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Bosnie

Funérailles des victimes de Srebrenica huit ans après

Les quelques 7 500 Bosniaques massacrés en juillet 1995, lors de la chute de l’enclave de Srebrenica, vont cesser d’être des morts anonymes. Les restes de 600 d’entre eux, récemment identifiés, sont ensevelis ce lundi dans le mémorial de Potocari.
De notre correspondant dans les Balkans

Lorsque les forces serbes du général Mladic envahissent Srebrenica, le 13 juillet 1995, toute la population est déportée vers les territoires contrôlés par le gouvernement bosniaque de Sarajevo, et quasiment tous les hommes âgés de 16 à 60 sont entraînés vers une mort certaine. On évalue le nombre total des victimes à 7 500 personnes. Il s’agit du plus important massacre commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ils seront massacrés dans les alentours de Srebrenica, notamment à Nova Kasaba. Une colonne qui a tenté de fuir Srebrenica est vite disloquée par les forces serbes qui tendent des embuscades, et de petits groupes de Bosniaques sont fusillés dans les collines de l’est de la Bosnie, à Bratunac ou à Vlasenica. Depuis, les corps ont peu à peu été exhumés des fosses communes.

La Commission internationale pour les personnes disparues, créée en 1996, a pour but de faciliter l’identification des victimes, réclamées par les associations des parents de victimes, qui sont toujours, depuis près de huit ans, dans l’impossibilité de faire leur deuil des êtres chers.

En combinant les techniques traditionnelles et la technique des tests ADN, les scientifiques de la commission essaient d'identifier les victimes en comparant les échantillons d'os et les échantillons de sang donnés par des proches des personnes disparues.

Tests ADN

Une fois que l'identité a été établie par le test ADN et confirmé par d'autres preuves, comme l'âge, le sexe, les caractéristiques physiques et les vêtements, la Commission peut demander un certificat de décès aux autorités locales et les restes peuvent alors être remis aux familles.

Quelque 4 500 sacs mortuaires sont toujours déposés à la morgue principale de Tuzla, en Bosnie centrale, où s’effectuent les test ADN, mais la commission ne veut pas conclure que ces restes correspondant précisément aux 4500 personnes encore portées disparues, car ces sacs contiennent parfois des morceaux de corps disloqués et mélangés les uns aux autres.

Même si certains parents de victimes ont toujours des réticences à effectuer les tests qui permettront d’identifier formellement les disparus, des associations comme les Mères de Srebrenica ont accepté de s’engager dans ce combat pour la vérité.

À travers toute l’ex-Yougoslavie, plus de 40 000 personnes sont toujours portées disparues, et cette question représente un leitmotiv des débats politiques, empêchant non seulement le travail de deuil des familles mais aussi la nécessaire réconciliation entre les communautés.

L’enterrement des 600 premières victimes identifiées de Srebrenica constitue donc un tournant crucial dans cette question des disparus. Les victimes doivent être enterrées, selon le rite musulman, dans un immense mémorial en cours de construction à Potocari. C’est dans ce faubourg de Srebrenica que se trouvait le quartier-général des Casques bleus hollandais qui était censés protéger l’enclave. C’est également là que les forces serbes ont procédé au «tri» entre les femmes, les enfants et les vieillards qui devaient être déportés en Bosnie centrale, et les hommes promis au peloton d’exécution.

Le mémorial, en cours d’achèvement, couvrira une superficie de près de 45 000 mètres carrés, et il devrait accueillir, à terme, toutes les victimes identifiées.

Depuis la fin de la guerre, Srebrenica fait partie de la Republika Srpska, l’entité serbe de Bosnie, mais quelques centaines de Bosniaques sont revenus vivre dans la petite ville depuis un an ou deux. En juillet dernier, une mosquée a même été reconstruite, mais les habitants serbes de la région continuent pourtant, pour la plupart, à nier l’épouvantable massacre qui a été commis en juillet 1995.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 31/03/2003