Tchétchénie
Moscou entend poursuivre la «normalisation»
Malgré les attentats meurtriers commis ces derniers jours, la Russie entend poursuivre le processus politique de «normalisation» qu’elle a initié en Tchétchénie. La prochaine étape devrait être l’organisation à l’automne d’élections présidentielles et législatives.
«Il est toujours plus facile de regarder la situation de loin avec une paire de jumelles». La phrase est de Stanislav Ilyassov, ministre de la Fédération de Russie chargé des Affaires étrangères, qui se trouvait cette semaine en France. L’homme aime rappeler qu’il est né au Daghestan, à une centaine de kilomètres de Grozny, la capitale de Tchétchénie, et qu’il possède donc logiquement une meilleure connaissance de la situation que les observateurs ou organismes internationaux. Les informations qu’il diffuse sont du coup bien souvent fort différentes de celles que possèdent les associations de défense de droits de l’Homme ou les organisations humanitaires. Dans une enquête publiée mardi, l’association Médecins sans frontières révèle par exemple que pratiquement la totalité des réfugiés tchétchènes vivant dans la république russe d’Ingouchie ne souhaitent pas rentrer chez eux car ils ont peur pour leur vie. Des résultats jugés erronés par Stanislav Ilyassov qui explique disposer d’autres données selon lesquelles «96%» des réfugiés veulent, au contraire, quitter leurs misérables camps de toiles et revenir en Tchétchénie.
Venu inaugurer à Paris une exposition de photographies intitulée «La Tchétchénie, terrorisme international, la route vers la paix», Stanislav Ilyassov estime que la situation économique et sociale de la Tchétchénie a connu une nette amélioration au cours des trois dernières années, depuis «la fin des opérations militaires». Et il pense que la région connaît également une transformation complète sur le plan politique, comme l’a démontré, selon lui, l’approbation à une immense majorité en mars dernier d’un référendum dont l’objet principal était l’adoption d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections parlementaires et présidentielles. Pour Moscou, le processus de normalisation est bel et bien en marche et rien ne pourra l’arrêter, pas même l’action des indépendantistes les plus radicaux qui montre pourtant clairement à quel point il est difficile pour Moscou de contrôler la situation sur place.
Deux attentats-suicide ont ainsi eu lieu en l’espace de 48 heures cette semaine. Un camion piégé conduit par trois kamikazes a été lancé mardi contre des bâtiments administratifs dans le bourg de Znamenskoïe, situé dans le nord de la Tchétchénie, faisant 54 morts et plus de 200 blessés. Quarante-huit heures plus tard, des civils tchétchènes étaient victimes d’un nouvel acte terroriste. Une femme kamikaze, qui semblait vouloir venger la mort de son mari, s’est fait exploser mercredi au cours d’une fête religieuse musulmane organisée dans la région de Gourdemès, située à l’est de Grozny. L’attentat visait apparemment le chef de l’administration tchétchène pro-russe Akhmad Kadyrov qui participait à cette rencontre réunissant plusieurs milliers de fidèles. L’explosion a fait, selon des chiffres encore provisoires, 18 morts et environ 150 blessés. Un bilan qui aurait été encore plus meurtrier si une autre kamikaze présente dans cette même fête avait réussi à actionner la ceinture d’explosifs qu’elle portait.
Moscou propose une amnistie
Ces deux derniers attentats contribuent à ébranler le plan de normalisation politique que s’efforce d’appliquer le président russe Vladimir Poutine dans cette région. Dans le sillage des attentats qui se sont produits le 11 septembre 2001 à New York, son gouvernement a lancé une croisade sans merci contre le terrorisme. Et si les méthodes employées par les militaires russes sont largement décriées dans le monde entier, elles ne suscitent en revanche pas de protestation du côté de Washington, les Etats-Unis considérant la Tchétchénie comme un foyer international de terroristes. Américains et Russes pensent en fait être les victimes d’un même réseau, celui d’Al Qaïda. «Les explosions en Arabie Saoudite, en Tchétchénie et en d’autres lieux sont les maillons d’une même chaîne», expliquait ainsi le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Iakovenko, en faisant allusion aux attentats perpétrés contre des bases militaires américaines à Ryad. Une piste que les Etats-Unis examinent également de leur côté, le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, ayant déclaré qu’une enquête était en cours.
Opposé à toute négociation avec les indépendantistes, le Kremlin tente de les marginaliser au sein de la population tchétchène, en insistant notamment sur le lourd bilan meurtrier de leur lutte parmi les civils. Les autorités russes veulent démontrer que le processus de «normalisation» poursuivra de toute façon son cours. Moscou s’était ainsi engagé lors du référendum à proposer l’amnistie aux Tchétchènes qui acceptent de déposer leurs armes. Et le Parlement russe va prochainement se pencher sur un projet de loi proposant l’amnistie des personnes «ayant commis des actes menaçant l’ordre public» depuis le 1er août 1993 et qui «auront renoncé à leur participation dans des formations illégales, cessé la rébellion armée ou livré de leur plein gré armes et matériels avant le 1er août 2003». Vladimir Poutine a demandé aux députés de procéder à un examen prioritaire de ce texte qui devrait être adopté avant la fin du mois de mai.
Ecoutez également :
Stanislav Ilyassov au micro de Pierre Ganz, 15/05/2003, 7'30
Venu inaugurer à Paris une exposition de photographies intitulée «La Tchétchénie, terrorisme international, la route vers la paix», Stanislav Ilyassov estime que la situation économique et sociale de la Tchétchénie a connu une nette amélioration au cours des trois dernières années, depuis «la fin des opérations militaires». Et il pense que la région connaît également une transformation complète sur le plan politique, comme l’a démontré, selon lui, l’approbation à une immense majorité en mars dernier d’un référendum dont l’objet principal était l’adoption d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections parlementaires et présidentielles. Pour Moscou, le processus de normalisation est bel et bien en marche et rien ne pourra l’arrêter, pas même l’action des indépendantistes les plus radicaux qui montre pourtant clairement à quel point il est difficile pour Moscou de contrôler la situation sur place.
Deux attentats-suicide ont ainsi eu lieu en l’espace de 48 heures cette semaine. Un camion piégé conduit par trois kamikazes a été lancé mardi contre des bâtiments administratifs dans le bourg de Znamenskoïe, situé dans le nord de la Tchétchénie, faisant 54 morts et plus de 200 blessés. Quarante-huit heures plus tard, des civils tchétchènes étaient victimes d’un nouvel acte terroriste. Une femme kamikaze, qui semblait vouloir venger la mort de son mari, s’est fait exploser mercredi au cours d’une fête religieuse musulmane organisée dans la région de Gourdemès, située à l’est de Grozny. L’attentat visait apparemment le chef de l’administration tchétchène pro-russe Akhmad Kadyrov qui participait à cette rencontre réunissant plusieurs milliers de fidèles. L’explosion a fait, selon des chiffres encore provisoires, 18 morts et environ 150 blessés. Un bilan qui aurait été encore plus meurtrier si une autre kamikaze présente dans cette même fête avait réussi à actionner la ceinture d’explosifs qu’elle portait.
Moscou propose une amnistie
Ces deux derniers attentats contribuent à ébranler le plan de normalisation politique que s’efforce d’appliquer le président russe Vladimir Poutine dans cette région. Dans le sillage des attentats qui se sont produits le 11 septembre 2001 à New York, son gouvernement a lancé une croisade sans merci contre le terrorisme. Et si les méthodes employées par les militaires russes sont largement décriées dans le monde entier, elles ne suscitent en revanche pas de protestation du côté de Washington, les Etats-Unis considérant la Tchétchénie comme un foyer international de terroristes. Américains et Russes pensent en fait être les victimes d’un même réseau, celui d’Al Qaïda. «Les explosions en Arabie Saoudite, en Tchétchénie et en d’autres lieux sont les maillons d’une même chaîne», expliquait ainsi le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexandre Iakovenko, en faisant allusion aux attentats perpétrés contre des bases militaires américaines à Ryad. Une piste que les Etats-Unis examinent également de leur côté, le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, ayant déclaré qu’une enquête était en cours.
Opposé à toute négociation avec les indépendantistes, le Kremlin tente de les marginaliser au sein de la population tchétchène, en insistant notamment sur le lourd bilan meurtrier de leur lutte parmi les civils. Les autorités russes veulent démontrer que le processus de «normalisation» poursuivra de toute façon son cours. Moscou s’était ainsi engagé lors du référendum à proposer l’amnistie aux Tchétchènes qui acceptent de déposer leurs armes. Et le Parlement russe va prochainement se pencher sur un projet de loi proposant l’amnistie des personnes «ayant commis des actes menaçant l’ordre public» depuis le 1er août 1993 et qui «auront renoncé à leur participation dans des formations illégales, cessé la rébellion armée ou livré de leur plein gré armes et matériels avant le 1er août 2003». Vladimir Poutine a demandé aux députés de procéder à un examen prioritaire de ce texte qui devrait être adopté avant la fin du mois de mai.
Ecoutez également :
Stanislav Ilyassov au micro de Pierre Ganz, 15/05/2003, 7'30
par Olivier Bras
Article publié le 16/05/2003