Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Islam en France

Nicolas Sarkozy contre le foulard islamique

Le ministre français de l’Intérieur et des Cultes, Nicolas Sarkozy a relancé samedi la polémique sur le port du foulard islamique en rappelant que les femmes doivent être photographiées tête nue sur leurs papiers d’identité. Une déclaration préméditée devant une assemblée de partisans d’un islam identitaire et une semaine après l’élection du premier Conseil français du culte musulman.
Tout citoyen français, homme ou femme doit figurer tête nue, sans couvre-chef donc, ni foulard islamique, sur sa carte d’identité nationale et, selon le ministre français de l’Intérieur et des Cultes, Nicolas Sarkozy, cette obligation étant «respectée par les religieuses catholiques, rien ne justifierait que les femmes musulmanes ne la respectent pas». Avec ce rappel au devoir républicain, Nicolas Sarkozy a bravé samedi les huées des quelque dix mille musulmans réunis dans la région parisienne, au Bourget, pour le XXe salon annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Nul doute que le ministre de l’Intérieur avait prémédité son intervention aux lendemains de l’élection le 13 avril dernier du Conseil français du culte musulman (CFCM), la première organisation de l’islam de France. Une performance selon le président de l’UOIF, Fouad Alaoui qui l’a portée au crédit personnel de son invité d’honneur, Nicolas Sarkozy qui «a réussi à concilier l’inconciliable, mettre les musulmans d’accord».

Le ministre de l’Intérieur a en effet largement pesé dans la participation de l’UOIF au scrutin du CFCM où l’organisation proche des Frères musulmans a devancé les modérés de la mosquée de Paris. Face aux inquiétudes soulevées –y compris parmi les musulmans– par l’islam identitaire dans lequel se reconnaissent la majorité des quelques 200 associations fédérées par l’UOIF, Nicolas Sarkozy avait expliqué: «C’est parce que nous reconnaissons à l’islam le droit de s’asseoir à la table de la République que nous n’accepterons aucune dérive». Pour sa part, l’UOIF récuse toute étiquette fondamentaliste ou islamiste. Et c’est en «ami qui dit la vérité» que Nicolas Sarkozy a soumis le salon au test du foulard. Une manière sans doute de faire savoir que le politique aussi allait entrer dans la lice jusqu’ici largement abandonnée à l’éducation nationale et à la justice. Car sous le signe du voile, c’est toute une mosaïque de questions qui se posent à la République française ennemie du communautarisme et éprise de laïcité.

Dans son rapport de novembre 2000 sur «L’islam dans la République», le Haut conseil à l’intégration considère que «la tenue vestimentaire est le signe le plus spectaculaire d’appartenance religieuse. Si le fait que certains jeunes garçons cherchent à être identifiés comme musulmans en se laissant pousser la barbe ne pose guère de problèmes, le port, par certaines jeunes filles d’un voile leur enserrant le visage et leur couvrant les oreilles, le cou et les cheveux est beaucoup plus difficile à gérer», à l’école en particulier où depuis la fin des années quatre-vingt, la question du foulard islamique, le hijab fait polémique dans la société française, musulmans compris. Pour autant aucune loi ne régit son port mais ceux qui y sont attachés voient dans les déclarations de Nicolas Sarkozy les signes précurseurs d’une interdiction légale dans les lieux scolaires et dans les entreprises. Jusqu’à présent, le seul texte de référence est un arrêt du Conseil d’Etat émis le 27 novembre 1989 sur saisine du ministre de l’Education nationale s’interrogeant sur la compatibilité du foulard porté par des collégiennes de l’Oise avec le principe de laïcité. L’arrêt répond en quelque sorte «oui, mais… ». En vertu de la liberté d’expression religieuse, le signe d’appartenance que constitue le foulard est licite, dit-il, à condition qu’il ne constitue pas «un acte de prosélytisme ou de propagande, perturbe le déroulement des activités d’enseignement ou le fonctionnement normal du service public».

Bien davantage qu’un signe distinctif religieux

Au total, l’arrêt du Conseil d’Etat est autant sujet à interprétation dans la République laïque que le port du foulard lui-même dans l’univers islamique. D’ailleurs, entre 1992 et 1999, sur 49 affaires parvenues au Conseil, le juge a annulé 41 décisions prises par l’administration de l’éducation nationale. Les seules sanctions retenues concernaient l’absentéisme à des cours d’éducation physique. Car en milieu scolaire, outre l’infraction à la laïcité, c’est surtout l’obstacle à la mixité et au-delà, à l’égalité des sexes qui heurtent enseignants et administrateurs. Mais si elle est préconisée, notamment par la Ligue du droit international des femmes, l’interdiction du foulard continue à faire débat dans la mesure où elle risque de frapper certaines jeunes-filles d’exclusion scolaire. Alors, côté musulman, certains souhaitent l’ouverture d’établissements scolaires privés. D’autres, comme le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur appelle ses coréligionnaires à «vivre avec leur temps» A l’UOIF, Fouad Alaoui estime qu’il n’est pas question d’obliger les petites filles à aller à la piscine. A propos des photographies des documents officiels, un autre dirigeant répond à Nicolas Sarkozy que «tant que la loi interdit le foulard, nous la respecterons, mais nous allons demander à la changer». Le ministre français de l’Education nationale Luc Ferry s’est prononcé contre le foulard islamique à l’école, de même que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin aussi. Ce dernier est également favorable à son interdiction «dans l’exercice du service public».

Il reste «encore du travail à faire, du travail pédagogique», estime Nicolas Sarkozy qui répète qu’il ne peut pas y avoir «une loi de la République pour les uns et pas pour les autres». Question de valeurs ou de revendication identitaire, le foulard islamique est en effet bien davantage qu’un signe distinctif religieux. Il révèle un communautarisme que la République ne saurait voir mais dont elle aurait sans doute avantage à mesurer toute la profondeur, dans les champs social et culturel, mais aussi politique. Pour sa part, Nicolas Sarkozy, le ministre des Cultes a marqué son territoire avec le foulard. Il s’en est aussi servi pour damer le pion aux sirènes d’extrême droite qui, tel Jean-Marie Le Pen, moquent ses efforts pour organiser et contrôler les musulmans de France en disant qu’il «a mis les mains dans le nid de guêpes».



par Monique  Mas

Article publié le 21/04/2003