Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Monnaie unique européenne

L’euro retrouve son cours de lancement

Quatre ans et demi après son lancement, l’euro a atteint 1,1737 dollar, dépassant son cours de lancement de janvier 1999 (1,1665 dollar).
Ce sont les propos du ministre américain des Finances, John Snow, qui ont accéléré une chute déjà bien engagée. Participant ce week-end à Deauville à un G-7 finances, le grand argentier des États-Unis, après avoir rituellement rappelé que son gouvernement soutenait la politique d’un dollar fort, a minimisé les mouvements observés sur les marchés des changes, les qualifiant d’«assez modestes». En outre, John Snow a ajouté qu’à ses yeux, «la valeur du dollar reflète les fondamentaux de l’offre et de la demande de devises». Autrement dit, le cours du dollar n’est que le reflet de l’économie américaine. Auparavant, John Snow avait souligné que «lorsque le dollar est à un niveau plus faible, cela aide les exportations», et que c’était donc bon pour l’économie américaine.

Difficile de n’y voir que des gaffes à répétitions. Même si Francis Mer, le ministre français des Finances, assure que la baisse du dollar ne relève pas d’une stratégie américaine, il est permis de penser, pour le moins, que les autorités d’outre-Atlantique ne sont pas chagrinées de laisser filer leur devises.

Première certitude: ce n’est pas principalement en Europe que réside l’explication de cette évolution: l’Europe politique est loin d’être faite, les désaccord intraeuropéens ont éclaté au grand jour à propos de l’Irak et on les constate sur d’autres sujets, les politiques économiques divergent et les trois plus grosses économies de l’Union européenne sont atones, voire en récession, enfin, si les taux d’intérêts restent plus élevés dans la zone euro (2,5%) qu’aux États-Unis (1,5%), le différentiel des taux (un point) n’est pas suffisant pour rendre compte d’une telle glissade du dollar au profit de l’euro: plus de 9% depuis le début de l’année, 17% depuis le mois de novembre!

C’est donc du côté des États-Unis qu’il faut chercher les explications. Comme toujours en matière monétaire, elles relèvent à la fois de l’économie pure, et de la politique. Sur le plan économique, le creusement des «déficits jumeaux» ne peut qu’inquiéter les détenteurs de dollars: la balance commerciale américaine ne cesse de se dégrader, et l’endettement, tant intérieur qu’international du pays, atteint des sommets. Et ce ne sont pas les mesures de réduction d’impôt décidées par l’administration Bush qui vont permettre de rétablir l’équilibre budgétaire, du moins à court terme.

L’euro, monnaie de réserve concurrente du dollar

Le grand avantage des États-Unis, c’est qu’ils fabriquent eux-mêmes la monnaie de réserve internationale qui domine les marchés internationaux, et notamment celui de la dette. Ils ont donc un privilège exclusif: celui de rembourser leur propre dette avec une monnaie dévaluée, pour peu qu’ils en décident ainsi. D’autre part, par un effet mécanique, les produits américains libellés en dollar sont moins chers pour les acheteurs étrangers alors que les biens et services en euros se renchérissent dans la même proportion. C’est donc favorable aux exportations américaines, et pénalise la croissance des industries européennes.

Pour autant, l’appréciation constante de l’euro face au dollar, et toutes les autres devises, redonne corps à l’idée que l’euro pourrait, sinon supplanter, du moins concurrencer le dollar en tant que monnaie internationale de réserve. Actuellement, la devise américaine est, par défaut, la seule à jouer ce rôle sur le plan international, même si, lors de l’introduction de l’euro, un certain nombre de banques centrales ont rééquilibré leurs avoirs en devises au profit de la nouvelle monnaie européenne.

Pour les économies européennes, cela représenterait un avantage considérable: celui de réduire voire, dans certains cas, d’éliminer le risque de change dans leurs échanges extérieurs à la zone euro. Car la notion de monnaie forte ou de monnaie faible laisse de côté une donnée fondamentale, celle de la stabilité. Forte ou faible, il ne suffit pas d’avoir pour sa devise la valeur considérée comme «juste» par les économistes ou les marchés. Encore faut-il s’y tenir. Voici quelques mois, on entendait les Européens se lamenter que l’euro était trop faible par rapport au dollar. On entend désormais la complainte inverse. On pourrait dire, symétriquement, la même chose des États-Unis. Mais davantage que le cours lui-même, quel qu’il soit, c’est la rapidité de sa variation depuis six mois qui inquiète, car nul ne semble capable de la contrôler, ni même le désirer, si l’on en croit les paroles de John Snow ce week-end sur les rivages normands.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 19/05/2003