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Guerre en Irak

Les symboles du pouvoir tombent

Les forces américaines sont entrées dans Bagdad, après d’intenses combats le lundi 7 avril. Aux premières heures de la matinée, elles ont enfoncé les lignes de défense irakiens avant d’investir quelques points symboliques du pouvoir. Au sud du pays, à Bassorah, les troupes britanniques disent avoir pris la ville, mais des résistances, qui ressemblent à des barouds d’honneur, continuent de transformer la deuxième ville d’Irak en un vaste champ de bataille. Mais loin du terrain des combats, Tony Blair accueille George Bush pour parler de l’après Saddam Hussein.
Outre les bombardements qui ont repris de plus belle en fin de soirée le 7 avril sur Bagdad, l’information du jour aura été la prise de plusieurs palais présidentiels à Bagdad. Selon le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld «il est évident que Saddam Hussein ne contrôle plus grand chose dans son pays». Les incursions dans la capitale irakienne marquent un tournant dans la guerre que les autorités américaines ont présenté comme un avertissement au pouvoir irakien. Elles réclament la capitulation du régime et font la «démonstration que les forces américano-britannique peuvent frapper n’importe où et quand elles le souhaitent» précisent l’état-major militaire de la coalition. Au fur et à mesure de l’évolution sur le terrain, la stratégie des forces américano-britanniques se précise. Elles veulent toucher le pouvoir irakien en son cœur pour le faire capituler.

On avait prédit une résistance farouche de la garde républicaine irakienne pour défendre la capitale, mais le 7 avril, les Américains étaient surpris d’affronter une relative faible défense irakienne. En effet 19 jours de bombardements sans discontinuer ont forcément affaibli l’armée irakienne, dont les stratèges auraient visiblement fait le choix «d’accueillir» les Américains dans une guérilla urbaine à Bagdad. Dans une cité de plus de 5 millions de personnes, les Irakiens ont misé sur la connaissance du terrain pour contester aux Américains la maîtrise du terrain. Ce piège semble être bien perçu par les alliés qui investissent les principales artères de Bagdad, envahissent le quartier administratif, celui des ministères et prennent les palais présidentiels de Saddam Hussein. Des images prises à l’intérieur des palais sont diffusées pour bien affirmer la chute de ces symboles du pouvoir de Saddam Hussein. Le faste des décorations intérieures, les robinetteries en or, les murs de marbre filmés avec la permission des militaires américains ont tout de même révélé qu’il n’y avait pas eu de combat à l’intérieur des bâtiments. La netteté et le rangement des mobiliers ont aussi montré qu’il n’y avait pas traces de vie récentes dans ces palais. Les images largement diffusées sur la prise des palais présidentiels n’ont pas non plus montré des bâtisses en ruine alors qu’elles sont sensées avoir été bombardées jour et nuit par l’aviation américaine.

A Bassorah un autre palais présidentiel est tombé, cette fois, aux mains des Britanniques qui avaient embarqué avec eux un journaliste, improvisé en guide touristique dont les images ont été abondamment diffusées par les télévisions britanniques. Mais les faits les plus marquants dans la métropole du sud de l’Irak sont les scènes de pillages auxquelles les populations se livrent dans les bâtiments et autre université passés sous contrôle britannique. Les officiers britanniques ont promis de rétablir l’ordre. En attendant, quelques soldats irakiens mènent encore des résistances sporadiques par des combats de rue. A plusieurs endroits de cette ville, traditionnellement opposée à Saddam Hussein, ce sont les effigies géantes du Raïs qui sont détruites où souillées. Gestes appréciés par les soldats britanniques qui restent néanmoins vigilants et affirment contrôler les 80% de la ville. A Bagdad, Bassorah ou Kerbala les combats ont fait rage mais les bilans sont contradictoires. L’avancée réelle des alliés sur le terrain est toutefois contestée par les autorités irakiennes qui diffusent à la télévision nationale des images de Saddam Hussein présidant une réunion d’état-major.

«Pas de découvertes extraordinaires, nous cherchons toujours»

Dans les points quotidiens des états-majors à Washington et à Londres, c’est la déclaration du ministre britannique de la Défense, Geoff Hoon, qui a retenu l’attention de la presse. Il a, en effet, déclaré que «les forces américano-britanniques ont des fait d’intéressantes découvertes qui sont actuellement à l’étude», faisant allusion à des sites abritant des armes de destruction massive. Mais en début de soirée, les autorités militaires américaines ont avoué n’avoir pas fait «de découvertes extraordinaires, nous cherchons toujours» précisent-elles. L’information reprise par les politiques semble un peu hâtive dans la mesure où les découvertes signalées par les militaires, en début de journée ont trait en fait à la découverte d’usine de fabrication de pesticides. Sur la route de Bagdad, rapporte l’AFP, le lieutenant-colonel Fred Padilla a fait ôter aux 20 000 hommes du 1er bataillon de marines qu’il commande, leurs combinaisons de protection anti-chimique «le risque d’une attaque irakienne chimique ou biologique étant considéré comme moins sérieux».

Sur le plan sanitaire la situation est très préoccupante selon les organisations humanitaires. Dans les hôpitaux les médecins commencent par manquer de matériels et d’anesthésiants. La Croix rouge tire la sonnette d’alarme. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint un risque d’épidémie de choléra et de maladies respiratoires. La porte-parole de l’OMS, Mélanie Zipperer, affirme avoir déjà fait la demande d’ouverture «d’un corridor humanitaire pour accéder aux populations touchées» par les pénuries diverses. Elle affirme que les stocks de l’organisation en Jordanie, en Syrie, en Turquie et au Koweït pourraient aider à parer au plus urgent.

Sur le plan diplomatique George Bush et son allié Tony Blair se sont rencontrés en soirée le 7 avril à Belfast pour parler de l’après Saddam Hussein en Irak. On sait la divergence de point de vu qui existe entre les deux hommes sur le sujet, mais leur entourage estime que la presse exagère et que «les points de vu allaient bientôt se rejoindre». Tony Blair qui paie le prix fort en terme de retombées négatives sur le plan de la politique intérieure britannique espère redorer son blason en accordant à l’ONU une place centrale dans l’administration et la reconstruction de l’Irak. George Bush lui, ne voit qu’un rôle humanitaire à consentir à l’ONU. Son administration a déjà établi un plan de gestion intérimaire du pays. Autrement dit l’Irak sera placé sous protectorat, et pour combien de temps ? L’administration Bush n’avance aucune date, mais le secrétaire d’Etat Colin Powell annonce que des experts américains quitteront Washington cette semaine pour «établir les jalons de l’administration provisoire en Irak» et que «l’OTAN pourrait également tenir un rôle dans la pacification du pays après la fin de la guerre». Les Américains jugent néanmoins une certaine implication de l’ONU nécessaire car elle servirait à légitimer «la future administration en Irak».



par Didier  Samson

Article publié le 07/04/2003