Mondialisation
Le Nepad, entre idéal et utopie
A la veille de l’ouverture du G8, à Evian, le 1er juin, les dirigeants africains se sont réunis pour donner de la chair au Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Ce plan de développement «par et pour» les Africains préconise la «bonne gouvernance» et un mécanisme de contrôle politique mutuel. Sa crédibilité est déjà mise à l’épreuve, avec la crise au Zimbabwe.
De notre correspondante en Afrique du Sud
Chris Stals, un Sud-Africain blanc ancien gouverneur de la Banque centrale, a accepté le 29 mai de faire partie des six personnalités éminentes chargées de superviser le mécanisme de contrôle mutuel prévu par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Graca Machel, l’ancienne première dame du Mozambique, et épouse de Nelson Mandela, fera également partie de cette entité, aux côtés de plusieurs experts africains. Chris Stals a avoué ne pas savoir grand chose de sa future mission. En principe, le «mécanisme de revue par les pairs» devrait servir de garde-fou pour tous les Etats africains qui s’éloigneraient de la «bonne gouvernance». Mercredi, une vingtaine de chefs d’Etat africains se sont réunis à Abuja, au Nigeria, pour nommer ce comité et démontrer leur engagement vis-à-vis du Nepad. Un an après l’approbation de ce plan lors du G8 de Kananaskis, au Canada, l’enjeu, pour l’Afrique, consiste à ne pas se faire oublier. A Evian, il ne s’agira pas de décrocher de nouveaux crédits, mais d’éviter qu’il ne soit question que de l’Irak et de sa reconstruction.
Lancé en septembre 2001, le Nepad est né de la fusion du Programme pour le millénaire africain (Map) du président sud-africain Thabo Mbeki et du plan Oméga du président sénégalais Abdoulaye Wade. Il a déjà réussi la prouesse de surmonter les divergences de ses principaux architectes, auxquels il faut ajouter le chef de l’Etat nigérian Olusegun Obasanjo ainsi que le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Reste à convaincre, à Evian, de la volonté réelle des Africains à prendre en mains leur propre développement, mais aussi à veiller entre eux au respect des droits de l’Homme, de la transparence et de la démocratie.
Sur un continent où les guerres sont toujours plus nombreuses que les exemples d’élections transparentes et d’alternances démocratiques, la mission s’avère pour le moins difficile.
Vaste programme, qui va de la lutte contre la corruption à des projets d’infrastructures en vue de l’intégration économique du continent, le Nepad est défendu comme un idéal par les uns. Et dénoncé comme une utopie par les autres. «C’est un souffle nouveau», défend Wiseman Nkhulu, conseiller économique de Thabo Mbeki, chargé du secrétariat général du Nepad à Pretoria. «Une coquille vide», affirme pour sa part le patron d’une grande société minière sud-africaine, déçu par la diplomatie «silencieuse» de Pretoria et d’Abuja à l’égard de Robert Mugabe, le chef de l’Etat zimbabwéen.
Des ONG africaines contre le Nepad, à Evian
«Comment le monde peut-il avoir confiance en l’Union Africaine, quand son tout premier président ne traite pas de manière efficace la question du Zimbabwe ?», s’est par ailleurs demandé un député du Parti démocratique (DP, opposition) au Parlement sud-africain. Les mêmes interrogations prévalent en Grande-Bretagne, où l’on suit avec une sensibilité particulière l’évolution du Zimbabwe. Dans cette ancienne colonie, près de 4 500 fermiers, pour la plupart des descendants de sujets britanniques, ont été expulsés de leurs fermes ces trois dernières années. Aussi Valérie Amos, la ministre britannique en charge de l’Afrique, a-t-elle mis en garde contre le «danger de voir l’Union européenne et le G8 perdre leur enthousiasme sur l’approche collective qui se trouve au cœur du Nepad», en raison d’une certaine indulgence africaine à l’égard du Zimbabwe. Ailleurs en Afrique, des voix critiques s’élèvent aussi.
Le Nepad «n’a rien à offrir à la Namibie», ont conclu en mars dernier les experts de l’Unité de recherche en politique économique, un centre de recherche public basé à Windhoek. Le Nepad a été considéré comme «vendu» auprès d’un petit groupe de dirigeants africains et du G8, sans être forcément approuvé par la base en Afrique. Pour la branche zambienne de l’ONG internationale Jubilee, qui milite pour l’annulation de la dette des pays pauvres, la légitimité du Nepad est d’ores et déjà écornée par son silence sur le sida. Thabo Mbeki, le président sud-africain, a dénoncé «l’ignorance» de ces critiques. Il s’est irrité à l’avance du projet de certaines ONG africaines d’aller manifester contre le Nepad à Evian. «Etrangement, des Africains iront au G8 dire aux pays industrialisés de ne rien faire pour l’Afrique», a-t-il déclaré.
Chris Stals, un Sud-Africain blanc ancien gouverneur de la Banque centrale, a accepté le 29 mai de faire partie des six personnalités éminentes chargées de superviser le mécanisme de contrôle mutuel prévu par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Graca Machel, l’ancienne première dame du Mozambique, et épouse de Nelson Mandela, fera également partie de cette entité, aux côtés de plusieurs experts africains. Chris Stals a avoué ne pas savoir grand chose de sa future mission. En principe, le «mécanisme de revue par les pairs» devrait servir de garde-fou pour tous les Etats africains qui s’éloigneraient de la «bonne gouvernance». Mercredi, une vingtaine de chefs d’Etat africains se sont réunis à Abuja, au Nigeria, pour nommer ce comité et démontrer leur engagement vis-à-vis du Nepad. Un an après l’approbation de ce plan lors du G8 de Kananaskis, au Canada, l’enjeu, pour l’Afrique, consiste à ne pas se faire oublier. A Evian, il ne s’agira pas de décrocher de nouveaux crédits, mais d’éviter qu’il ne soit question que de l’Irak et de sa reconstruction.
Lancé en septembre 2001, le Nepad est né de la fusion du Programme pour le millénaire africain (Map) du président sud-africain Thabo Mbeki et du plan Oméga du président sénégalais Abdoulaye Wade. Il a déjà réussi la prouesse de surmonter les divergences de ses principaux architectes, auxquels il faut ajouter le chef de l’Etat nigérian Olusegun Obasanjo ainsi que le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Reste à convaincre, à Evian, de la volonté réelle des Africains à prendre en mains leur propre développement, mais aussi à veiller entre eux au respect des droits de l’Homme, de la transparence et de la démocratie.
Sur un continent où les guerres sont toujours plus nombreuses que les exemples d’élections transparentes et d’alternances démocratiques, la mission s’avère pour le moins difficile.
Vaste programme, qui va de la lutte contre la corruption à des projets d’infrastructures en vue de l’intégration économique du continent, le Nepad est défendu comme un idéal par les uns. Et dénoncé comme une utopie par les autres. «C’est un souffle nouveau», défend Wiseman Nkhulu, conseiller économique de Thabo Mbeki, chargé du secrétariat général du Nepad à Pretoria. «Une coquille vide», affirme pour sa part le patron d’une grande société minière sud-africaine, déçu par la diplomatie «silencieuse» de Pretoria et d’Abuja à l’égard de Robert Mugabe, le chef de l’Etat zimbabwéen.
Des ONG africaines contre le Nepad, à Evian
«Comment le monde peut-il avoir confiance en l’Union Africaine, quand son tout premier président ne traite pas de manière efficace la question du Zimbabwe ?», s’est par ailleurs demandé un député du Parti démocratique (DP, opposition) au Parlement sud-africain. Les mêmes interrogations prévalent en Grande-Bretagne, où l’on suit avec une sensibilité particulière l’évolution du Zimbabwe. Dans cette ancienne colonie, près de 4 500 fermiers, pour la plupart des descendants de sujets britanniques, ont été expulsés de leurs fermes ces trois dernières années. Aussi Valérie Amos, la ministre britannique en charge de l’Afrique, a-t-elle mis en garde contre le «danger de voir l’Union européenne et le G8 perdre leur enthousiasme sur l’approche collective qui se trouve au cœur du Nepad», en raison d’une certaine indulgence africaine à l’égard du Zimbabwe. Ailleurs en Afrique, des voix critiques s’élèvent aussi.
Le Nepad «n’a rien à offrir à la Namibie», ont conclu en mars dernier les experts de l’Unité de recherche en politique économique, un centre de recherche public basé à Windhoek. Le Nepad a été considéré comme «vendu» auprès d’un petit groupe de dirigeants africains et du G8, sans être forcément approuvé par la base en Afrique. Pour la branche zambienne de l’ONG internationale Jubilee, qui milite pour l’annulation de la dette des pays pauvres, la légitimité du Nepad est d’ores et déjà écornée par son silence sur le sida. Thabo Mbeki, le président sud-africain, a dénoncé «l’ignorance» de ces critiques. Il s’est irrité à l’avance du projet de certaines ONG africaines d’aller manifester contre le Nepad à Evian. «Etrangement, des Africains iront au G8 dire aux pays industrialisés de ne rien faire pour l’Afrique», a-t-il déclaré.
par Sabine Cessou
Article publié le 31/05/2003