Togo
Candidatures multiples pour un seul tour
Les partis sont en ordre de bataille pour les présidentielles du 1er juin. En ce début de campagne, le candidat de la Convention des peuples africains (CDPA), Léopold Gnininvi, se retire de la course, pour appuyer celui du Parti des forces du changement (PFC), Emmanuel Bob Akitani, qui porte l’étendard de Gilchrist Olympio, exclu de la compétition. Les autres partis de l’opposition paraissent avoir enterré leur quête d’une candidature unique à l’extérieur de leurs rangs. Mais de nouveaux rapprochements ne sont pas a exclure à la veille du scrutin.
C’est un scrutin présidentiel à un tour. Il n’y aura pas de session de rattrapage. Après le boycott de 1993, c’est aujourd’hui l’éparpillement des voix qui peut donner au président-général Eyadema un nouveau bail – le troisième – de 5 ans sur la maison Togo, sans même qu’il soit besoin de mégoter sur le contenu exact des urnes, comme en 1998, où certaines ont été confisquées manu militari, au nez et à la barbe d’observateurs européens. De conciliabules en rencontre en Allemagne – tout récemment –, l’opposition togolaise ne s’est pour autant pas accordée sur une candidature unique, chacun de ses leaders caressant plus ou moins secrètement le vœu de rallier les autres à son propre flambeau. Léopold Gnininvi est le premier à s’imposer la discipline du renoncement. Ce faisant, il ne rompt pas avec la stratégie de son parti, dit-il, la CDPA qui préconise «démocratie d’abord, multipartisme ensuite». Une manière de resituer l’adversaire principal dans la joute électorale.
«La CDPA considère que la première semaine de campagne peut tenir lieu de premier tour. Après avoir sillonné un certain nombre de préfectures, il nous apparaît que le candidat Bob Aketani, soutenu par Gilchrist Olympio, est en tête dans les intentions de vote. Le peuple semble avoir choisi lui-même son candidat unique.» Le professeur Gnininvi ne désespère pas de voir d’autres imiter son geste. Le geste d’un petit parti socialiste, certes, mais un geste à vingt millions de francs CFA quand même, le montant des frais d’inscription dans la course présidentielle. Pour sa part, le chef du Comité d’action pour le renouveau (Car), maître Yawovi Agboyibo n’en est pas là, même s’il partage peu ou prou la même analyse. «Moi qui suis président d’un parti, je vous le dis : la seule candidature qui puisse aujourd’hui rassembler autour d’une alternative efficace, c’est la candidature de Gilchrist Olympio et, s’il est lui-même disqualifié, celle de l’UFC», expliquait-il début mai.
En 1994, le CAR avait remporté 32 des 37 sièges de députés enlevés par l’opposition. Une victoire quasiment inutile au plan du travail législatif, se justifiait maître Agboyibo à l’époque, en invoquant le verrouillage du système. Fin juriste et politique astucieux, le «bélier noir» a créé son parti en 1991 sur les fondations du Front des associations pour le renouveau, moins estampillé «opposition», qui avait accompagné les débuts de la vague de contestation en 1990. Le régime Eyadema a survécu à la conférence nationale «souveraine» (juillet-août 1991) et maître Agboyibo a tâté de sa prison d’août 2001 à mars 2002, sur des accusations de «diffamation» du Premier ministre de l’époque, Agbéyomé Kodjo en exil en France depuis qu’il a lui-même critiqué le régime. Aujourd’hui, Yawovi Agboyibo rappelle à ses électeurs «Vous savez, c’est un scrutin à un tour. Vous avez intérêt à bien tirer pour marquer le but le 1er juin prochain, afin de mettre fin au régime Eyadéma».
Vengeances ratées et démocratisation ratée
Candidat unique de l’opposition en 1993, Edem Kodjo roule aujourd’hui seul à bord de sa Convergence patriotique panafricaine (CPP), fruit de la fusion de quatre petits partis. Son passage à la primature, entre 1994 et 1996, lui a plutôt fait perdre des plumes. Et son panache de secrétaire général de l’OUA ( 1978-1983) poussé par Gnassingbe Eyadema s’est empoussiéré. Reste sans doute quelque notoriété, un bon carnet d’adresses, franco-africain en particulier, et un savoir-faire diplomatique. En froid avec le régime dans les années quatre vingt, l’ancien dignitaire est revenu au pays en opposant, en 1990. Mais comme la plupart de ses nouveaux compagnons de route, il peine à marquer une différence qui compte vraiment dans la course aux électeurs. Une course largement dominée par l’image mythique du père assassiné (le défunt président Sylvanus) du fils Olympio (Gilchrist), lui-même victime d’un attentat au pays, en 1992, avec entre les deux des vengeances ratées et une démocratisation avortée à coup de fusils.
La commission électorale a rejeté la candidature de Gilchrist Olympio, pour défaut de quitus fiscal et de résidence permanente au Togo douze mois avant le scrutin. C’est un «Vieux» Monsieur de soixante-dix ans passé qui relève le gant. Un ancien ingénieur du pétrole investi par un Parti des forces du changement (PFC) chargé d’incarner la symbolique politico-familiale qui en 1998 a valu officiellement la deuxième place à Gilchrist Olympio, derrière le général Eyadema, la première selon ses partisans, un score suffisamment bon en tout cas pour inciter le régime à multiplier les précautions contre son adversaire historique. Mais le saccage économique de la poule aux oeufs d’or togolaise (ex «Suisse» d’Afrique) a fait émerger d’autres opposants, sortis tout droit de l’ancien parti unique. C’est le cas en particulier du candidat Maurice Dahuku Péré, ancien secrétaire général du Rassemblement du peuple togolais, le RPT au pouvoir.
Ancien responsable de la jeunesse du parti, ancien député, ancien président de l’Assemblée nationale, baron du régime, Dahuku Péré a été exclu du RPT en août 2002 pour «haute trahison». Alarmé par la paralysie économique - consécutive aux turbulences politiques en général mais liée en particulier aux sanctions européennes décidées après les élections contestées de 1998 -, Dahuku Péré avait visiblement estimé qu’il était temps que le régime regagne la confiance des bailleurs de fonds. Il s’était voulu chef de file d’un mouvement de «Rénovateurs» au sein du RPT. Au lieu de lui valoir le crédit de la loyauté, ses critiques sur le mode de gouvernance du parti lui ont valu une éjection immédiate. Tandis qu’Agbéyomé Kodjo, limogé en juin 2002 s’envolait en exil pour une approche similaire, Dahuku Péré rejoignait l’opposition avec son tout nouveau Pacte socialiste pour le renouveau (PSR) qui l’a investi pour les présidentielles. Reste à savoir s’il fera un pas de plus en direction d’un autre candidat mieux placé. Le départ des deux hommes marque en tout cas une lézarde dans l’édifice RPT.
«La CDPA considère que la première semaine de campagne peut tenir lieu de premier tour. Après avoir sillonné un certain nombre de préfectures, il nous apparaît que le candidat Bob Aketani, soutenu par Gilchrist Olympio, est en tête dans les intentions de vote. Le peuple semble avoir choisi lui-même son candidat unique.» Le professeur Gnininvi ne désespère pas de voir d’autres imiter son geste. Le geste d’un petit parti socialiste, certes, mais un geste à vingt millions de francs CFA quand même, le montant des frais d’inscription dans la course présidentielle. Pour sa part, le chef du Comité d’action pour le renouveau (Car), maître Yawovi Agboyibo n’en est pas là, même s’il partage peu ou prou la même analyse. «Moi qui suis président d’un parti, je vous le dis : la seule candidature qui puisse aujourd’hui rassembler autour d’une alternative efficace, c’est la candidature de Gilchrist Olympio et, s’il est lui-même disqualifié, celle de l’UFC», expliquait-il début mai.
En 1994, le CAR avait remporté 32 des 37 sièges de députés enlevés par l’opposition. Une victoire quasiment inutile au plan du travail législatif, se justifiait maître Agboyibo à l’époque, en invoquant le verrouillage du système. Fin juriste et politique astucieux, le «bélier noir» a créé son parti en 1991 sur les fondations du Front des associations pour le renouveau, moins estampillé «opposition», qui avait accompagné les débuts de la vague de contestation en 1990. Le régime Eyadema a survécu à la conférence nationale «souveraine» (juillet-août 1991) et maître Agboyibo a tâté de sa prison d’août 2001 à mars 2002, sur des accusations de «diffamation» du Premier ministre de l’époque, Agbéyomé Kodjo en exil en France depuis qu’il a lui-même critiqué le régime. Aujourd’hui, Yawovi Agboyibo rappelle à ses électeurs «Vous savez, c’est un scrutin à un tour. Vous avez intérêt à bien tirer pour marquer le but le 1er juin prochain, afin de mettre fin au régime Eyadéma».
Vengeances ratées et démocratisation ratée
Candidat unique de l’opposition en 1993, Edem Kodjo roule aujourd’hui seul à bord de sa Convergence patriotique panafricaine (CPP), fruit de la fusion de quatre petits partis. Son passage à la primature, entre 1994 et 1996, lui a plutôt fait perdre des plumes. Et son panache de secrétaire général de l’OUA ( 1978-1983) poussé par Gnassingbe Eyadema s’est empoussiéré. Reste sans doute quelque notoriété, un bon carnet d’adresses, franco-africain en particulier, et un savoir-faire diplomatique. En froid avec le régime dans les années quatre vingt, l’ancien dignitaire est revenu au pays en opposant, en 1990. Mais comme la plupart de ses nouveaux compagnons de route, il peine à marquer une différence qui compte vraiment dans la course aux électeurs. Une course largement dominée par l’image mythique du père assassiné (le défunt président Sylvanus) du fils Olympio (Gilchrist), lui-même victime d’un attentat au pays, en 1992, avec entre les deux des vengeances ratées et une démocratisation avortée à coup de fusils.
La commission électorale a rejeté la candidature de Gilchrist Olympio, pour défaut de quitus fiscal et de résidence permanente au Togo douze mois avant le scrutin. C’est un «Vieux» Monsieur de soixante-dix ans passé qui relève le gant. Un ancien ingénieur du pétrole investi par un Parti des forces du changement (PFC) chargé d’incarner la symbolique politico-familiale qui en 1998 a valu officiellement la deuxième place à Gilchrist Olympio, derrière le général Eyadema, la première selon ses partisans, un score suffisamment bon en tout cas pour inciter le régime à multiplier les précautions contre son adversaire historique. Mais le saccage économique de la poule aux oeufs d’or togolaise (ex «Suisse» d’Afrique) a fait émerger d’autres opposants, sortis tout droit de l’ancien parti unique. C’est le cas en particulier du candidat Maurice Dahuku Péré, ancien secrétaire général du Rassemblement du peuple togolais, le RPT au pouvoir.
Ancien responsable de la jeunesse du parti, ancien député, ancien président de l’Assemblée nationale, baron du régime, Dahuku Péré a été exclu du RPT en août 2002 pour «haute trahison». Alarmé par la paralysie économique - consécutive aux turbulences politiques en général mais liée en particulier aux sanctions européennes décidées après les élections contestées de 1998 -, Dahuku Péré avait visiblement estimé qu’il était temps que le régime regagne la confiance des bailleurs de fonds. Il s’était voulu chef de file d’un mouvement de «Rénovateurs» au sein du RPT. Au lieu de lui valoir le crédit de la loyauté, ses critiques sur le mode de gouvernance du parti lui ont valu une éjection immédiate. Tandis qu’Agbéyomé Kodjo, limogé en juin 2002 s’envolait en exil pour une approche similaire, Dahuku Péré rejoignait l’opposition avec son tout nouveau Pacte socialiste pour le renouveau (PSR) qui l’a investi pour les présidentielles. Reste à savoir s’il fera un pas de plus en direction d’un autre candidat mieux placé. Le départ des deux hommes marque en tout cas une lézarde dans l’édifice RPT.
par Monique Mas
Article publié le 27/05/2003 Dernière mise à jour le 26/05/2003 à 22:00 TU