Défense
La «bande des Quatre» irrite Londres et Washington
Le mini-sommet consacré à la mise en place d’une défense européenne, et réunissant la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg et la France, a creusé davantage le fossé qui s’était installé parmi les membres l’Alliance atlantique après la décision de Washington d’attaquer l’Irak sans mandat de l’ONU. En dépit d’une formulation soigneusement pesée, les Américains et leurs alliés considèrent le projet d’Union européenne de sécurité et de défense comme un concurrent potentiel à l’OTAN, voire une trahison. La tonalité est donnée par le très conservateur quotidien britannique Times qui estime que ce sommet est «soit une des réunions les plus intellectuellement confuses ou bien les plus politiquement malhonnêtes organisées par les nations de l’UE (Union européenne)».
Finalement, l'ambition était au rendez-vous. Et ce n'est pas tant la qualité du projet ou les déclarations plutôt modérées qui ont accompagné sa formulation que la vivacité des réactions qui valent démonstration. Au lendemain de la réunion, la presse européenne ne manque pas de souligner en effet le «cavalier seul» des Quatre de l’Union, les mêmes qui s’étaient opposés à la volonté de Londres et Washington d’entrer en guerre contre l’Irak. En conséquence, plutôt que de calmer le jeu, l’initiative des Quatre enfoncent le clou de la discorde entre les alliés. Il n’échappe à personne en effet, et notamment pas au Financial Times de Londres, que, malgré les précautions stylistiques, à maints égards c’est bien un projet concurrent de celui de l’alliance militaire transatlantique OTAN dont les bases viennent d’être jetées, mardi à Bruxelles. Le journal britannique rend compte des réactions, entre sarcasme et irritation, du secrétaire d’État américain qui évoque «une sorte de plan» pour la création d’un nouveau quartier général européen à Bruxelles, alors que d’autres responsables américains, cités par The Guardian, estimaient que «l’Europe avait besoin de davantage d’effectifs et d’équipements, mais pas plus d’états-majors». Côté britannique, l’humour des responsables, rapportée par The Guardian toujours, frise le mépris. En privé, il est question de «coalition des indécis». Parallèlement, les responsables de l’OTAN notent un volonté d’accroissement des capacités militaires, mais sans engagement financier. Sévère également, la ministre espagnole des Affaires étrangères a dénié à l’initiative des Quatre le qualificatif d’«européenne». «Une véritable politique européenne de sécurité et de défense ne peut pas être faite à trois ou quatre», a déclaré Ana Palacio.
La vigueur des manifestations d’exaspération exprimée avant, pendant et après la rencontre de Bruxelles indique (en creux) la sensibilité du dossier examiné par la «bande des Quatre» et la profondeur du fossé que la guerre contre l’Irak a creusé parmi les alliés. Washington, Londres et leurs amis auraient peut être attendus des Quatre qu’il fasse «profil bas» afin de ne pas compromettre davantage leurs relations. De fait, l’attitude de Bruxelles, Berlin, Luxembourg et Paris ne va pas dans le sens de l’apaisement et complique un peu plus le retour à des rapports plus sereins. D’autant qu’elle ne provoque pas que colère et mépris. Le ministre grec des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne (UE) et qui recevra le week-end prochain ses homologues, «considère cette initiative comme positive». Son collègue portugais annonce que le gouvernement auquel il appartient «est favorable à l’étude de ces propositions au cours d’une réunion de l’ensemble des partenaires européens». C’est une «contribution positive à la mise en place d’une Europe de la sécurité et de la défense», annonce Antonio Martins da Cruz.
«Un chemin, une méthode»
Hors de la «maison Europe», cette réaffirmation de la singularité des Quatre donne aussi toute latitude aux opposants à la politique américaine pour marquer leur différence. De passage à Moscou mardi pour un bref sommet censé décrisper la situation, le Premier ministre britannique a vécu un douloureux moment d’embarras diplomatique, souligné là encore par la presse britannique. Tony Blair aurait voulu convaincre les autorités russes du bien-fondé d’une levée des sanctions contre Bagdad. Mais le président Vladimir Poutine s’y est fermement opposé : «Le régime des sanctions ne peut être modifié que s’il n’y a plus de soupçons (en matière d’armes de destruction massive), ce qui passe par une décision du Conseil de sécurité (de l’ONU)», a dit en substance le chef du Kremlin, campant sur la ligne multilatéraliste. «Une humiliante rebuffade» pour Tony Blair, écrivait mercredi matin The Guardian.
Pourtant, les Quatre n’on pas ménagé leurs efforts pour dégager des formules de nature apaisante. Si, dans leur déclaration finale, ils annoncent que «le moment est venu de franchir une nouvelle étape dans la construction de l’Europe de la sécurité et de la Défense fondée sur des capacités militaires renforcées», ils ne manquent pas d’indiquer (dans la même phrase) que celles-ci «contribueront également à donner à l’Alliance atlantique (OTAN, ndlr) une nouvelle vitalité et ouvriront la voie à une relation transatlantique renouvelée». Artifice ou volonté ? En tout cas, en attendant d’y mettre les moyens qui s’imposent pour traduire en acte cette Union européenne de sécurité et de défense, un véritable projet s’est dessiné, mardi, avec un engagement et un calendrier dont les premières échéances (à la mi-2004) marquent une détermination surprenante dans le contexte de tension entre alliés.
Mercredi, le ministre français des Affaires étrangères est revenu sur les décisions prises la veille et, à la question de savoir si la France ne craignait pas la mise à l’écart d’un certain nombre de partenaires européens, Dominique de Villepin a déclaré que «le sens du rendez vous d’hier était de proposer à nos partenaires, un chemin, une méthode et nous rendrons compte de nos discussions vendredi (lors de la réunion prévue en Grèce, ndlr). Notre idée n’est pas d’imposer mais de proposer». «La réunion de Bruxelles s’inscrit dans l’esprit du sommet (franco-britannique) de Saint-Malo (en 1998)», en référence à l’appel lancé dans le port français par Jacques Chirac et Tony Blair pour «doter l’Union d’une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser». Cinq ans après…
La vigueur des manifestations d’exaspération exprimée avant, pendant et après la rencontre de Bruxelles indique (en creux) la sensibilité du dossier examiné par la «bande des Quatre» et la profondeur du fossé que la guerre contre l’Irak a creusé parmi les alliés. Washington, Londres et leurs amis auraient peut être attendus des Quatre qu’il fasse «profil bas» afin de ne pas compromettre davantage leurs relations. De fait, l’attitude de Bruxelles, Berlin, Luxembourg et Paris ne va pas dans le sens de l’apaisement et complique un peu plus le retour à des rapports plus sereins. D’autant qu’elle ne provoque pas que colère et mépris. Le ministre grec des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne (UE) et qui recevra le week-end prochain ses homologues, «considère cette initiative comme positive». Son collègue portugais annonce que le gouvernement auquel il appartient «est favorable à l’étude de ces propositions au cours d’une réunion de l’ensemble des partenaires européens». C’est une «contribution positive à la mise en place d’une Europe de la sécurité et de la défense», annonce Antonio Martins da Cruz.
«Un chemin, une méthode»
Hors de la «maison Europe», cette réaffirmation de la singularité des Quatre donne aussi toute latitude aux opposants à la politique américaine pour marquer leur différence. De passage à Moscou mardi pour un bref sommet censé décrisper la situation, le Premier ministre britannique a vécu un douloureux moment d’embarras diplomatique, souligné là encore par la presse britannique. Tony Blair aurait voulu convaincre les autorités russes du bien-fondé d’une levée des sanctions contre Bagdad. Mais le président Vladimir Poutine s’y est fermement opposé : «Le régime des sanctions ne peut être modifié que s’il n’y a plus de soupçons (en matière d’armes de destruction massive), ce qui passe par une décision du Conseil de sécurité (de l’ONU)», a dit en substance le chef du Kremlin, campant sur la ligne multilatéraliste. «Une humiliante rebuffade» pour Tony Blair, écrivait mercredi matin The Guardian.
Pourtant, les Quatre n’on pas ménagé leurs efforts pour dégager des formules de nature apaisante. Si, dans leur déclaration finale, ils annoncent que «le moment est venu de franchir une nouvelle étape dans la construction de l’Europe de la sécurité et de la Défense fondée sur des capacités militaires renforcées», ils ne manquent pas d’indiquer (dans la même phrase) que celles-ci «contribueront également à donner à l’Alliance atlantique (OTAN, ndlr) une nouvelle vitalité et ouvriront la voie à une relation transatlantique renouvelée». Artifice ou volonté ? En tout cas, en attendant d’y mettre les moyens qui s’imposent pour traduire en acte cette Union européenne de sécurité et de défense, un véritable projet s’est dessiné, mardi, avec un engagement et un calendrier dont les premières échéances (à la mi-2004) marquent une détermination surprenante dans le contexte de tension entre alliés.
Mercredi, le ministre français des Affaires étrangères est revenu sur les décisions prises la veille et, à la question de savoir si la France ne craignait pas la mise à l’écart d’un certain nombre de partenaires européens, Dominique de Villepin a déclaré que «le sens du rendez vous d’hier était de proposer à nos partenaires, un chemin, une méthode et nous rendrons compte de nos discussions vendredi (lors de la réunion prévue en Grèce, ndlr). Notre idée n’est pas d’imposer mais de proposer». «La réunion de Bruxelles s’inscrit dans l’esprit du sommet (franco-britannique) de Saint-Malo (en 1998)», en référence à l’appel lancé dans le port français par Jacques Chirac et Tony Blair pour «doter l’Union d’une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser». Cinq ans après…
par Georges Abou
Article publié le 30/04/2003