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Monnaie unique européenne

Euro et inflation : l’Italie et l’Allemagne aussi

Le débat sur la réalité de l’inflation liée au passage des monnaies nationales à l’euro depuis janvier 2002 fait rage dans de nombreux pays européens. En Italie ou en Allemagne, comme en France, les chiffres de l’inflation fournis par les organismes officiels de statistiques diffèrent de ceux des associations de consommateurs. Quant aux consommateurs eux-mêmes, ils ont leur opinion.
De nos correspondants à Rome et Berlin

Symbole par excellence du dérapage des étiquettes en Italie, depuis le passage de la lire à l’euro : le concombre dont le prix a augmenté de 483%. Il s’agit d’un exemple extrême mais, dans la péninsule, le prix de nombre de produits, des fruits et légumes aux pizzas en passant par les cassettes-audio, ne cessent de flamber et les familles constatent, avec effroi, qu’elles dépensent aussi rapidement un billet de 50 euros qu’auparavant un billet de 50 000 lires, or 50 euros valent le double de 50 000 lires.

Selon l’indice des prix de détail publié par l’Istat, (centre national de statistiques) ceux–ci ont augmenté de 0,1% en juillet, soit une inflation annuelle de 2,3%. Parmi les secteurs les plus incriminés l’hôtellerie et la restauration (+ 4,2 %), les loisirs (+ 3,2%) et les produits alimentaires
(+ 2,8%). Mais des études menées par les principales associations de consommateurs et l’Eurispes, un institut de statistiques privé, évaluent le taux d’inflation annuel de 8% à 9%. L’Istat aurait notamment négligé l’augmentation des tarifs de certains services, dont les assurances-auto.

Contraint de reconnaître que l’inflation dépasse les prévisions, le gouvernement de Silvio Berlusconi se réunit le 30 août pour envisager des solutions permettant de freiner les augmentations. La principale mesure consisterait à geler, jusqu’à la fin 2003, les tarifs de certains services: eau gaz, électricité. Par ailleurs, le ministre de l’Economie, Giulio Tremonti, a annoncé qu’il mettrait en place une équipe de police financière, pour dénicher les spéculateurs.

Il a également proposé de créer un billet de un euro, sur le modèle du dollar américain, «afin de rendre sa valeur plus évidente». Quant aux associations de consommateurs, elles sont sur le pied de guerre et ont lancé un appel à la «grève des achats» le 12 septembre prochain.

Inflation réelle, inflation ressentie

En Allemagne, un repas au restaurant, une bière dans un bar, une visite chez le coiffeur ou au cinéma : les services ont eu la main lourde lorsque le bon vieux deutsche mark a dû être abandonné. La valse des étiquettes a été en moyenne de 3% à 5%. Ces hausses peuvent paraître minimes. Mais pour les Allemands aucun doute, l’euro est bien un «teuro», un jeu de mots entre le nom de la nouvelle monnaie et le mot «teuer» qui signifie «cher».

Au printemps, avec retard, le grand journal populaire «Bild Zeitung», fort de ses 12 millions de lecteurs lançait une campagne contre ces excès. Se présentant comme «teuro-sheriff», le quotidien clouait au pilori les commerçants trop gourmands tel un vendeur de glaces accusé d’avoir augmenté ses prix de 37%. Les autres médias ont suivi et les politiques ont dû réagir. La ministre de la consommation verte Renate Künast a lancé un sommet anti-teuro.

Mais la hantise des Allemands face à l’inflation est surtout psychologique. Une enquête de l’office des statistiques montre que l’introduction de l’euro «n’a pas eu d’influence mesurable» sur la hausse des prix, à l’exception des services. Pour l’institut économique IW, «le consommateur prend avant tout en considération les produits de base qu’il achète quotidiennement. Et les augmentations concernent souvent ces derniers». D’autres biens comme les loyers, le fuel domestique ou le gaz, des postes de dépenses importants, sont restés inchangés ou sont moins chers.

La psychologie joue un rôle non négligeable pour jauger l’inflation «ressentie». Face à ses clients critiquant les hausses de prix, le restaurateur berlinois Klaus-Dieter Richter a trouvé une parade : il leur présente son ancienne carte en marks prouvant qu’il n’a pas préféré le teuro à l’euro.



par Anne Le Nir et  Pascal Thibaut

Article publié le 29/08/2002