Etats-Unis
Washington fait la guerre au terrorisme en Afrique
L’Afrique est «une menace potentielle pour l’Alliance (atlantique, l’Otan) et pour nos intérêts», explique le général américain Jim Jones, commandant suprême des forces alliées en Europe (Saceur) au sein de l’Otan. Le général Jones est aussi le chef des forces américaines dans 93 pays d’Europe et d’Afrique et il ajoute que les Etats-Unis envisagent «d’accroître leur présence militaire au Sud de la Méditerranée où de nombreux pays peuvent être déstabilisés dans un futur proche et où de vastes zones sans Etat sont devenues les nouvelles routes des narco-trafiquants et des terroristes». Et c’est l’Afrique de l’Ouest que le général Jones cite à titre d’exemple en indiquant que désormais les porte-avions américains «avec leur groupe naval et les forces expéditionnaires ne passeront plus six mois en Méditerranée, mais la moitié de leur temps le long de la côte d’Afrique occidentale».
Sur la côte Atlantique de l’Afrique de l’Ouest, le danger terroriste proviendrait du Liberia et de la Sierra-Leone où Al-Qaïda aurait délocalisé son réseau de financement après ses attentats simultanés contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et de Dar-Es-Salam en Tanzanie en août 1998. Depuis fin 2001, le quotidien américain Washington Posta multiplié les enquêtes sur le sujet, établissant que les diamants extraits en Sierra Leone par les rebelles du Ruf ont servi à blanchir l’argent du terrorisme via Monrovia et la Belgique, avec le concours d’un intermédiaire sénégalais entraîné en Libye, un certain Ibrahim Bah qui a gagné des galons de général au sein du Ruf et réside dans la capitale du Burkina, Ouagadougou. En janvier dernier, le Washington Posta repris des éléments d’enquête émanant de services européens et américains pour établir que le Liberia de Charles Taylor s’inscrit au cœur d’un trafic international dans lequel Al-Qaïda trouverait plus que jamais son compte, après ses attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Cette filière permettrait également d’obtenir des certificats de destinataire final pour des achats d’armes très sophistiquées qui conduiraient en Amérique latine.
«Le continent devient une cible»
D’une manière générale, on sait que le continent africain est devenu un débouché privilégié pour les stocks d’armes en déshérence des pays d’Europe de l’Est. Et, de fait, l’Afrique de l’Ouest est un marché en expansion pour les marchands de canons comme par exemple l'Ukrainien Victor Bout, recyclé en Sierra-Leone, au Liberia et même signalé en Côte d’Ivoire après avoir tenu le haut du pavé en Angola, au Congo Kinshasa (où il paraît toujours actif) et en Afghanistan où il a abandonné la partie depuis l’intervention américaine. En la matière, le général américain Jim Jones estime que «en Afrique, notre effort reste marginal» alors que ce continent «devient de plus en plus un enjeu et une cible, non seulement pour nous, mais aussi pour l’Alliance». Il est vrai que le défi est de taille dans un continent aux frontières poreuses où le chaos des guerres civiles, la multiplication des pays sans Etat et la mal gouvernance en général font le lit des trafiquants en tous genres. Du reste, lorsqu’ils le peuvent, les Américains sous-traitent leur action militaire. C’est le cas en Somalie ou des troupes éthiopiennes sont discrètement déployées.
Washington n’a pas oublié bien sûr la mort de ses 18 soldats à Mogadiscio en 1993 qui avait donné le signal du retrait des troupes américaines de l’opération restaure hope. Une délégation de l’administration Bush est revenue pour la première fois en Somalie en décembre 2001, à Baidoa, pour discuter avec les seigneurs de la guerre locaux de la présence de succursales d’Al-Qaïda dans le pays. Difficile toutefois de cibler une frappe antiterroriste dans ce pays fantôme. Washington s’est donc contenté de couper les vivres bancaires de Al Barakat, la société de transfert de fonds locale, et de donner carte blanche à Addis Abeba pour se tailler le fief auquel l’Ethiopie aspire en Somalie, sous couvert d’endiguement du terrorisme et de ses sicaires au Puntland ou ailleurs dans le pays. En revanche, les Etats-Unis ont signé en février dernier un accord sur «l’accès et l’utilisation d’installations sur le territoire djiboutien au profit des forces américaines».
En janvier 2002, 900 soldats des forces spéciales américaines avaient été déployés à Djibouti, à proximité du Golfe d’Aden, dans le cadre de la lutte internationale contre le terrorisme. Mais le contenu de l’accord de février 2003 n’a pas été rendu public, ni sur la durée de cette présence militaire américaine, ni sur le montant des prébendes en forme de compensations financières qui l’accompagnent. Mais au total, pour Washington, il y a en Afrique comme ailleurs, les pays coopératifs et les autres. Certains comme l’Angola, sont à la fois coopératifs sur le front de la guerre au «terrorisme» et séduisants comme pays pétroliers. D’autres, comme le Nigeria, ont déçu en rejetant très officiellement l’intervention en Irak. Il n’en reste pas moins riche d’or noir mais pourrait bien être pris en défaut après la réélection douteuse de son président. Enfin, un pays comme le Liberia cumule les stigmates de l’Etat voyou que Washington aimerait bien défaire à moindre frais militaires. Mais jusqu’à présent son soutien à l’opposition de Taylor a plutôt accru le désordre qui complait aux trafiquants et autres terroristes.
«Le continent devient une cible»
D’une manière générale, on sait que le continent africain est devenu un débouché privilégié pour les stocks d’armes en déshérence des pays d’Europe de l’Est. Et, de fait, l’Afrique de l’Ouest est un marché en expansion pour les marchands de canons comme par exemple l'Ukrainien Victor Bout, recyclé en Sierra-Leone, au Liberia et même signalé en Côte d’Ivoire après avoir tenu le haut du pavé en Angola, au Congo Kinshasa (où il paraît toujours actif) et en Afghanistan où il a abandonné la partie depuis l’intervention américaine. En la matière, le général américain Jim Jones estime que «en Afrique, notre effort reste marginal» alors que ce continent «devient de plus en plus un enjeu et une cible, non seulement pour nous, mais aussi pour l’Alliance». Il est vrai que le défi est de taille dans un continent aux frontières poreuses où le chaos des guerres civiles, la multiplication des pays sans Etat et la mal gouvernance en général font le lit des trafiquants en tous genres. Du reste, lorsqu’ils le peuvent, les Américains sous-traitent leur action militaire. C’est le cas en Somalie ou des troupes éthiopiennes sont discrètement déployées.
Washington n’a pas oublié bien sûr la mort de ses 18 soldats à Mogadiscio en 1993 qui avait donné le signal du retrait des troupes américaines de l’opération restaure hope. Une délégation de l’administration Bush est revenue pour la première fois en Somalie en décembre 2001, à Baidoa, pour discuter avec les seigneurs de la guerre locaux de la présence de succursales d’Al-Qaïda dans le pays. Difficile toutefois de cibler une frappe antiterroriste dans ce pays fantôme. Washington s’est donc contenté de couper les vivres bancaires de Al Barakat, la société de transfert de fonds locale, et de donner carte blanche à Addis Abeba pour se tailler le fief auquel l’Ethiopie aspire en Somalie, sous couvert d’endiguement du terrorisme et de ses sicaires au Puntland ou ailleurs dans le pays. En revanche, les Etats-Unis ont signé en février dernier un accord sur «l’accès et l’utilisation d’installations sur le territoire djiboutien au profit des forces américaines».
En janvier 2002, 900 soldats des forces spéciales américaines avaient été déployés à Djibouti, à proximité du Golfe d’Aden, dans le cadre de la lutte internationale contre le terrorisme. Mais le contenu de l’accord de février 2003 n’a pas été rendu public, ni sur la durée de cette présence militaire américaine, ni sur le montant des prébendes en forme de compensations financières qui l’accompagnent. Mais au total, pour Washington, il y a en Afrique comme ailleurs, les pays coopératifs et les autres. Certains comme l’Angola, sont à la fois coopératifs sur le front de la guerre au «terrorisme» et séduisants comme pays pétroliers. D’autres, comme le Nigeria, ont déçu en rejetant très officiellement l’intervention en Irak. Il n’en reste pas moins riche d’or noir mais pourrait bien être pris en défaut après la réélection douteuse de son président. Enfin, un pays comme le Liberia cumule les stigmates de l’Etat voyou que Washington aimerait bien défaire à moindre frais militaires. Mais jusqu’à présent son soutien à l’opposition de Taylor a plutôt accru le désordre qui complait aux trafiquants et autres terroristes.
par Monique Mas
Article publié le 29/04/2003