Centrafrique
Défis militaire et économique
Une centaine de soldats tchadiens sont arrivés mercredi à Bangui en renfort de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC), conformément aux vœux du général Bozizé. Mais dans la capitale centrafricaine, les banques restaient fermées en attendant des garanties de sécurité.
Toute la journée de mercredi, sociétés parapubliques et administrations se sont succédées sur les antennes de la radio nationale pour appeler les Centrafricains à reprendre le travail ce jeudi matin. Mais en dehors des marchés et des taxis, la vie fonctionnait encore au ralenti mercredi à Bangui où depuis mardi soir les forces de la CEMAC effectue des patrouilles mixtes avec des hommes du général Bozizé. Sur les quelque 300 ressortissants étrangers évacués de la capitale centrafricaine depuis dimanche, une centaine sont arrivés mercredi matin à Paris où ils décrivent une «mise à sac» en règle de Bangui, à commencer, disent-ils par les villas et les magasins, et des ministères brûlés.
Bangui, jadis «La Coquette» est aujourd’hui ruinée. Pire encore, de mutinerie à répétition en putsch ratés puis réussi, ce sont les dernières bribes d’un capital confiance indispensable à l’aide extérieure qui se sont envolées depuis le début des années quatre-vingt-dix. Le général Bozizé prend la tête d’un pays en faillite économique, un Etat avec «une administration dépotoir» pour les parents des dirigeants et une «armée divisée par une politique d’exclusion et de tribalisme», comme il l’a dit lui-même dimanche soir dans son discours à la Nation. Et pour sécuriser et reconstruire, le général-président Bozizé n’a d’autre recours qu’extérieurs.
Avec ses diamants, son uranium, son or, son bois, son coton, son café et même son pétrole, la Centrafrique ne manquent pas de richesses naturelles enviables. Mais un gouffre sépare leur exploitation -aléatoire- des recettes de l’Etat. Aujourd’hui encore, plus de 80% des quelques quatre millions de Centrafricains vivent d’une agriculture de subsistance qui leur donne une espérance de vie en moyenne inférieure à 45 ans, Sida compris, puisque ce fléau atteint le taux de prévalence record de 13,9% de la population. Bozizé lui-même dresse l’amer constat des «hôpitaux mouroirs» et des «écoles devenues la honte de la Nation». Quant à la fonction publique, en janvier 2002, certains de ses employés attendaient déjà le paiement de 14 mois d’arriérés dus sous Kolingba et cumulés avec 16 mois sous Patasse.
La dette extérieure centrafricaine s’élève à 872 millions de dollars (dernier chiffre de la Banque mondiale en 2000). Ange-Félix Patassé espérait de l’argent frais après les premières élections démocratiques qui l’ont amené au pouvoir en 1993. La Banque mondiale avait concédé de modestes crédits en 1998 et un prêt de dix millions de dollars était attendu en novembre dernier. Entre temps, l’instabilité persistante a découragé les bailleurs de fonds. Alors, dimanche, dès son premier discours, le général Bozizé s’est déclaré prêt à l’austérité et à «l’orthodoxie financière et administrative» nécessaires pour renouer au plus vite avec les institutions de Bretton Woods.
«Une véritable poudrière»
Pour désarmer aussi, le général Bozizé a besoin des bailleurs de fonds. «La Centrafrique est désormais une véritable poudrière», dit-il. Les armes plus ou moins légères ont proliféré dans tout le pays. Régulièrement, des revendications politiques ont succédé aux réclamations corporatistes de militaires en mal de solde ou de carrière. Le général Bozizé lui-même a partagé deux décennies durant le destin d’Ange-Félix Patasse, exilé comme lui sous l’ex-président Kolingba. Chef d’état-major déchu par Patasse en octobre 2001, il en aura finalement été le tombeur, à la grande satisfaction du Tchadien Idriss Déby et en dépit des efforts du rebelle Congolais, Jean-Pierre Bemba et du Libyen Kadhafi.
Idriss Deby n’a pas attendu le sommet des chefs d’Etat de la CEMAC pour dépêcher dès mercredi matin un contingent d’une centaine d’hommes à Bangui en renfort de la force africaine. Il invoque les exactions du régime Patasse contre ses compatriotes installés en Centrafrique. Le voilà en tout cas débarrassé d’Abdoulaye Miskine passé directement de la rébellion tchadienne aux services d’Ange-Félix Patasse comme colonel dans l’armée centrafricaine. Et puis avec Bozizé, Idriss Déby sera plus tranquille sur sa frontière sud où sévissent les rebelles du Comité de sursaut national pour la paix et le développement, le CSNPD de Moïse Ketté. En revanche, le chef du Mouvement de libération du Congo, Jean-Pierre Bemba perd son ouverture centrafricaine et en particulier ses facilités pour exporter les diamants congolais. Il accuse Kinshasa d’appuyer militairement Bozizé. Kinshasa dément.
Bozizé garde l’œil sur la frontière. Il faudra la tenir. Il faudra aussi donner de quoi garder le sourire aux soldats gouvernementaux, état-major compris qui se sont déjà rangés derrière lui. Pour sa part, Washington a suspendu son programme de formation d’officiers centrafricains aux Etat-Unis. Une aide directe de 700 000 dollars promise à Patasse est également renvoyée à plus tard. De son côté Paris annonce que les troupes française resteront à Bangui jusqu’à ce que la situation soit stabilisée et éclaircie. Ange-Félix Patasse soulève peu de regrets malgré les protestations de rigueur contre le coup d’Etat. Mais François Bozizé doit encore faire ses preuves.
Bangui, jadis «La Coquette» est aujourd’hui ruinée. Pire encore, de mutinerie à répétition en putsch ratés puis réussi, ce sont les dernières bribes d’un capital confiance indispensable à l’aide extérieure qui se sont envolées depuis le début des années quatre-vingt-dix. Le général Bozizé prend la tête d’un pays en faillite économique, un Etat avec «une administration dépotoir» pour les parents des dirigeants et une «armée divisée par une politique d’exclusion et de tribalisme», comme il l’a dit lui-même dimanche soir dans son discours à la Nation. Et pour sécuriser et reconstruire, le général-président Bozizé n’a d’autre recours qu’extérieurs.
Avec ses diamants, son uranium, son or, son bois, son coton, son café et même son pétrole, la Centrafrique ne manquent pas de richesses naturelles enviables. Mais un gouffre sépare leur exploitation -aléatoire- des recettes de l’Etat. Aujourd’hui encore, plus de 80% des quelques quatre millions de Centrafricains vivent d’une agriculture de subsistance qui leur donne une espérance de vie en moyenne inférieure à 45 ans, Sida compris, puisque ce fléau atteint le taux de prévalence record de 13,9% de la population. Bozizé lui-même dresse l’amer constat des «hôpitaux mouroirs» et des «écoles devenues la honte de la Nation». Quant à la fonction publique, en janvier 2002, certains de ses employés attendaient déjà le paiement de 14 mois d’arriérés dus sous Kolingba et cumulés avec 16 mois sous Patasse.
La dette extérieure centrafricaine s’élève à 872 millions de dollars (dernier chiffre de la Banque mondiale en 2000). Ange-Félix Patassé espérait de l’argent frais après les premières élections démocratiques qui l’ont amené au pouvoir en 1993. La Banque mondiale avait concédé de modestes crédits en 1998 et un prêt de dix millions de dollars était attendu en novembre dernier. Entre temps, l’instabilité persistante a découragé les bailleurs de fonds. Alors, dimanche, dès son premier discours, le général Bozizé s’est déclaré prêt à l’austérité et à «l’orthodoxie financière et administrative» nécessaires pour renouer au plus vite avec les institutions de Bretton Woods.
«Une véritable poudrière»
Pour désarmer aussi, le général Bozizé a besoin des bailleurs de fonds. «La Centrafrique est désormais une véritable poudrière», dit-il. Les armes plus ou moins légères ont proliféré dans tout le pays. Régulièrement, des revendications politiques ont succédé aux réclamations corporatistes de militaires en mal de solde ou de carrière. Le général Bozizé lui-même a partagé deux décennies durant le destin d’Ange-Félix Patasse, exilé comme lui sous l’ex-président Kolingba. Chef d’état-major déchu par Patasse en octobre 2001, il en aura finalement été le tombeur, à la grande satisfaction du Tchadien Idriss Déby et en dépit des efforts du rebelle Congolais, Jean-Pierre Bemba et du Libyen Kadhafi.
Idriss Deby n’a pas attendu le sommet des chefs d’Etat de la CEMAC pour dépêcher dès mercredi matin un contingent d’une centaine d’hommes à Bangui en renfort de la force africaine. Il invoque les exactions du régime Patasse contre ses compatriotes installés en Centrafrique. Le voilà en tout cas débarrassé d’Abdoulaye Miskine passé directement de la rébellion tchadienne aux services d’Ange-Félix Patasse comme colonel dans l’armée centrafricaine. Et puis avec Bozizé, Idriss Déby sera plus tranquille sur sa frontière sud où sévissent les rebelles du Comité de sursaut national pour la paix et le développement, le CSNPD de Moïse Ketté. En revanche, le chef du Mouvement de libération du Congo, Jean-Pierre Bemba perd son ouverture centrafricaine et en particulier ses facilités pour exporter les diamants congolais. Il accuse Kinshasa d’appuyer militairement Bozizé. Kinshasa dément.
Bozizé garde l’œil sur la frontière. Il faudra la tenir. Il faudra aussi donner de quoi garder le sourire aux soldats gouvernementaux, état-major compris qui se sont déjà rangés derrière lui. Pour sa part, Washington a suspendu son programme de formation d’officiers centrafricains aux Etat-Unis. Une aide directe de 700 000 dollars promise à Patasse est également renvoyée à plus tard. De son côté Paris annonce que les troupes française resteront à Bangui jusqu’à ce que la situation soit stabilisée et éclaircie. Ange-Félix Patasse soulève peu de regrets malgré les protestations de rigueur contre le coup d’Etat. Mais François Bozizé doit encore faire ses preuves.
par Monique Mas
Article publié le 19/03/2003