenter à l'opinion comme un geste «humanitaire» à l'égard des ressortissants ouest-africains refoulés de Suisse pour refus de droit d'asile. Dans un communiqué publié lundi 3 mars, le gouvernement du Sénégal tente de présenter ce qui était considéré par l'opinion comme une atteinte grave au droit d'asile et à celui de la libre circulation des personnes et des biens, comme une «fidélité à ses engagements et à son action en faveur de la promotion et de la protection des droits humains».
Soupçonné par l'opinion d'avoir signé cet accord contre des espèces sonnantes, le gouvernement du Sénégal tente de lever les soupçons en déclarant: «c'est par voie de concession unilatérale et sans contrepartie financière ou de quelconque nature que le Sénégal a consenti à la signature de l'accord permettant le retour dans leur pays d'origine de ressortissants ouest-africains, ou d'autres pays d'Afrique n'ayant pas pu bénéficier du statut d'immigrant légal en Suisse». Ironie du sort: alors que le gouvernement du Sénégal voulait par cet accord «éviter la charterisation» du rapatriement, c'est le jour même où la France rapatriait par charter justement 24 Sénégalais et 30 Ivoiriens que le président Wade a finalement enterré cet «accord de la honte» comme le qualifiaient les organisations de défense des droits de l'homme.
La Radho (Rencontre africaine des droits de l'Homme), très active dans la défense des droits humains au Sénégal juge «scandaleux que la France revienne à la politique de charterisation qui enfreint le droit international. Nous assistons à des expulsions de masse qui ne laisse aucune possibilité au traitement individualisé des dossiers des candidats à l'immigration». Pour l'ancien ministre socialiste Pape Babacar Mbaye, «c'est une honte [les expulsions de lundi] pour le Sénégal et l'Afrique alors que le sommet France-Afrique vient juste de prendre fin».
Le retour des charters
Du reste, dans les pays sud sahariens grands pourvoyeurs d'émigrés comme le Mali, le Sénégal ou la Mauritanie, le voyage récent du ministre français de l'Intérieur, Sarkozy au Mali annonce la reprise des «charters» à la Pasqua des années 90, qui va alterner la carotte (prime de 7 000 euros pour le retour volontaire) et le bâton des charters. Il n'est pas exclu que sous la pression des organisations de défense des droits de l'homme, comme le suggère déjà la Radho, qu'une forte pression soit faite sur la Cedeao, «pour revoir les relations Nord-Sud» pour mettre fin à la politique des charters et éviter que ne se développe en Afrique, notamment dans les pays d'immigration, «un sentiment antifrançais comme en Côte d'ivoire il y a quelques semaines».
Le ridicule dans l'accord mort-né entre le Sénégal et la Suisse, c'est que Dakar n'avait pas compris qu'on voulait faire de lui «un pays indicateur» quand le directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères sénégalais, Cheikh Tidiane Thiam, définissait ainsi naïvement dans un quotidien de la place le contenu de l'accord: «si la Suisse ne parvient pas à identifier une personne en situation irrégulière, elle peut nous saisir d'une demande de transit et de recherche...En cas de besoin de confirmation, de recherches complémentaires, la Suisse saisit le Sénégal. Si notre pays répond positivement et accepte de le faire, il va entreprendre des recherches pour identifier cet individu avec la collaboration des représentations diplomatiques». En un mot, une sorte d'Interpol africaine au service des pays européens en bute à l'immigration clandestine. C'est un projet contesté qui vient de mourir au Sénégal, qui se voulait précurseur dans le «retour plus humain» des immigrés.
par Demba Ndiaye
Article publié le 04/03/2003