Défense
Mini-sommet aux objectifs limités
A l’initiative de la Belgique se tient mardi à Bruxelles un sommet consacré à la défense européenne auquel participeront également la France, l’Allemagne et le Luxembourg. L’objectif est de créer un «noyau dur» chargé de jeter les bases d’un projet commun. Mais la réunion s’inscrit dans un contexte de tension transatlantique à laquelle s’ajoute la difficulté des européens à se doter d’une véritable industrie de défense sinon commune, du moins cohérente.
La réunion des Quatre va se dérouler dans un climat politique et économique particulièrement défavorable en raison de la situation internationale et des difficultés que rencontrent les industriels européens de l'armement. Les Américains sortent en effet militairement victorieux d'une guerre pour laquelle ils ont également eu à affronter leurs propres alliés sur la scène diplomatique. Et ce sont ces Quatre mêmes alliés qui, mardi, se retrouvent à Bruxelles afin de relancer une politique commune de défense, dont les derniers événements internationaux, et leurs développements diplomatiques, montrent qu'elle est un outil indispensable de souveraineté dans le dispositif de construction communautaire.
Dans le contexte actuel, nul ne peut donc manquer d'établir un lien entre la volonté de donner une impulsion à la politique européenne de défense et la détérioration des relations entre Washington et les Quatre qui ont mené une opposition acharnée, notamment à l’ONU et au sein de l’alliance Atlantique, pour faire obstacle à la nouvelle doctrine américaine de guerre préventive. Aussi, bien que les trois partenaires de la France ne disposent pas (loin de là) d’une puissance militaire significative et de nature à bouleverser le rapport des forces militaro-diplomatiques, l’initiative de la «bande des Quatre» et le moment choisie pour se rencontrer ne peuvent que susciter l’agacement de la part de Washington et ses alliés et renforcer l’impression d’une volonté de prendre davantage de distance encore à l’égard de l’axe transatlantique en général, et de l’OTAN en particulier. Surtout qu’aucun des autres membres de l’Union n’a été invité à participer à la rencontre et qu’une politique commune de défense digne de ce nom ne verra pas le jour sans un nombre significatif de partenaires européens, et notamment pas sans le poids lourd britannique, indéfectible allié de Washington.
Pourtant, dans un entretien publié lundi par le journal Le Monde, le Premier ministre belge souligne le caractère «atlantiste» que devrait, selon lui, revêtir la construction de l’Europe militaire. «Les Américains ont tort de considérer l’affirmation de nos opinions comme un acte hostile», déclare Guy Verhofstadt qui envisage une défense commune comme «un pilier européen au sein de l’OTAN».
Des moteurs américains pour l’Airbus militaire européen ?
L’objectif est évidemment politique. Les États-Unis viennent d’infliger au monde entier la démonstration que seule une véritable indépendance militaire est en mesure d’assurer la liberté de choisir ses amis et ses ennemis. Ainsi, à travers cette recherche de puissance et de cohésion, les Européens veulent eux aussi se donner les moyens d’une politique étrangère commune. «La défense européenne n’est pas une garantie pour une politique cohérente et commune des affaires étrangères, mais c’est une condition préalable», souligne le chef du gouvernement belge.
L’autre obstacle majeur à la réalisation d’une politique de défense réside dans la difficulté de l’Europe à se doter d’une industrie d’armement au service d’une ambition commune. Les compétences et le savoir-faire existent mais s’exercent encore de manière trop dispersée et demeurent marqués par le souci de préserver les industries nationales au détriment du projet communautaire. Entre protectionnisme et souveraineté, les affaires diplomatique et militaire demeurent des affaires d’État.
Pourtant des initiatives ont été prises avec la création de grands groupes européens à vocation mondiale tels que EADS (european aronautic defense and space company), Thales et BAE Systems. Lundi soir, à la veille du sommet de Bruxelles, les responsables des ces trois entreprises appelaient les autorités politiques à renforcer ces synergies européennes en créant une Agence européenne d’armement et de recherche stratégique qui «serait en charge des processus conjoints de recherche, de développement et d’acquisition». Selon eux, «la base technologique et industrielle de défense en Europe devrait être un critère de sélection aussi explicite qu’il l’est aux États-Unis vis-à-vis de leur propre industrie». Un débat d’une actualité brûlante alors que ces prochains jours doit être choisi qui de l’européen Snecma/Rolls Royce ou de l’américain Pratt et Whitney équipera le futur avion-cargo de transport militaire A400M d’Airbus.
En tout état de cause il faudra consentir de douloureux efforts financiers. Alors que les États-Unis investissent près d’un milliard de dollars par jour dans leur défense, seuls les Britanniques, parmi les Européens, manifestent véritablement le souci de maintenir leurs forces armées «à niveau». «Ce qui manque à présent, c’est l’engagement d’aboutir à des résultats», notent les grands marchands d’armes européens. Question de volonté politique, également. Mardi à Bruxelles, Javier Solana, le haut représentant pour l’Union de la Politique étrangère et de sécurité commune et ancien secrétaire général de l’OTAN ne participera pas au sommet des Quatre.
Ecouter également l'invité Europe : Antonio Missiroli
Chercheur à l'Institut d'études et de sécurité. Il est interrogé par Dominique de Courcelles.
Ecouter également : Paul Quilès
Ancien Ministre socialiste de la défense, ancien président de la commission de défense à l'assemblée nationale. Il est interrogé sur le mini sommet de la défense européenne qui se déroule à Bruxelles.
Dans le contexte actuel, nul ne peut donc manquer d'établir un lien entre la volonté de donner une impulsion à la politique européenne de défense et la détérioration des relations entre Washington et les Quatre qui ont mené une opposition acharnée, notamment à l’ONU et au sein de l’alliance Atlantique, pour faire obstacle à la nouvelle doctrine américaine de guerre préventive. Aussi, bien que les trois partenaires de la France ne disposent pas (loin de là) d’une puissance militaire significative et de nature à bouleverser le rapport des forces militaro-diplomatiques, l’initiative de la «bande des Quatre» et le moment choisie pour se rencontrer ne peuvent que susciter l’agacement de la part de Washington et ses alliés et renforcer l’impression d’une volonté de prendre davantage de distance encore à l’égard de l’axe transatlantique en général, et de l’OTAN en particulier. Surtout qu’aucun des autres membres de l’Union n’a été invité à participer à la rencontre et qu’une politique commune de défense digne de ce nom ne verra pas le jour sans un nombre significatif de partenaires européens, et notamment pas sans le poids lourd britannique, indéfectible allié de Washington.
Pourtant, dans un entretien publié lundi par le journal Le Monde, le Premier ministre belge souligne le caractère «atlantiste» que devrait, selon lui, revêtir la construction de l’Europe militaire. «Les Américains ont tort de considérer l’affirmation de nos opinions comme un acte hostile», déclare Guy Verhofstadt qui envisage une défense commune comme «un pilier européen au sein de l’OTAN».
Des moteurs américains pour l’Airbus militaire européen ?
L’objectif est évidemment politique. Les États-Unis viennent d’infliger au monde entier la démonstration que seule une véritable indépendance militaire est en mesure d’assurer la liberté de choisir ses amis et ses ennemis. Ainsi, à travers cette recherche de puissance et de cohésion, les Européens veulent eux aussi se donner les moyens d’une politique étrangère commune. «La défense européenne n’est pas une garantie pour une politique cohérente et commune des affaires étrangères, mais c’est une condition préalable», souligne le chef du gouvernement belge.
L’autre obstacle majeur à la réalisation d’une politique de défense réside dans la difficulté de l’Europe à se doter d’une industrie d’armement au service d’une ambition commune. Les compétences et le savoir-faire existent mais s’exercent encore de manière trop dispersée et demeurent marqués par le souci de préserver les industries nationales au détriment du projet communautaire. Entre protectionnisme et souveraineté, les affaires diplomatique et militaire demeurent des affaires d’État.
Pourtant des initiatives ont été prises avec la création de grands groupes européens à vocation mondiale tels que EADS (european aronautic defense and space company), Thales et BAE Systems. Lundi soir, à la veille du sommet de Bruxelles, les responsables des ces trois entreprises appelaient les autorités politiques à renforcer ces synergies européennes en créant une Agence européenne d’armement et de recherche stratégique qui «serait en charge des processus conjoints de recherche, de développement et d’acquisition». Selon eux, «la base technologique et industrielle de défense en Europe devrait être un critère de sélection aussi explicite qu’il l’est aux États-Unis vis-à-vis de leur propre industrie». Un débat d’une actualité brûlante alors que ces prochains jours doit être choisi qui de l’européen Snecma/Rolls Royce ou de l’américain Pratt et Whitney équipera le futur avion-cargo de transport militaire A400M d’Airbus.
En tout état de cause il faudra consentir de douloureux efforts financiers. Alors que les États-Unis investissent près d’un milliard de dollars par jour dans leur défense, seuls les Britanniques, parmi les Européens, manifestent véritablement le souci de maintenir leurs forces armées «à niveau». «Ce qui manque à présent, c’est l’engagement d’aboutir à des résultats», notent les grands marchands d’armes européens. Question de volonté politique, également. Mardi à Bruxelles, Javier Solana, le haut représentant pour l’Union de la Politique étrangère et de sécurité commune et ancien secrétaire général de l’OTAN ne participera pas au sommet des Quatre.
Ecouter également l'invité Europe : Antonio Missiroli
Chercheur à l'Institut d'études et de sécurité. Il est interrogé par Dominique de Courcelles.
Ecouter également : Paul Quilès
Ancien Ministre socialiste de la défense, ancien président de la commission de défense à l'assemblée nationale. Il est interrogé sur le mini sommet de la défense européenne qui se déroule à Bruxelles.
par Georges Abou
Article publié le 28/04/2003