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Monnaie unique européenne

L’euro et le dollar s’installent dans la parité

Quatre ans après sa création, et un an après sa mise en circulation, l’euro semble se stabiliser au niveau du dollar.
Quelques jours après sa création, le 1er janvier 1999, l’euro avait grimpé à un cours de 1,1885 dollar, suscitant la fierté de ses parrains, et surtout de la Banque centrale européenne (BCE), héritière de la conception de la Bundesbank de défense d’une devise forte et d’une lutte implacable contre l’inflation. Déjà, des éditoriaux mettaient en garde l’Europe contre une surévaluation de sa devise qui ne manquerait pas d’avoir un impact négatif sur ses exportations et sa croissance. D’autres, au contraire, voyaient déjà la monnaie unique européenne détrôner le dollar comme monnaie de réserve.

Mais cela ne dura guère, et au fil des mois, l’euro commença une glissade ininterrompue qui le fit passer sous la parité avec le dollar pour atteindre un plancher de résistance de 0,8230 dollars en octobre 2000. Pour les analystes, cette érosion de la devise européenne s’expliquait par plusieurs facteurs : un cours d’introduction trop élevé avait amené le marché à corriger l’attitude présomptueuse des autorités monétaires européennes, l’incapacité des gouvernements européens à donner un sentiment d’unité politique, une croissance américaine plus prometteuse qu’en Europe étaient souvent cités comme les raisons de cette faiblesse. Mais au fil des mois, de plus en plus fréquemment, une autre explication fut avancée qui gagnait toujours plus d’adepte : la faiblesse persistante de l’euro avait pour cause principale le refus obstiné de la BCE et de son président, Wim Duisenberg que ses gaffes rendirent célèbre, d’abaisser les taux d’intérêts directeurs alors même que l’économie européenne semblait frappée d’asthénie.

Pourtant, dans la théorie monétaire classique, des taux d’intérêt élevés vont de pair avec une monnaie forte, voire surévaluée : les capitaux flottants, guettant des rémunérations plus attrayantes, s’investissent en masse dans les devises à fort taux d’intérêt réel. Mais dans l’économie complexe et mondialisée que nous connaissons aujourd’hui, les vieilles théories semblent fonctionner à front renverser. Les opérateurs, voyant que la BCE refuse de baisser les taux alors même que guette le marasme économique, anticipent une baisse d’activité accrue, voire une récession, ce qui n’est pas bon pour les affaires, et par conséquent, pas bon pour la monnaie.

Par contraste, ces mêmes observateurs semblaient plébisciter la réactivité de la Réserve fédérale américaine, qui n’hésitait pas à pratiquer un pilotage fin de l’économie, révisant ses taux à la baisse plusieurs fois dans l’année, pour contrer les tendances déflationnistes.

Les investisseurs craignent la guerre en Irak

Pourtant, à la surprise générale, l’euro recommença à s’affirmer face au dollar au début de l’année 2002, jusqu’à dépasser pour quelque jours la parité au mois de juillet. Cette hardiesse ne dura guère, mais en novembre, l’euro franchit à nouveau le seuil pendant près d’une semaine. Et voilà que depuis plusieurs semaines, l’euro semble s’installer durablement au dessus de la parité.

Jamais en manque d’explication pour trouver une raison à des mouvements contraires, les économistes voient aujourd’hui plusieurs raisons à cette vigueur retrouvée : l’effondrement des marchés boursiers aux États-Unis à la suite des scandales Enron et WorldCom ont durablement affecté la confiance dans l’économie américaine, la baisse continue des taux d’intérêts américains a fini par faire perdre beaucoup de leur attrait aux investissements en dollar. Enfin, et peut-être surtout, la perspective d’une guerre en Irak joue contre le dollar : la guerre, ou l’attente d’une guerre ne sont généralement pas des facteurs favorables, mais en l’espèce, le coût annoncé de celle-ci et de la reconstruction qui suivra, parfois estimé à 200 milliards de dollars (ou d’euros !) est de nature à inquiéter les investisseurs qui savent que cette fois-ci, contrairement à la guerre du Koweït, les alliés des États-Unis, qu’ils soient arabes, japonais, ou européens, ne mettront pas la main au portefeuille.

Mais il est une leçon principale qui se dégage de ces trois années : c’est que l’évolution du cours de l’euro vis-à-vis du dollar dépend un peu de la situation en Europe, et beaucoup de la situation aux États-Unis. Même lorsqu’il se raffermit face au dollar, l’euro est encore à la traîne.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 16/12/2002