Côte d''Ivoire
Une guerre de plus en plus régionale
Selon un rapport de l’International Crisis Group, le conflit ivoiro-libérien est de plus en plus «imbriqué» : des combattants libériens - ou d’origine libérienne - sont présents chez les «loyalistes» ivoiriens comme chez les rebelles du MPIGO et du MJP. Car «il n’y a plus rien à voler au Libéria» de Charles Taylor !
«L’émergence de deux mouvements rebelles dans l’ouest ivoirien, deux mois après la tentative avortée de coup d’Etat», souligne l’imbrication des conflits au Liberia et en Côte d’Ivoire. Allié de Robert Gueï, Charles Taylor a fortement contribué à la création de ces deux groupes (MPIGO et MJP), à leur entraînement militaire et à leurs armements, surtout après le 19 septembre. De son côté, Laurent Gbagbo a recruté, armé et financé des groupes armés hostiles à Taylor, les utilisants comme supplétifs et leur donnant toute latitude pour attaquer les positions de Charles Taylor à proximité de la frontière commune». Pour Comfort Ero et Anne Marshalll de l’International Crisis Group (ICG), les deux conflits qui ensanglantent le Libéria et la Côte d’Ivoire sont depuis longtemps liés, lit-on dans un rapport intitulé «la guerre ivoirienne de Taylor».
En dépit des difficultés rencontrées pour enquêter sur une région de plus en plus isolée - le Grand Ouest ivoirien et l’est du Libéria -, il apparaît désormais que «les groupes insurgés de l’Ouest ivoirien sont liés au MPCI» de Guillaume Soro et Tuo Fozié, et qu’ils « sont soutenus par des soldats gouvernementaux libériens et d’anciens combattants du RUF » du Sierra Leone. Car, «un certain nombre de combattants jusqu’alors impliqués dans le conflit du fleuve Mano (concernant trois pays : Sierra Leone, Liberia et Guinée) se recyclent désormais dans la guerre ivoirienne, mieux rémunérée». Ce qui a provoqué un «désastre humanitaire» dans toute cette région «du fait de la multiplication des exactions, des tueries et des pillages contre les populations civiles». Un conflit qui «prend de plus en plus la forme d’une guerre ethnique», toujours selon l’ICG.
Que Monrovia et Abidjan interfèrent chacun dans le conflit de l’autre n’est guère surprenant : vers la fin des années 80, le rebelle libérien Charles Taylor est aidé par le président ivoirien Houphouët-Boigny - via son chef d’état-major Robert Gueï - à monter depuis l’Ouest ivoirien sa guerre contre Samuel Doe, le président libérien «coupable» aux yeux d’Houphouët-Boigny d’avoir renversé (et tué) en 1980 son ami le président William Tolbert, ainsi que son fils Adolphus, marié à la filleule d’Houphouët, Désirée Delafosse.
«Au Libéria, il n’y a plus rien à voler !»
Dès le début des années 90 des soldats ivoiriens intègrent les forces rebelles de Taylor (le NPFL), en raison aussi des affinités ethniques entre les combattants de Taylor et les hommes de Gueï (lui même originaire de Man). Une fois arrivé à la tête de l’état, en décembre 1999, Gueï renforce ces liens et bénéficie en retour de l’arrivée de nombreux combattants libériens ou sierra-léonnais, qui sont placés dans une unité d’élite appelée «Brigades Rouges», à Abidjan.
Pour l’ICG, un «pacte» est alors conclu entre Gueï et Taylor : celui-ci s’engage à soutenir Gueï s’il tentait un coup d’état en cas d’échec aux élections présidentielles d’octobre 2000. Et lorsqu’il échoue dans sa tentative d’arrêter le processus électoral et est contraint à s’exiler, Gueï bénéficie très vite de l’aide militaire libérienne. Dès le début 2001, en réalité des rebelles pro-Gueï libériens - mais aussi burkinabé - sont entraînés dans deux camps, en vue du renversement de Gbagbo que Taylor est désormais décidé à provoquer par tous les moyens.
De son côté, l’opposant ivoirien Laurent Gbagbo avait établis dès les années 80 des contacts suivis avec le président Samuel Doe et son entourage, ce qui lui a permis de bien implanter son parti - le FPI . Une fois arrivé au pouvoir, en octobre 2000, Laurent Gbagbo ne manque pas de riposter militairement aux projets de Taylor, en aidant, à la fois financièrement et militairement. les rebelles du LURD (se réclamant toujours de Samuel Doe), basés à cheval sur la frontière ivoiro-libérienne, Apparemment cette aide n’inquiète pas outre mesure Taylor jusqu’à l’automne 2002.
Mais lorsque le LURD commence à prendre des villes, dans le nord-ouest (près de la Guinée) et commence à se manifester aussi à l’est, Taylor riposte à son tour en créant le MPIGO, en lien direct avec les responsables du MPCI, selon l’ICG, dans le but évident de mettre la main sur le caco ivoirien et le port stratégique de San Pédro. «La présence du MPIGO sert également à empêcher des forces rebelles libériennes (du LURD) de rentrer au Libéria. Le 19 février 2003 Félix Doh (MPIGO), Michel Gueu (MPCI) et Garpard Déli (MJP) assistaient à une réunion à Monrovia où étaient aussi présents Benjamin Yeaten, le général ’Eagle’ - chef de l’unité anti-terroriste, et Sam ‘Mosquito’ Bockarie (trois officiers clé de l’entourage de Taylor). Il s’agissait de définir une stratégie pour contrôler l’Ouest et San Pedro de sorte que Taylor puisse avoir accès à tout ce dont il avait besoin», toujours selon l’ICG.
Quant aux forces loyalistes ivoiriennes, ce rapport écrit que «nombre de supplétifs libériens de l’armée gouvernementale ivoirienne appartiennent en fait au LURD, mais il y a aussi d’autres Libériens, en particuliers des réfugié », ayant fui la guerre civile libérienne dans les années 80 et 90. On peut donc parler désormais d’une «composante ivoirienne » du LURD, mise sur pied par des notables krahn qui autrefois occupaient des fonctions importantes dans le gouvernement de Samuel Doe, mais aussi par des «personnalités guéré influentes dans le monde des affaires et des loisirs» de Côte d’Ivoire, qui ont collecté des fonds et armés les rebelles du LURD, «grâce à l’entremise de l’un des responsables du Port autonome d’Abidjan».
Selon des «données convergentes, entre 1 500 et 2 500 Libériens se battent actuellement aux côtés du gouvernement ivoirien», parfois contre d’autres Libériens présents dans les rangs du MPIGO, comme tout récemment lors de la longue bataille de Touépleu (janvier et février 2003). Il s’agit de «main-d’œuvre utile» difficile à identifier, car «ils portent le même uniforme et parlent français pour avoir passé tant d’années sur le sol ivoirien».
La crise ivoirienne «permet aux combattants libériens mal ou pas payés par Taylor de se payer ‘sur la population civile’. Au Libéria, il n’y a plus rien à voler ; en revanche, la Côte d’Ivoire offre de généreuses opportunités ; mais ils sont en concurrence avec de nombreux combattants originaires de Sierra Leone, du Burkina Faso et d’autres pays. Beaucoup de combattants sont des mercenaires, et nombre d’entre eux sont des drogués», conclut ce rapport.
En dépit des difficultés rencontrées pour enquêter sur une région de plus en plus isolée - le Grand Ouest ivoirien et l’est du Libéria -, il apparaît désormais que «les groupes insurgés de l’Ouest ivoirien sont liés au MPCI» de Guillaume Soro et Tuo Fozié, et qu’ils « sont soutenus par des soldats gouvernementaux libériens et d’anciens combattants du RUF » du Sierra Leone. Car, «un certain nombre de combattants jusqu’alors impliqués dans le conflit du fleuve Mano (concernant trois pays : Sierra Leone, Liberia et Guinée) se recyclent désormais dans la guerre ivoirienne, mieux rémunérée». Ce qui a provoqué un «désastre humanitaire» dans toute cette région «du fait de la multiplication des exactions, des tueries et des pillages contre les populations civiles». Un conflit qui «prend de plus en plus la forme d’une guerre ethnique», toujours selon l’ICG.
Que Monrovia et Abidjan interfèrent chacun dans le conflit de l’autre n’est guère surprenant : vers la fin des années 80, le rebelle libérien Charles Taylor est aidé par le président ivoirien Houphouët-Boigny - via son chef d’état-major Robert Gueï - à monter depuis l’Ouest ivoirien sa guerre contre Samuel Doe, le président libérien «coupable» aux yeux d’Houphouët-Boigny d’avoir renversé (et tué) en 1980 son ami le président William Tolbert, ainsi que son fils Adolphus, marié à la filleule d’Houphouët, Désirée Delafosse.
«Au Libéria, il n’y a plus rien à voler !»
Dès le début des années 90 des soldats ivoiriens intègrent les forces rebelles de Taylor (le NPFL), en raison aussi des affinités ethniques entre les combattants de Taylor et les hommes de Gueï (lui même originaire de Man). Une fois arrivé à la tête de l’état, en décembre 1999, Gueï renforce ces liens et bénéficie en retour de l’arrivée de nombreux combattants libériens ou sierra-léonnais, qui sont placés dans une unité d’élite appelée «Brigades Rouges», à Abidjan.
Pour l’ICG, un «pacte» est alors conclu entre Gueï et Taylor : celui-ci s’engage à soutenir Gueï s’il tentait un coup d’état en cas d’échec aux élections présidentielles d’octobre 2000. Et lorsqu’il échoue dans sa tentative d’arrêter le processus électoral et est contraint à s’exiler, Gueï bénéficie très vite de l’aide militaire libérienne. Dès le début 2001, en réalité des rebelles pro-Gueï libériens - mais aussi burkinabé - sont entraînés dans deux camps, en vue du renversement de Gbagbo que Taylor est désormais décidé à provoquer par tous les moyens.
De son côté, l’opposant ivoirien Laurent Gbagbo avait établis dès les années 80 des contacts suivis avec le président Samuel Doe et son entourage, ce qui lui a permis de bien implanter son parti - le FPI . Une fois arrivé au pouvoir, en octobre 2000, Laurent Gbagbo ne manque pas de riposter militairement aux projets de Taylor, en aidant, à la fois financièrement et militairement. les rebelles du LURD (se réclamant toujours de Samuel Doe), basés à cheval sur la frontière ivoiro-libérienne, Apparemment cette aide n’inquiète pas outre mesure Taylor jusqu’à l’automne 2002.
Mais lorsque le LURD commence à prendre des villes, dans le nord-ouest (près de la Guinée) et commence à se manifester aussi à l’est, Taylor riposte à son tour en créant le MPIGO, en lien direct avec les responsables du MPCI, selon l’ICG, dans le but évident de mettre la main sur le caco ivoirien et le port stratégique de San Pédro. «La présence du MPIGO sert également à empêcher des forces rebelles libériennes (du LURD) de rentrer au Libéria. Le 19 février 2003 Félix Doh (MPIGO), Michel Gueu (MPCI) et Garpard Déli (MJP) assistaient à une réunion à Monrovia où étaient aussi présents Benjamin Yeaten, le général ’Eagle’ - chef de l’unité anti-terroriste, et Sam ‘Mosquito’ Bockarie (trois officiers clé de l’entourage de Taylor). Il s’agissait de définir une stratégie pour contrôler l’Ouest et San Pedro de sorte que Taylor puisse avoir accès à tout ce dont il avait besoin», toujours selon l’ICG.
Quant aux forces loyalistes ivoiriennes, ce rapport écrit que «nombre de supplétifs libériens de l’armée gouvernementale ivoirienne appartiennent en fait au LURD, mais il y a aussi d’autres Libériens, en particuliers des réfugié », ayant fui la guerre civile libérienne dans les années 80 et 90. On peut donc parler désormais d’une «composante ivoirienne » du LURD, mise sur pied par des notables krahn qui autrefois occupaient des fonctions importantes dans le gouvernement de Samuel Doe, mais aussi par des «personnalités guéré influentes dans le monde des affaires et des loisirs» de Côte d’Ivoire, qui ont collecté des fonds et armés les rebelles du LURD, «grâce à l’entremise de l’un des responsables du Port autonome d’Abidjan».
Selon des «données convergentes, entre 1 500 et 2 500 Libériens se battent actuellement aux côtés du gouvernement ivoirien», parfois contre d’autres Libériens présents dans les rangs du MPIGO, comme tout récemment lors de la longue bataille de Touépleu (janvier et février 2003). Il s’agit de «main-d’œuvre utile» difficile à identifier, car «ils portent le même uniforme et parlent français pour avoir passé tant d’années sur le sol ivoirien».
La crise ivoirienne «permet aux combattants libériens mal ou pas payés par Taylor de se payer ‘sur la population civile’. Au Libéria, il n’y a plus rien à voler ; en revanche, la Côte d’Ivoire offre de généreuses opportunités ; mais ils sont en concurrence avec de nombreux combattants originaires de Sierra Leone, du Burkina Faso et d’autres pays. Beaucoup de combattants sont des mercenaires, et nombre d’entre eux sont des drogués», conclut ce rapport.
par Elio Comarin
Article publié le 17/04/2003