Mondialisation
Babylone-sur-Léman
Le sommet du G8 n’a pas été celui de la réconciliation entre Français et Américains. Chacun reste sur sa vision du monde. Et bien qu’elle fut invisible, l’épreuve de force a bien eu lieu.
Incontestablement, l’hôte du sommet a fait preuve d’habileté dans la manipulation des symboles. Ce G8 ressemble davantage à une «auberge espagnole» (où chacun va puiser ce qu’il a apporté) qu’au club très fermé dont il offre habituellement le visage. La conférence est bien à l’image de ce monde pluriel dont Jacques Chirac veut être, sinon le porte-parole, du moins le révélateur. C’est donc un monde multipolaire qu’a réuni le chef de l’État français. Dimanche, l’ouverture des travaux était réservée aux pauvres, aux déshérités, aux endettés, à tous les laissés-pour-compte de la mondialisation, aux malades (du Sida), aux peuples anciennement coloniaux qui ne s’en remettent pas, aux pays émergents, selon la terminologie désormais en vigueur. Leurs porte-parole, une douzaine d’entre eux, avaient fait le voyage pour mieux plaider leur cause. Ils repartiront avec l’assurance d’avoir été entendu et peut être, au delà de la compassion et des promesses, d’avoir engrangé quelques gains supplémentaires dans leur combat quotidien contre la pauvreté et la maladie.
La photo de famille de cette première journée est éloquente. Avec les grands Huit, on compte un ex-syndicaliste non-repenti (Brésil), le chef de file des non-alignés (Malaisie), des anciens pauvres bientôt parvenus (Chine et Inde), des Africains de la tribu des «mal-parti» (Nigeria), des autocrates impénitents (Arabie Saoudite, Égypte). En tout, une petite moitié d’humanité turbulente et revendicative toute disposée à signaler à l’attention du reste du monde qu’il n’y aura pas d’ordre stable ni durable sans elle.
Propos équivoques
Mais la réunion de cette nouvelle Babylone-sur-Léman est également au service d’une démonstration dont le destinataire fut le président des États-Unis. On a longuement guetté les signes d’une amélioration ou d’une aggravation de l’état de santé des relations franco-américaines à l’occasion de cette première rencontre au sommet franco-américaine depuis la crise historique que viennent de traverser les deux alliés. Or ce que les deux hommes avaient à se dire tient peut être moins dans les paroles qu’ils ont prononcé et qui, hors contexte, peuvent prêter à nombre d’interprétations, que dans la mise en scène. Jacques Chirac et George W. Bush ne sont pas d’accord car ils ne partagent pas la même vision du monde. Ils se le sont déclaré. Mais c’est certainement moins les accolades auxquelles ils ne se sont pas livrées, ou la fraîcheur des poignées de mains, que dans l’atmosphère globale qui a dominé la réunion que les vraies clivages apparaissent, en creux. Jacques Chirac a convoqué au service de sa démonstration une communauté témoignant d’une réalité multipolaire des relations internationales. Même la rue et l’attention particulière montrée à l’égard des altermondialistes faisaient partie du message : construire ensemble, et n’oublier personne, pour construire solide.
Cela n’empêche pas la subsistance d’une alliance de type stratégique, au nom de l’ancienneté des relations transatlantiques, entre Paris et Washington. George W.Bush a du écourter sa présence en France pour s’envoler vers le Proche-Orient où il doit participer aux réunions au sommet des chefs d’État et monarques intéressés à l’exécution de la feuille de route (pour la création d’un État palestinien d’ici 2005). A son départ il a reçu les encouragements de son homologue français, avec qui il a eu un entretien en fin de matinée dont l’essentiel a porté sur la situation proche-orientale. «Ils ont passé beaucoup de temps à parler du Liban et de la Syrie», selon un responsable américain. Peu auparavant, le président des États-Unis avait déclaré qu’il allait demander «des conseils» à son homologue français en raison de l’expérience accumulée par ce dernier dans cette région et de ses bons rapports avec Damas. Dans la bouche du président américain, de tels propos frisent l’ironie.
La photo de famille de cette première journée est éloquente. Avec les grands Huit, on compte un ex-syndicaliste non-repenti (Brésil), le chef de file des non-alignés (Malaisie), des anciens pauvres bientôt parvenus (Chine et Inde), des Africains de la tribu des «mal-parti» (Nigeria), des autocrates impénitents (Arabie Saoudite, Égypte). En tout, une petite moitié d’humanité turbulente et revendicative toute disposée à signaler à l’attention du reste du monde qu’il n’y aura pas d’ordre stable ni durable sans elle.
Propos équivoques
Mais la réunion de cette nouvelle Babylone-sur-Léman est également au service d’une démonstration dont le destinataire fut le président des États-Unis. On a longuement guetté les signes d’une amélioration ou d’une aggravation de l’état de santé des relations franco-américaines à l’occasion de cette première rencontre au sommet franco-américaine depuis la crise historique que viennent de traverser les deux alliés. Or ce que les deux hommes avaient à se dire tient peut être moins dans les paroles qu’ils ont prononcé et qui, hors contexte, peuvent prêter à nombre d’interprétations, que dans la mise en scène. Jacques Chirac et George W. Bush ne sont pas d’accord car ils ne partagent pas la même vision du monde. Ils se le sont déclaré. Mais c’est certainement moins les accolades auxquelles ils ne se sont pas livrées, ou la fraîcheur des poignées de mains, que dans l’atmosphère globale qui a dominé la réunion que les vraies clivages apparaissent, en creux. Jacques Chirac a convoqué au service de sa démonstration une communauté témoignant d’une réalité multipolaire des relations internationales. Même la rue et l’attention particulière montrée à l’égard des altermondialistes faisaient partie du message : construire ensemble, et n’oublier personne, pour construire solide.
Cela n’empêche pas la subsistance d’une alliance de type stratégique, au nom de l’ancienneté des relations transatlantiques, entre Paris et Washington. George W.Bush a du écourter sa présence en France pour s’envoler vers le Proche-Orient où il doit participer aux réunions au sommet des chefs d’État et monarques intéressés à l’exécution de la feuille de route (pour la création d’un État palestinien d’ici 2005). A son départ il a reçu les encouragements de son homologue français, avec qui il a eu un entretien en fin de matinée dont l’essentiel a porté sur la situation proche-orientale. «Ils ont passé beaucoup de temps à parler du Liban et de la Syrie», selon un responsable américain. Peu auparavant, le président des États-Unis avait déclaré qu’il allait demander «des conseils» à son homologue français en raison de l’expérience accumulée par ce dernier dans cette région et de ses bons rapports avec Damas. Dans la bouche du président américain, de tels propos frisent l’ironie.
par Georges Abou
Article publié le 02/06/2003