Irak
Washington dissout le parti Baas
Les autorités américaines ont officiellement annoncé dimanche la dissolution du parti Baas qui dominait depuis 1968 la scène politique irakienne. Cette formation, dont on craignait la main mise sur la population, s’était largement effondrée après la chute du régime de Saddam Hussein, les locaux du parti ayant été les premières cibles des pillages. L’administration Bush qui a fait de la «débaasification» de l’Irak l’un de ses objectifs principaux, n’a toutefois pas pris pour l’instant de mesures allant dans ce sens. Paradoxalement, elle a même fait valoir que certains membres du parti pourraient jouer un rôle utile dans la reconstruction du pays. En annonçant la dissolution du Baas, Washington s’immisce directement dans la vie politique irakienne, au risque d’aggraver encore un peu plus son impopularité.
Déjà largement ébranlé par la chute du régime de Saddam Hussein, le parti Baas, naguère tout puissant, est désormais illégal. La décision a été annoncée par le général Tommy Franks, commandant des forces américaines en Irak, qui a ordonné à toutes les cellules de cette formation politique, autrefois omniprésente dans le pays, d’arrêter toutes leurs activités. «Tous les appareils de sécurité irakiens ainsi que les services de renseignements civil et militaire qui étaient liés à Saddam Hussein, sont désormais privés de leur autorité et de leur pouvoir», a également précisé un communiqué largement diffusé sur la radio gérée par les Américains en Irak. Cette décision du Pentagone de dissoudre un parti qui a largement dominé la vie politique irakienne est surtout symbolique puisque les structures du Baas n’ont pas résisté à l’entrée des troupes américaines dans Bagdad. Elle pourrait s’avérer politiquement désastreuse pour l’administration civile américaine de plus en plus contestée par les Irakiens qui l’assimilent à une force d’occupation.
Présents à Bagdad depuis plus d’un mois, les Américains sont en effet confrontés dans leur délicate mission de reconstruction de l’Irak à la périlleuse nécessité de s’appuyer, faute de mieux, sur d’anciens responsables du parti Baas. Une position des plus paradoxales quand on sait que la «débaasification» du pays était à l’origine l’un des principaux objectifs de l’administration civile américaine. Face aux difficultés auxquelles elle est quotidiennement confrontée, l’équipe de Jay Garner était toutefois revenue à une position moins radicale en soulignant notamment que la réhabilitation des institutions irakiennes nécessitait une coopération avec d’anciens responsables du Baas. Seuls les ténors du parti ont été définitivement écartés de toute participation à la reconstruction du pays, les Américains faisant notamment valoir qu’ils étaient suspectés de violations de droits de l’homme sous le régime déchu. Ils ont également mis en avant le fait que la plupart des membres du Baas étaient des citoyens ordinaires ayant adhéré au parti plus par pragmatisme que par réelles convictions politiques.
Une organisation hiérarchisée et omniprésente
Mais ce n’est sans doute pas en ordonnant sa dissolution que les Américains réussiront à faire disparaître un parti qui a dominé la scène politique irakienne pendant 35 ans. Le Baas, qui comptait environ un million et demi d’adhérents, est en effet apparu en Irak dans les années 50 comme un mouvement politique formé de militants dévoués à la cause nationaliste arabe. Son credo laïque et progressiste lui a valu un succès rapide dans les milieux étudiants mais également au sein de la classe moyenne et dans l’armée. Il a d’ailleurs joué un rôle déterminant dans le coup d’Etat du 17 juillet 1968 qui a inauguré l’ère du régime de Saddam Hussein. Aujourd’hui et malgré des décennies de dictature, le nationalisme arabe est encore très ancré dans la population et pour de nombreux Irakiens le système mis en place par le régime déchu a malheureusement dévoyé les idées originelles du Baas auxquelles beaucoup adhéraient. Ils estiment en effet que Saddam Hussein a progressivement dénaturé le parti pour n’en faire qu’un instrument de pouvoir.
Et de fait le Baas a été, au fil des années, réduit à un second exécutif, doublant l’appareil d’Etat dont il a souvent compensé les défaillances. Il est devenu l’instrument d’un système de contrainte où l’intimidation prévalait sur la force, le régime maintenant grâce à lui une pression constante sur la vie de la population. L’organisation même du parti, parfaitement hiérarchisée avec des cellules de quartiers, des divisions et des sections englobant la totalité d’une grande ville, a permis un contrôle étroit des Irakiens. Le parti était également devenu un instrument de promotion sociale et de nombreux médecins ou ingénieurs étaient tenus d’y adhérer s’ils voulaient exercer leur métier.
En interdisant le Baas, les Américains ont donc pris le pari dangereux de s’immiscer directement dans la vie politique irakienne, au risque de voir leur impopularité croître encore plus. Leur choix délibéré de supprimer la seule grande formation laïque qu’avait l’Irak –aux côtés d’un parti communiste largement décimé par la dictature de Saddam Hussein–, risque en outre de laisser le champ libre aux mouvements religieux. Sans compter que, un mois à peine après le renversement du régime baasiste, plusieurs groupes armés menacent la sécurité d’un pays formé d’une mosaïque communautaire, ethnique et religieuse et se bousculent pour combler le vide laissé par le départ de Saddam Hussein.
Présents à Bagdad depuis plus d’un mois, les Américains sont en effet confrontés dans leur délicate mission de reconstruction de l’Irak à la périlleuse nécessité de s’appuyer, faute de mieux, sur d’anciens responsables du parti Baas. Une position des plus paradoxales quand on sait que la «débaasification» du pays était à l’origine l’un des principaux objectifs de l’administration civile américaine. Face aux difficultés auxquelles elle est quotidiennement confrontée, l’équipe de Jay Garner était toutefois revenue à une position moins radicale en soulignant notamment que la réhabilitation des institutions irakiennes nécessitait une coopération avec d’anciens responsables du Baas. Seuls les ténors du parti ont été définitivement écartés de toute participation à la reconstruction du pays, les Américains faisant notamment valoir qu’ils étaient suspectés de violations de droits de l’homme sous le régime déchu. Ils ont également mis en avant le fait que la plupart des membres du Baas étaient des citoyens ordinaires ayant adhéré au parti plus par pragmatisme que par réelles convictions politiques.
Une organisation hiérarchisée et omniprésente
Mais ce n’est sans doute pas en ordonnant sa dissolution que les Américains réussiront à faire disparaître un parti qui a dominé la scène politique irakienne pendant 35 ans. Le Baas, qui comptait environ un million et demi d’adhérents, est en effet apparu en Irak dans les années 50 comme un mouvement politique formé de militants dévoués à la cause nationaliste arabe. Son credo laïque et progressiste lui a valu un succès rapide dans les milieux étudiants mais également au sein de la classe moyenne et dans l’armée. Il a d’ailleurs joué un rôle déterminant dans le coup d’Etat du 17 juillet 1968 qui a inauguré l’ère du régime de Saddam Hussein. Aujourd’hui et malgré des décennies de dictature, le nationalisme arabe est encore très ancré dans la population et pour de nombreux Irakiens le système mis en place par le régime déchu a malheureusement dévoyé les idées originelles du Baas auxquelles beaucoup adhéraient. Ils estiment en effet que Saddam Hussein a progressivement dénaturé le parti pour n’en faire qu’un instrument de pouvoir.
Et de fait le Baas a été, au fil des années, réduit à un second exécutif, doublant l’appareil d’Etat dont il a souvent compensé les défaillances. Il est devenu l’instrument d’un système de contrainte où l’intimidation prévalait sur la force, le régime maintenant grâce à lui une pression constante sur la vie de la population. L’organisation même du parti, parfaitement hiérarchisée avec des cellules de quartiers, des divisions et des sections englobant la totalité d’une grande ville, a permis un contrôle étroit des Irakiens. Le parti était également devenu un instrument de promotion sociale et de nombreux médecins ou ingénieurs étaient tenus d’y adhérer s’ils voulaient exercer leur métier.
En interdisant le Baas, les Américains ont donc pris le pari dangereux de s’immiscer directement dans la vie politique irakienne, au risque de voir leur impopularité croître encore plus. Leur choix délibéré de supprimer la seule grande formation laïque qu’avait l’Irak –aux côtés d’un parti communiste largement décimé par la dictature de Saddam Hussein–, risque en outre de laisser le champ libre aux mouvements religieux. Sans compter que, un mois à peine après le renversement du régime baasiste, plusieurs groupes armés menacent la sécurité d’un pays formé d’une mosaïque communautaire, ethnique et religieuse et se bousculent pour combler le vide laissé par le départ de Saddam Hussein.
par Mounia Daoudi
Article publié le 12/05/2003