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Etats-Unis

La France dénonce une campagne de «désinformation»

L’ambassadeur de France à Washington s’est plaint dans une lettre à la Maison Blanche et au Congrès d’une campagne de désinformation organisée contre Paris.
Jean-David Levitte, ambassadeur de France à Washington, a pris sa plus belle plume pour écrire à la Maison Blanche et aux dirigeants du Congrès. Objet de cette missive inhabituelle : le diplomate français se plaint d’une «campagne de désinformation organisée» par les médias américains au cours des derniers mois qui trouve ses sources au sein même de l’administration Bush. L’information, révélée jeudi par le Washington Post, a été confirmée dans la soirée par le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin, en marge d’une réunion à Bruxelles : «Nous ne pouvons pas accepter qu’ainsi se développent des critiques contre la France aussi infondées (…) Nous voulons travailler avec nos amis et alliés américains dans un esprit de responsabilité, de vérité et de clarté. Il y a un problème ? Traitons-le. Ne laissons pas la rumeur s'immiscer entre nous. Ce n'est pas digne des relations entre nos deux pays».

Interrogé sur cette lettre, le porte-parole adjoint de la Maison Blanche, Scott McClellan, a déclaré que «ces faits ne reposent sur aucune base», ajoutant que le secrétaire d'État Colin Powell «l'a dit très justement récemment quand il a estimé que la France et les Etats-Unis suivent une thérapie conjugale depuis 200 ans». Pour sa part, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, jamais en retard d’une pique en direction de la «Vieille Europe», affirme «ne pas être au courant d’une telle campagne», mais concède son peu de désir de collaborer avec des pays qui n’ont pas soutenu Washington lors de la guerre en Irak.

Mais dans sa lettre, dont le contenu est publié sur le site de l’ambassade de France à Washington, Jean-David Lévitte ne se contente pas de déplorer la campagne. Il donne, en annexe à son courrier, huit exemples d’allégations hostiles à la France parues dans la presse américaine s’appuyant sur des informations manifestement puisées auprès de l’administration Bush, qu’il s’agisse de la Maison Blanche, du Pentagone ou des services de renseignement. La plupart de ces articles, parus dans les principaux journaux américains (Washington Post, New York Times, Washington Times ou Wall Street Journal) mettent en cause l’attitude de la France à l’égard du régime de Saddam Hussein.

La France se rebiffe et contre-attaque

Un article accuse Paris d’avoir livré des armes à l’Irak jusqu’à la guerre, un autre affirme que Paris a livré à Bagdad des détonateurs de bombes atomiques , un troisième que la France détient des souches de variole comme l’Irak, la Corée du nord ou la Russie, ou encore, que le consulat de France à Damas à délivré des visas Schengen à des dignitaires du régime de Saddam Hussein pour leur permettre de fuir et de se réfugier en Europe.

Aux États-Unis, il est généralement mal vu de critiquer ainsi les médias, dont la liberté d’expression est garantie intégralement par le Premier amendement à la constitution. Mais les faits allégués ont été abondamment reproduits dans la presse américaine, et personne à Washington ne met en doute le fait que ces articles ont été pour certains suscités, pour d’autres bien accueillis par l’administration Bush, ulcérée par la position de Paris dans la crise irakienne.

C’est sans doute ce qui explique l’étonnement intéressé de la plupart des commentateurs après la publication de cette lettre : la France, loin de rentrer dans le rang comme elle en était sommée par les États-Unis, se rebiffe et contre-attaque, en pleine discussion au Conseil de sécurité sur la levée des sanctions contre Bagdad. Les démentis mollement apportés par la Maison Blanche et le Pentagone de convainquent pas. Chacun attend la suite, car entre Paris et Washington, la partie n’est sûrement pas terminée.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 16/05/2003