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Sénégal

Nouvelles tensions en Casamance

L’euphorie consécutive à la rencontre entre le président Abdoulaye Wade et l’abbé Diamacoune Senghor, dimanche 4 mai à Dakar, a vite fait place au retour des hostilités, avec une série de braquages de véhicules de transport et de populations civiles qui se rendaient aux champs. Ces incidents ont fait un mort et un blessé du côté de l’armée et des voyageurs ont également été blessés.
De notre correspondant au Sénégal

L’accalmie qui régnait depuis quelques mois en Casamance, dans la région sud du Sénégal, vient d’être brutalement rompue ce mercredi avec la reprise des braquages sur la route transfrontalière Ziguinchor-Banjul-Dakar. Ce premier incident a eu lieu au village de Mampalago, situé dans le département de Bignona, à une quarantaine de km de Ziguinchor. Aux environs de sept heures du matin, alors que les militaires prenaient leur service dans leur poste d’observation dans la zone, des hommes armés supposés appartenir au MFDC ont fait irruption. Sur place, les assaillants se divisent en deux groupes. L’un immobilise le détachement militaire, l’autre s’embusque le long de la route et attend les véhicules.

Un premier véhicule de transport avec à son bord sept passagers et le chauffeur, braqué, refuse de s’arrêter et essuie des tirs nourris de la part des hommes armés qui feront des blessés. Quelques minutes plus tard, un autre véhicule est intercepté. C’est là que les versions divergent. Selon des témoignages recueillis auprès de sources indépendantes à Ziguinchor et auprès de certains services de renseignements, les assaillants auraient enlevés les passagers et le véhicule dont on était sans nouvelle jusqu’à hier, en début de soirée. Version différente du colonel Guèye, joint au téléphone: selon lui, les assaillants ont arrêté le véhicule, dépouillé les voyageurs et sont repartis avec la voiture sans ses passagers. Donc, pas d’enlèvement ni des voyageurs, ni du véhicule.

Ce même mercredi matin, vers 11 heures, aux environs du village de Boffa, situé dans le même département, mais à l’opposé, ce sont des villageois qui se rendaient en brousse pour la récolte des noix de cajou (c’est la saison) qui seront attaqués par des hommes armés. Ils réussissent à s’enfuir et à atteindre le poste militaire situé à quelques kilomètres de là. L’armée qui se rend sur place s’affronte violemment avec les assaillants. Le bilan officiel fourni par le colonel Guèye, commandant de la 5ème zone militaire fait état d’un soldat tué, un autre blessé et des voyageurs également blessés.

725 réfugiés casamançais fuient la Gambie

Depuis lundi 5 mai, 725 réfugiés casamançais de Gambie sont rentrés en catastrophe à Ziguinchor, en Casamance, avec pour seuls bagages quelques baluchons pour les plus chanceux et, pour les autres, seulement ce qu’ils avaient sur le dos. Ce retour forcé qui survient 24 heures après la rencontre dimanche 4 mai entre le président Wade et l’abbé Diamacoune Senghor a surpris les autorités sénégalaises qui n’avaient fait aucune déclaration jusqu’à mercredi.

Officiellement, cela commence par une banale histoire de ménage entre deux réfugiés (un homme et une femme) au début de la semaine dernière. Un fait divers conjugal qui fait déborder le vase d’une cohabitation heurtée et qui abouti à une véritable cabale contre les réfugiés. Selon le témoignage d’un des réfugiés, qui préfère garder l’anonymat car il envisage de retourner en Gambie, les évènements s’enchaînent rapidement. Et débute leur calvaire. Mercredi 30 avril, les villageois (gambiens) se réunissent, avec un ordre du jour précis: chasser les réfugiés du village. Jeudi soir, le chef du village rend visite au délégué des réfugiés pour l’informer de ce qui trame. Samedi matin, des hommes (probablement des policiers en civils) sillonnent les rues du village en s’arrêtant devant certaines maisons de réfugiés. L’après-midi, aux environs de 16h30, le chef du village, escorté de quatre militaires, débarque avec des bulldozers qui rasent une vingtaine de maisons appartenant à des réfugiés. C’est le début de la panique et le sauve-qui-peut. Dès dimanche 4 mai, des centaines de réfugiés ont gagné le village sénégalais frontalier de Younor. Lundi, l’armée sénégalaise arrive avec plus sept camions pour acheminer les fuyards vers Ziguinchor. Précision de taille: les gouvernements des deux pays étaient en discussion pour le rapatriement organisé des réfugiés. Mais, selon nos sources, il n’était question que d’un lot de 177 personnes.

S’il ne s’agit pas à proprement parler de refoulement, les méthodes employées y ressemblent furieusement dans ce contexte très particulier marqué par des avancées significatives dans le processus de paix d’un conflit qui dure depuis 20 ans. En effet, ces évènements se sont produits (samedi, dimanche, lundi) alors que le président Wade recevait en grandes pompes le chef historique du MFDC à Dakar. Ils surviennent également une semaine après la visite du Premier ministre sénégalais, Idrissa Seck, à Banjul, sa première sortie officielle depuis sa nomination à la tête du gouvernement en novembre dernier. Les autorités de Gambie, selon plusieurs observateurs, n’ont pas apprécié que la prochaine rencontre du MFDC se déroule à Bissau, et non à Banjul comme par le passé.

Ces incidents (refoulement des réfugiés sénégalais et incidents sur les routes) vont vraisemblablement tendre davantage les relations entre les deux pays, que leurs autorités respectives étaient difficilement parvenus à recoller, vaille que vaille.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 08/05/2003