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Côte d''Ivoire

La transition est mal partie

Tension dans l’ouest, attaques d’hélicoptères, menaces de riposte, suspension de la participation des rebelles au gouvernement de réconciliation nationale et transition, tous les ingrédients sont réunis pour une reprise des hostilités en Côte d’Ivoire. Le comité de suivi de l’accord de Marcoussis appelle au calme.
Les combats à l’ouest de la Côte d’Ivoire, en zone sous contrôle du MPIGO remettent en cause le processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire. Les «Forces nouvelles», (rebelles du MPCI, du MJP et du MPIGO), avaient déjà retardé leur participation au gouvernement de réconciliation nationale parce que, disaient-ils «nous n’avons pas confiance en Laurent Gbagbo». Mais ils ont dû céder aux pressions et invitation du Comité de suivi et leurs ministres ont participé à leur premier conseil des ministres le 3 avril dernier à Yamoussoukro. Cette première étape franchie, il restait la prise effective des fonctions à Abidjan. Les ex-rebelles devenus ministres ont demandé des garanties de sécurité et une protection rapprochée qu’assumeraient leurs propres soldats en collaboration avec les éléments de la force de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Ces exigences n’avaient pas encore obtenu de réponse, lorsqu’aujourd’hui les rebelles trouvent des raisons supplémentaires de ne pas aller à Abidjan.

«Cela fait trois jours que nos positions sont bombardées avec des MI-24, c’est comme si c’était la reprise de la guerre», a déclaré le nouveau ministre d’Etat et de la communication, Guillaume Soro qui est aussi secrétaire général du MPCI. Il juge inacceptable la participation des ministres ex-rebelles au gouvernement de réconciliation nationale alors que les forces gouvernementales mènent des attaques avec des hélicoptères de combat contre les positions rebelles dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Selon le MPCI, ces hélicoptères auraient bombardé à plusieurs reprises dans la journée du 8 avril la ville de Danané faisant de «nombreuses victimes civiles» selon Félix Doh, leader du MPIGO. Il a aussi déclaré qu’aucun ministre issu du MPIGO «ne participera au gouvernement de réconciliation nationale jusqu’à ce que Gbagbo retire ses forces de l’ouest de la Côte d’Ivoire». Tous les mouvements rebelles sont dans la même logique et leurs troupes envisagent des ripostes «imminentes», ce qui se traduirait la rupture des accords de cessation des hostilités, en principe surveillés par des détachements militaires français de l’opération Licorne.

«Les jeunes patriotes» bloquent les routes au nord d’Abidjan

L’état-major des FANCI (forces armées nationales de Côte d’Ivoire) ne conteste pas le décollage des hélicoptères et les raids menés à Danané. Or, Le président Gbagbo s’était engagé, en janvier dernier à Paris, à maintenir au sol les hélicoptères de combats. Les officiers français de l’opération Lircorne se refusent à tout commentaire, alors que les rebelles attendent d’eux la même passivité lorsqu’ils conduiront leurs opérations de riposte. Cette situation extrêmement tendue fait craindre le pire au Comité de suivi de l’accord inter-ivoirien de Marcoussis. Son président et représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, conduit ce 9 avril une délégation composée plusieurs ambassadeurs européens et d’officiers de l’opération Licorne à Danané pour apprécier la «situation sur le terrain». Par ailleurs, le comité de suivi publie un communiqué dans lequel il appelle tous les belligérants à cesser «immédiatement toutes les actions offensives» et invite le pouvoir d’Abidjan «à maintenir au sol ses hélicoptères de combat».

En marge de ce regain de tension, d’autres agissements compromettent la prise de fonction à Abidjan des ministres ex-rebelles. «Les jeunes patriotes» militants nationalistes proches du pouvoir ont bloqué la circulation sur les axes routiers reliant Abidjan à Yamoussoukro et à Bouaké. Ils avaient eu vent que les rebelles emprunteraient ces voies pour descendre à Abidjan alors ils se sont assis sur les voies, sous le regard bienveillant des forces de l’ordre, pour «manifester leur désaccord avec l’entrée des rebelles à Abidjan», a précisé Eugène Djué, un leader de ce mouvement. Ce front du refus de voir des ex-rebelles ministres de la République a trouvé auprès de Simone Gbagbo, l’épouse du président et présidente du groupe parlementaire FPI à l’assemblée, une alliée de premier choix. Elle juge inacceptable de confier des postes ministériels «à des tueurs, des gens sans scrupules, sans foi ni loi, qui ont plongé le pays dans l’abîme».



par Didier  Samson

Article publié le 09/04/2003