Justice
Sarkozy propose une réforme de la «double peine»
La réforme de la double peine fait partie des propositions du projet de loi sur l’immigration défendu par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Après les volets sur le droit d’asile et l’intégration, le conseil des ministres doit donc examiner mercredi celui qui concerne une mesure, dénoncée par de nombreuses associations de défense des droits de l’Homme, qui soumet les délinquants étrangers condamnés en France à un éloignement du territoire national, une fois leur peine de prison accomplie.
Pour les associations, la double peine est discriminatoire puisqu’elle consiste à punir deux fois les délinquants étrangers pour la même faute, alors que les délinquants français ne sont soumis qu’à une seule sanction. Un étranger qui commet une infraction pénale en France est ainsi tout d’abord condamné à payer une amende ou à effectuer une peine de prison. Mais il peut ensuite être soumis à une expulsion ou à une interdiction de séjour sur le territoire français. Environ cinq mille personnes sont concernées par ces mesures chaque année.
Sur le plan juridique, ce dispositif qui assortit la condamnation classique d’une peine complémentaire n’est pas véritablement attaquable. Mais sur le plan humain, il conduit à des situations particulièrement dramatiques lorsqu’il s’applique implacablement à des personnes qui n’ont plus, ou n’ont jamais eu, d’attaches dans leur pays d’origine qu’ils ne connaissent pas forcément et dont ils ne maîtrisent pas toujours la langue.
C’est de ce point de vue que de nombreuses associations, notamment «Une peine point barre», se placent pour critiquer la double peine qui, selon elles, ne peut être comparée à d’autres peines complémentaires, comme la privation des droits civiques ou l’interdiction d’exercer une activité professionnelle, car elle a des conséquences plus graves. Elle peut, en effet, provoquer la séparation d’une famille et détruire toutes les chances de réinsertion du condamné en le projetant dans un environnement parfois totalement inconnu. «Ce déracinement abrupte et violent -forme nouvelle du bannissement- porte atteinte aux structures psychiques les plus profondes, rompt tout lien social sans lequel il n’est pas de vie humaine digne de ce nom».
Un dispositif «discriminatoire et honteux»
Nicolas Sarkozy a d’ailleurs lui-même fait part de son opinion réservée face au système de la double peine qu’il a jugé «discriminatoire et honteux». C’est pour cette raison qu’il a demandé à un groupe de travail de lui rendre un rapport et de lui faire des propositions pour engager une réforme de ce dispositif juridique. Ce document, qui lui a été remis au début du mois d’avril 2003, a suscité de nombreuses réserves de la part des associations qui l’ont jugé trop frileux. Il a, en effet, proposé l’instauration d’une «protection absolue» grâce à laquelle certains délinquants étrangers seraient protégés contre l’expulsion. Mais en même temps, il a recommandé le maintien d’un certain nombre d’exceptions et n’a pas remis en cause le principe de l’interdiction du territoire français (ITF).
La proposition de réforme que Nicolas Sarkozy doit finalement proposer au conseil des ministres va plus loin que celle du groupe de travail même si elle ne donne pas entièrement satisfaction aux associations. Elle vise à protéger contre toute mesure d’expulsion forcée les délinquants étrangers nés en France ou entrés en France avant l’âge de 13 ans, résidant en France depuis dix ans et mariés depuis trois ans à un Français ou un étranger vivant en France depuis son enfance, résidant en France depuis dix ans et parents d’enfants français mais aussi résidant en France depuis vingt ans même s’ils n’ont pas créé de famille dans le pays. Cette dernière catégorie n’est pas aussi large que le souhaitait «Une peine point barre» qui demandait qu’elle concerne toutes les personnes résidant régulièrement en France depuis 10 ans. Le texte prévoit aussi qu’une enquête sociale soit réalisée avant toute décision d’interdiction du territoire, le réexamen tous les cinq ans des mesures d’expulsion et l’autorisation de travailler pour les personnes assignées à résidence.
Contrairement aux recommandations du groupe de travail, les personnes ayant commis des infractions à la législation sur les stupéfiants, «même les plus graves», ne figurent pas au rang des cas exceptionnels qui ne bénéficient pas de la «protection absolue». Par contre, le ministre a maintenu dans la catégorie des personnes susceptibles d’être expulsées les auteurs d’actes terroristes ou d’atteintes aux intérêts fondamentaux de l’Etat. Cette mesure est critiquée par le collectif «Une peine point barre» qui estime que la nature du crime ne doit pas être un critère pris en compte dans la réforme de l’application de ce dispositif juridique. L’association met aussi en cause le maintien de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français qui permet d’éloigner des délinquants étrangers sans lien avec l’Hexagone.
L’examen du projet de loi par le Parlement est prévu pour l’été 2003. Selon une projection réalisée par le ministère de l’Intérieur, si le texte est adopté, 90 % des délinquants étrangers actuellement concernés par le dispositif pourrait échapper à la double peine.
A écouter :
Bernard Bolze
Porte-parole de la campagne contre la double peine, il réagit aux prises de décisions de Nicolas Sarkozy au micro de Pierre Ganz (30/04/2003).
Sur le plan juridique, ce dispositif qui assortit la condamnation classique d’une peine complémentaire n’est pas véritablement attaquable. Mais sur le plan humain, il conduit à des situations particulièrement dramatiques lorsqu’il s’applique implacablement à des personnes qui n’ont plus, ou n’ont jamais eu, d’attaches dans leur pays d’origine qu’ils ne connaissent pas forcément et dont ils ne maîtrisent pas toujours la langue.
C’est de ce point de vue que de nombreuses associations, notamment «Une peine point barre», se placent pour critiquer la double peine qui, selon elles, ne peut être comparée à d’autres peines complémentaires, comme la privation des droits civiques ou l’interdiction d’exercer une activité professionnelle, car elle a des conséquences plus graves. Elle peut, en effet, provoquer la séparation d’une famille et détruire toutes les chances de réinsertion du condamné en le projetant dans un environnement parfois totalement inconnu. «Ce déracinement abrupte et violent -forme nouvelle du bannissement- porte atteinte aux structures psychiques les plus profondes, rompt tout lien social sans lequel il n’est pas de vie humaine digne de ce nom».
Un dispositif «discriminatoire et honteux»
Nicolas Sarkozy a d’ailleurs lui-même fait part de son opinion réservée face au système de la double peine qu’il a jugé «discriminatoire et honteux». C’est pour cette raison qu’il a demandé à un groupe de travail de lui rendre un rapport et de lui faire des propositions pour engager une réforme de ce dispositif juridique. Ce document, qui lui a été remis au début du mois d’avril 2003, a suscité de nombreuses réserves de la part des associations qui l’ont jugé trop frileux. Il a, en effet, proposé l’instauration d’une «protection absolue» grâce à laquelle certains délinquants étrangers seraient protégés contre l’expulsion. Mais en même temps, il a recommandé le maintien d’un certain nombre d’exceptions et n’a pas remis en cause le principe de l’interdiction du territoire français (ITF).
La proposition de réforme que Nicolas Sarkozy doit finalement proposer au conseil des ministres va plus loin que celle du groupe de travail même si elle ne donne pas entièrement satisfaction aux associations. Elle vise à protéger contre toute mesure d’expulsion forcée les délinquants étrangers nés en France ou entrés en France avant l’âge de 13 ans, résidant en France depuis dix ans et mariés depuis trois ans à un Français ou un étranger vivant en France depuis son enfance, résidant en France depuis dix ans et parents d’enfants français mais aussi résidant en France depuis vingt ans même s’ils n’ont pas créé de famille dans le pays. Cette dernière catégorie n’est pas aussi large que le souhaitait «Une peine point barre» qui demandait qu’elle concerne toutes les personnes résidant régulièrement en France depuis 10 ans. Le texte prévoit aussi qu’une enquête sociale soit réalisée avant toute décision d’interdiction du territoire, le réexamen tous les cinq ans des mesures d’expulsion et l’autorisation de travailler pour les personnes assignées à résidence.
Contrairement aux recommandations du groupe de travail, les personnes ayant commis des infractions à la législation sur les stupéfiants, «même les plus graves», ne figurent pas au rang des cas exceptionnels qui ne bénéficient pas de la «protection absolue». Par contre, le ministre a maintenu dans la catégorie des personnes susceptibles d’être expulsées les auteurs d’actes terroristes ou d’atteintes aux intérêts fondamentaux de l’Etat. Cette mesure est critiquée par le collectif «Une peine point barre» qui estime que la nature du crime ne doit pas être un critère pris en compte dans la réforme de l’application de ce dispositif juridique. L’association met aussi en cause le maintien de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français qui permet d’éloigner des délinquants étrangers sans lien avec l’Hexagone.
L’examen du projet de loi par le Parlement est prévu pour l’été 2003. Selon une projection réalisée par le ministère de l’Intérieur, si le texte est adopté, 90 % des délinquants étrangers actuellement concernés par le dispositif pourrait échapper à la double peine.
A écouter :
Bernard Bolze
Porte-parole de la campagne contre la double peine, il réagit aux prises de décisions de Nicolas Sarkozy au micro de Pierre Ganz (30/04/2003).
par Valérie Gas
Article publié le 29/04/2003