Côte d''Ivoire
L’essentiel se joue à la frontière du Liberia
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) poursuit sa tournée des bailleurs de fonds potentiels pour trouver les 43 millions d’euros destinés à financer son Ecoforce en Côte d’Ivoire pendant le prochain semestre et surtout à lui donner l’efficacité nécessaire en portant ses effectifs de 1 300 à 3 200 hommes. Après Washington et le Conseil de sécurité de l’Onu à New-York, la délégation de la Cedeao est en route pour Bruxelles, capitale de l’Union européenne. Pendant ce temps, Abidjan et Monrovia se concertent sur l’opportunité d’une surveillance conjointe de la frontière ivoiro-libérienne avec le concours de l’Ecoforce et des troupes françaises de l’opération Licorne. L’objectif de cette double bataille, financière et diplomatique, est, ni plus ni moins, de sauver la paix puisqu’il s’agit de mettre fin au désordre militarisé de l’Ouest ivoirien, mais aussi de donner un nouveau destin aux anciens-combattants, dans la vie civile ou dans le cadre de la future armée nationale.
Dans son dernier rapport sur le Liberia publié le 22 avril 2003, le Conseil de sécurité explique que le président Taylor justifie ses importations d’armes par la montée en force de la rébellion des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd) qu’il accuse la Guinée et la Côte d’Ivoire de soutenir. Mais surtout, le Conseil rapporte que pour preuve de l’expulsion (du territoire libérien) des rebelles sierra-léonais du Front uni révolutionnaire (RUF), le ministre libérien des Affaires étrangères cite le consul ivoirien à Monrovia, qui a justement dénoncé la présence active du chef du Ruf, Sam Bockarie, en Côte d’Ivoire. En attendant un hypothétique verrouillage des frontières, l’Ouest ivoirien est ravagé depuis des mois par des groupes armés venus du Liberia ou de Sierra-Leone. Alliés ou adversaires du régime Taylor, ils poursuivent impunément leur chassé-croisé en Côte d’Ivoire où ils se sont renforcés fin 2002 dans le sillage du Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (Mpigo) et du Mouvement pour la justice et la paix (MJP).
Les saute-frontières anglophones n’ont pas été pris en compte dans le cessez-le-feu hâtivement conclu le 8 janvier 2003 avec le MJP et le Mpigo désireux de participer aux discussions inter ivoiriennes de Marcoussis. A fortiori, les porte-fusils venus du Liberia n’apparaissaient pas non plus dans le cessez-le-feu accepté par le MPCI en octobre 2002. Pour les surveillants français et ouest-africains du cessez-le-feu ce sont donc des «incontrôlables» jamais officiellement identifiés et encore moins combattus pour autant qu’ils n’approchent pas des casques blancs. Une guerre de rapines et de règlements de comptes a ainsi pu se poursuivre derrière les lignes de front officielles, gelées par l’accord de paix. Ces «bandes armées» ont servi de prétexte ou de faux-nez aux ex-belligérants ivoiriens jusqu’à ce que ce jeu de poker menteur connaisse une nouvelle donne avec la formation du gouvernement ivoirien de réconciliation nationale.
Réconciliation Gbagbo-Taylor ?
Tandis que les Ivoiriens de tous bords commencent à désavouer leurs alliés du Libéria ou de Sierra Leone– non sans combats mortels entre eux et avec eux – Charles Taylor plaide la légitime défense et voit peut-être même avantage à changer de partenaire. Après tout, le président Houphouët-Boigny et son ancien chef d’état-major, le général-président Robert Gueï – pour ne citer qu’eux – étaient des alliés précieux. Pourquoi ne pas se réconcilier avec Laurent Gbagbo ? L’idée d’une force quadripartite à la frontière ivoiro-libérienne pourrait permettre au bouillant Taylor de redorer son blason international et de mettre une sourdine à son opposition armée qui ne cesse de proliférer, avec encore au nord-est du pays un nouveau mouvement rebelle issu de la mouvance du défunt président Doe et qui pourrait recruter lui aussi en Côte d’Ivoire. Samedi dernier, lors d’une rencontre au Togo, Laurent Gbagbo et Charles Taylor ont convenu de «la nécessité du déploiement immédiat de forces conjointe composées des troupes françaises de l’opération Licorne,des troupes de la Cedeao, des Forces armées ivoiriennes (Fanci) et des Forces armées libériennes (AFL) sur près de 200 kilomètres de Grabo à Gbapleu», c’est-à-dire du côté ivoirien de la partie sud des 700 kilomètres de frontière entre les deux pays, une zone actuellement contrôlée par les Fanci.
Pour sa part, le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan estime fondée la demande de ressources supplémentaires de la Cedeao. Le mois passé, à la suggestion de Paris, Kofi Annan avait même recommandé au Conseil de sécurité d’apporter un renfort à l’Ecoforce et aux 3 900 soldats français avec «une petite opération comprenant des éléments de liaison militaire et d’autres relevant des droits de l’homme, des affaires civiles et des médias». Une Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Minuci) de quelque 255 militaires et civils pour un coût estimé de 27 millions de dollars pour un an. Trop cher pour une structure qui n’aurait pas la stature d’une opération de maintien de la paix avait objecté Washington. La Minuci paraît mort-née le 15 avril. Paris n’a pas relevé ce que certains ont commenté comme un dommage collatéral diplomatique de la guerre en Irak. De son côté, le département d’Etat américain assure que les Etats-Unis «travaillent étroitement avec la France, la Grande-Bretagne et d’autres membres du Conseil de sécurité sur une résolution qui, entre autres, mettrait en place une mission politique en Côte d’Ivoire».
Personne ne nie l’immensité du problème sécuritaire auquel sont confrontés tant l’Ecoforce et les troupes françaises d’une part que d’autre part le tout nouveau gouvernement de réconciliation nationale. Ce dernier peine à pourvoir les fauteuils sensibles de la défense et de la sécurité. Sur ce point, le bras de fer continue entre le président Gbagbo et le principal parti d’opposition non armée, le PDCI de l’ancien président Bedie. Mais pour que ce gouvernement puisse mettre en œuvre le programme politique rédigé à Marcoussis, le retour de la sécurité est fondamental. Or ministres nommés ou pas, les questions sécuritaires lui échappent largement. L’essentiel se joue à la frontière du Liberia mais aussi dans la mission cruciale de l’Ecoforce qui est chargée de l’application du volet militaire de Marcoussis, avec le concours des troupes françaises. Au final, il s’agira en particulier de former une nouvelle armée ivoirienne à partir d’éléments des anciennes forces belligérantes, cantonnées et démobilisées avant sélection et réinsertion dans la vie civile ou militaire. Le moment venu, ce sera un temps d’intenses tiraillements. Mais pour l’heure, c’est mission impossible, ce serait même une tâche incongrue tant que la guerre venue du Liberia se poursuit à l’Ouest.
Les saute-frontières anglophones n’ont pas été pris en compte dans le cessez-le-feu hâtivement conclu le 8 janvier 2003 avec le MJP et le Mpigo désireux de participer aux discussions inter ivoiriennes de Marcoussis. A fortiori, les porte-fusils venus du Liberia n’apparaissaient pas non plus dans le cessez-le-feu accepté par le MPCI en octobre 2002. Pour les surveillants français et ouest-africains du cessez-le-feu ce sont donc des «incontrôlables» jamais officiellement identifiés et encore moins combattus pour autant qu’ils n’approchent pas des casques blancs. Une guerre de rapines et de règlements de comptes a ainsi pu se poursuivre derrière les lignes de front officielles, gelées par l’accord de paix. Ces «bandes armées» ont servi de prétexte ou de faux-nez aux ex-belligérants ivoiriens jusqu’à ce que ce jeu de poker menteur connaisse une nouvelle donne avec la formation du gouvernement ivoirien de réconciliation nationale.
Réconciliation Gbagbo-Taylor ?
Tandis que les Ivoiriens de tous bords commencent à désavouer leurs alliés du Libéria ou de Sierra Leone– non sans combats mortels entre eux et avec eux – Charles Taylor plaide la légitime défense et voit peut-être même avantage à changer de partenaire. Après tout, le président Houphouët-Boigny et son ancien chef d’état-major, le général-président Robert Gueï – pour ne citer qu’eux – étaient des alliés précieux. Pourquoi ne pas se réconcilier avec Laurent Gbagbo ? L’idée d’une force quadripartite à la frontière ivoiro-libérienne pourrait permettre au bouillant Taylor de redorer son blason international et de mettre une sourdine à son opposition armée qui ne cesse de proliférer, avec encore au nord-est du pays un nouveau mouvement rebelle issu de la mouvance du défunt président Doe et qui pourrait recruter lui aussi en Côte d’Ivoire. Samedi dernier, lors d’une rencontre au Togo, Laurent Gbagbo et Charles Taylor ont convenu de «la nécessité du déploiement immédiat de forces conjointe composées des troupes françaises de l’opération Licorne,des troupes de la Cedeao, des Forces armées ivoiriennes (Fanci) et des Forces armées libériennes (AFL) sur près de 200 kilomètres de Grabo à Gbapleu», c’est-à-dire du côté ivoirien de la partie sud des 700 kilomètres de frontière entre les deux pays, une zone actuellement contrôlée par les Fanci.
Pour sa part, le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan estime fondée la demande de ressources supplémentaires de la Cedeao. Le mois passé, à la suggestion de Paris, Kofi Annan avait même recommandé au Conseil de sécurité d’apporter un renfort à l’Ecoforce et aux 3 900 soldats français avec «une petite opération comprenant des éléments de liaison militaire et d’autres relevant des droits de l’homme, des affaires civiles et des médias». Une Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Minuci) de quelque 255 militaires et civils pour un coût estimé de 27 millions de dollars pour un an. Trop cher pour une structure qui n’aurait pas la stature d’une opération de maintien de la paix avait objecté Washington. La Minuci paraît mort-née le 15 avril. Paris n’a pas relevé ce que certains ont commenté comme un dommage collatéral diplomatique de la guerre en Irak. De son côté, le département d’Etat américain assure que les Etats-Unis «travaillent étroitement avec la France, la Grande-Bretagne et d’autres membres du Conseil de sécurité sur une résolution qui, entre autres, mettrait en place une mission politique en Côte d’Ivoire».
Personne ne nie l’immensité du problème sécuritaire auquel sont confrontés tant l’Ecoforce et les troupes françaises d’une part que d’autre part le tout nouveau gouvernement de réconciliation nationale. Ce dernier peine à pourvoir les fauteuils sensibles de la défense et de la sécurité. Sur ce point, le bras de fer continue entre le président Gbagbo et le principal parti d’opposition non armée, le PDCI de l’ancien président Bedie. Mais pour que ce gouvernement puisse mettre en œuvre le programme politique rédigé à Marcoussis, le retour de la sécurité est fondamental. Or ministres nommés ou pas, les questions sécuritaires lui échappent largement. L’essentiel se joue à la frontière du Liberia mais aussi dans la mission cruciale de l’Ecoforce qui est chargée de l’application du volet militaire de Marcoussis, avec le concours des troupes françaises. Au final, il s’agira en particulier de former une nouvelle armée ivoirienne à partir d’éléments des anciennes forces belligérantes, cantonnées et démobilisées avant sélection et réinsertion dans la vie civile ou militaire. Le moment venu, ce sera un temps d’intenses tiraillements. Mais pour l’heure, c’est mission impossible, ce serait même une tâche incongrue tant que la guerre venue du Liberia se poursuit à l’Ouest.
par Monique Mas
Article publié le 30/04/2003 Dernière mise à jour le 29/04/2003 à 22:00 TU