Justice
Patrick Henry : itinéraire d’un prisonnier libéré
Dans le contexte de sévérité accrue à l'égard des délinquants, l’arrestation par la police espagnole de l’ancien condamné à la prison à perpétuité en possession de dix kilos de haschich ne manque pas d'alimenter les commentaires. On la voudrait exemplaire de l'incapacité des criminels à s’amender et retrouver une vie normale ou, au contraire, de l'incapacité du système pénitentiaire à remplir sa fonction de réinsertion des détenus.
En 1976, il est l'auteur d'un crime qui aura un retentissement considérable dans l'opinion publique. Il enlève un enfant de sept ans, réclame une rançon pour sa libération et le tue. Soupçonné par les enquêteurs, il réussit dans un premier temps à détourner l'attention en clamant son innocence et son dégoût pour l'assassin devant les caméras de télévision. L'illusion fera long feu mais ce fait divers marquera durablement l'opinion publique. «La France a peur», déclare le présentateur du journal télévisé de l’époque, alors qu’on cherche l’assassin partout. Patrick Henry incarnera pour toute une génération de Français le monstre froid, tueur d’enfant. En janvier 1977, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Le talent et la détermination de son avocat, Robert Badinter, lui valent d'échapper à la peine capitale. Il a vingt-trois ans.
Commence alors pour lui le long chemin de la rédemption, quasi sans faute: prisonnier modèle, studieux, il accumule les rapports élogieux, les avis favorables, les témoignages de soutien. Il devient au fil des années le symbole d’une réinsertion possible, preuve vivante qu’il ne faut jamais désespérer de l’humanité. Pourtant les multiples demandes de libération conditionnelle déposées n’aboutissent pas. Le crime est trop grave, impardonnable. A chaque demande, le ministère bloque. L’opinion publique ne comprendrait pas; elle n’est pas prête. Il faudra attendre l’année 2000 et la réforme adoptée à l’initiative de l’ex-ministre de la Justice, Elisabeth Guigou. Celle-ci transfert aux juges la souveraineté des décisions en la matière sans avoir à en référer au Parquet.
«Vous n’aurez pas à le regretter»
Quelques mois plus tard, en mai 2001, la liberté conditionnelle est accordée à Patrick Henry. Il présente toutes les garanties de réinsertion: diplômes (acquis en prison), logement à l’extérieur, promesse d’emploi (chez un imprimeur), autant d’éléments qui, après vingt-cinq ans passés derrière les barreaux, font de lui un exemple pour ses défenseurs, une icône pour ses co-détenus. Libération conditionnelle, toutefois: cela signifie qu’il n’a pas l’autorisation de quitter sa ville de résidence sans en référer au juge d’application des peines et, a fortiori, pas le droit de quitter le territoire national.
Avant sa cavale au Maroc et en Espagne, où il a finalement été appréhendé avec dix kilos de haschisch, Patrick Henry avait déjà trébuché une première fois. Le 26 juin dernier, il dérobe pour quatre-vingts euros de matériel de bricolage. Un petit larcin qui lui vaut 2000 euros d’amende, mais qui commence à semer le doute dans les esprits les mieux disposés à son égard. La dernière aventure judiciaire de Patrick Henry ne vaut que par la personnalité de l’auteur du forfait: c’est un sans-faute qu’on attendait de lui et qu’il promettait, au nom de ses anciens co-détenus. Aujourd’hui, ces derniers estiment qu’il les a trahis et redoutent, avec les syndicats de magistrats et les défenseurs des droits des prisonniers, un retour en arrière: une limitation des libérations conditionnelles. Patrick Henry allait publier à la fin du mois un livre de témoignages, sous le titre: Vous n’aurez pas à le regretter. C’est la phrase qu’il avait lancé à l’issue de son procès aux jurés qui lui avaient épargné la peine capitale.
Commence alors pour lui le long chemin de la rédemption, quasi sans faute: prisonnier modèle, studieux, il accumule les rapports élogieux, les avis favorables, les témoignages de soutien. Il devient au fil des années le symbole d’une réinsertion possible, preuve vivante qu’il ne faut jamais désespérer de l’humanité. Pourtant les multiples demandes de libération conditionnelle déposées n’aboutissent pas. Le crime est trop grave, impardonnable. A chaque demande, le ministère bloque. L’opinion publique ne comprendrait pas; elle n’est pas prête. Il faudra attendre l’année 2000 et la réforme adoptée à l’initiative de l’ex-ministre de la Justice, Elisabeth Guigou. Celle-ci transfert aux juges la souveraineté des décisions en la matière sans avoir à en référer au Parquet.
«Vous n’aurez pas à le regretter»
Quelques mois plus tard, en mai 2001, la liberté conditionnelle est accordée à Patrick Henry. Il présente toutes les garanties de réinsertion: diplômes (acquis en prison), logement à l’extérieur, promesse d’emploi (chez un imprimeur), autant d’éléments qui, après vingt-cinq ans passés derrière les barreaux, font de lui un exemple pour ses défenseurs, une icône pour ses co-détenus. Libération conditionnelle, toutefois: cela signifie qu’il n’a pas l’autorisation de quitter sa ville de résidence sans en référer au juge d’application des peines et, a fortiori, pas le droit de quitter le territoire national.
Avant sa cavale au Maroc et en Espagne, où il a finalement été appréhendé avec dix kilos de haschisch, Patrick Henry avait déjà trébuché une première fois. Le 26 juin dernier, il dérobe pour quatre-vingts euros de matériel de bricolage. Un petit larcin qui lui vaut 2000 euros d’amende, mais qui commence à semer le doute dans les esprits les mieux disposés à son égard. La dernière aventure judiciaire de Patrick Henry ne vaut que par la personnalité de l’auteur du forfait: c’est un sans-faute qu’on attendait de lui et qu’il promettait, au nom de ses anciens co-détenus. Aujourd’hui, ces derniers estiment qu’il les a trahis et redoutent, avec les syndicats de magistrats et les défenseurs des droits des prisonniers, un retour en arrière: une limitation des libérations conditionnelles. Patrick Henry allait publier à la fin du mois un livre de témoignages, sous le titre: Vous n’aurez pas à le regretter. C’est la phrase qu’il avait lancé à l’issue de son procès aux jurés qui lui avaient épargné la peine capitale.
par Georges Abou
Article publié le 09/10/2002