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Justice

Les députés adoptent le texte sur la grande criminalité

L’Assemblée nationale a adopté ce vendredi le projet de loi de lutte contre la grande criminalité présenté par le garde des Sceaux Dominique Perben. Ce texte, qui doit être soumis fin juin aux sénateurs, comprend plusieurs innovations judiciaires telles que la création d’un statut de «repenti» pour les criminels coopérant avec la justice ou bien la rémunération légale des indicateurs de police.
Deux jours d’examen ont suffi aux députés pour approuver un texte clef de la politique du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin en matière de sécurité. Son projet de loi destiné à lutter contre la grande criminalité a été adopté en première lecture en un temps record par une vingtaine de députés présents dans l’hémicycle. Certains parlementaires ont justifié leur absence par le fait que ce texte très technique méritait, à leurs yeux, un débat politique d’envergure et non une discussion parlementaire. Du coup, seuls quelques membres de l’opposition ont exprimé leur refus d’adopter un texte qui risque pourtant de modifier considérablement le fonctionnement des services de justice et de police.

Une des innovations majeures de ce texte est la légalisation d’un système de rémunération des indicateurs. Cette pratique largement généralisée n’était, jusque-là, encadrée par aucune norme légale. Désormais, les indicateurs pourront être rémunérés en toute légalité, de la même manière que le sont les «aviseurs» des services de douanes depuis plusieurs décennies. Cette rétribution pourra se faire sous la forme de sommes d’argent dûment répertoriées par les services de police, ou bien par l’octroi de faveurs spéciales, tel qu’un droit de visite ou un transfert dans une autre prison si l’indicateur se trouve en détention. Auteur de l’amendement établissant cette rémunération, le député UMP Thierry Mariani estimait qu’il était grand temps de mettre un terme à l’hypocrisie et d’encadrer légalement une pratique opaque. Une position notamment critiquée par le député socialiste André Vallini qui redoute de voir se multiplier «les chasseurs de primes».

Autre innovation de poids, l’extension et le renforcement du statut de repenti. L’article 3 du projet de lutte contre la grande criminalité prévoit que ceux qui coopèrent avec la justice peuvent obtenir une atténuation ou une exemption de leur peine. Et comme aux Etats-Unis ou en Italie, certains repentis pourront ensuite bénéficier d’une protection ou d’une aide de l’Etat pour changer d’identité et de vie. Un principe contre lequel les différents partis de l’opposition se sont également élevés, le député communiste Michel Vaxès insistant notamment sur la nécessité pour les délinquants «d’assumer toute la responsabilité de leurs actes délictueux».

La procédure du «plaider-coupable»

Le projet de loi adopté en première lecture par l’Assemble introduit également d’importantes modifications dans le fonctionnement judiciaire. Un nouveau dispositif fait ainsi son apparition, celui du «plaider-coupable». La loi établit une «procédure de jugement sur reconnaissance préalable de culpabilité» basée sur une négociation entre la défense et l’accusation. En reconnaissant les faits pour lesquels elle est poursuivie, une personne peut espérer bénéficier d’une peine moins sévère. Une formule que le procureur de la République ne pourra proposer qu’à un justiciable qu’il envisage de poursuivre pour un délit puni d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement. Cette disposition est destinée à lutter contre l’engorgement des tribunaux, les affaires ne se traitant plus devant une cour mais lors d’une transaction.

Le texte approuvé cette semaine contient également des mesures destinées à lutter contre la surpopulation carcérale. Dans un récent rapport présenté à l’Assemblée, le député UMP Jean-Luc Warsmann avait insisté sur la nécessité de développer les peines alternatives à la prison. Avec plus de 60 000 détenus pour environ 48 600 places, les prisons françaises débordent. Un problème auquel le gouvernement entend s’attaquer en donnant la possibilité aux tribunaux de convertir les peines de prison qu’ils viennent de prononcer en placement sous surveillance électronique. Et les personnes condamnées à un an de prison maximum pourront ainsi être équipées d’un bracelet.

Si ces mesures destinées à éviter l’incarcération systématique ont été acceptées par l’ensemble des députés, il n’en va pas de même pour les dispositions destinées à renforcer l’efficacité du travail des services de police, telles que l’extension des écoutes téléphoniques ou la possibilité de réaliser des perquisitions de nuit. André Vallini a ainsi dénoncé les «dérives potentielles» d’un texte «dangereux pour les libertés individuelles». D’autres aspects de ce projet de loi portant sur le renforcement des pouvoirs du parquet et de la police peuvent, eux, représenter une menace sur le fonctionnement global de la justice en France. Car le système inquisitoire prévalant jusque-là pourrait être remis en question au profit d’un modèle accusatoire dans lequel la personne mise en cause se retrouverait confrontée à un bloc police-parquet cherchant à démontrer sa culpabilité.



par Olivier  Bras

Article publié le 23/05/2003